"Ça me ferait du mal, de voir une église brûlée" : en Nouvelle-Calédonie, les lieux de culte ont des anges gardiens

SURVEILLANCE DES EGLISES ©nouvellecaledonie
Églises sous surveillance, en Nouvelle-Calédonie. Face à la succession des atteintes aux édifices religieux, notamment catholiques, depuis les émeutes de la mi-mai, des paroissiens se sont improvisés surveillants. Pour protéger et conserver leur lieu de culte, ils se sont mis à multiplier les rondes, voire à vivre sur les sites. Reportage dans les quartiers de Nouméa.

Au cœur de Rivière-Salé, l’église Mémorial du 150e résiste. Elle a été épargnée par les flammes, qui ont pourtant ravagé de nombreux bâtiments, dans ce quartier Nord de Nouméa. Depuis les émeutes, le site est gardé jour et nuit par une équipe de jeunes, tous volontaires. “Je suis chrétien. Ça me ferait du mal de voir une église qui a été brûlée en face de moi”, confie l'un d'eux. “Je suis venu pour surveiller, pour éviter qu’on se retrouve comme à Montravel, où tout a été saccagé. Du coup, allez, on va surveiller, faire en sorte que personne ne vienne casser les vitres, brûler le petit jardin…”

"Je leur ai donné la clé"

Le père Michel Toekidjo est le référent des paroisses catholiques de Rivière-Salée et de Tina-sur-mer. Il a pu compter sur ces jeunes lorsqu’il ne pouvait pas accéder au lieu de culte. Le prêtre salue aujourd’hui l’initiative de ceux qu’il considère comme les anges gardiens de la paroisse. “Je leur ai donné la clé du presbytère. Pour moi, c’était une aubaine. Ils vivent ici. Ils font leur petite popotte eux-mêmes, ils ne me demandent rien.” 

J’appelle ça une grâce. Comment je peux qualifier ça… C’est le cœur de l’individu qui parle.

Le père Toekidjo, référent de la paroisse de Rivière-Salée

Longues nuits de veille

De Rivière-Salée, direction la Vallée-des-Colons, plus près du centre-ville. À 22 heures, c’est le début du couvre-feu mais aussi le moment de la première ronde, pour Eline et Laurent. Le couple s’est donné pour mission de surveiller l’église Saint-Jean-Baptiste. La nuit est longue, pour ces paroissiens. “Quand on rentre à la maison, il y a quand même de la fatigue. On n’est plus tout jeunes.”

Un reportage de Laura Schintu et Gaël Detcheverry :

SURVEILLANCE DES EGLISES ©nouvellecaledonie

Des symboles attaqués

Qu’importe la fatigue, les initiatives spontanées comme celles-ci se sont multipliées pour aider à préserver les lieux de culte. Mission de Saint-Louis au Mont-Dore, île des Pins, Thio-Mission, tribu de Kongouma à Touho, mission de Tyé à Poindimié, église de Balade à Pouébo : entre la mi-juillet et début septembre, six implantations catholiques ont subi des incendies et des actes de vandalisme. Un traumatisme, pour les croyants et même au-delà.

L'église de l'Espérance a eu chaud

Dès le début des émeutes, l’église de l’Espérance a frôlé la catastrophe. Située à Nouméa sur les hauteurs des Portes-de-fer, elle a échappé à un incendie. "Si nous n'étions pas arrivés, notre église aurait sûrement été la première à brûler”, estime Niuliki Palenapa, un fidèle cité en septembre dans une dépêche de l’Agence France presse. L’AFP relate comment ce paroissien a découvert un bûcher formé de bancs et de papier journal prêt à être allumé. Et de le citer : “En tant que chrétiens, cela nous a particulièrement touchés. Nous avons décidé de nous organiser pour surveiller notre église.”