Olivier Laouchez : "Avec Secteur Ä, j’ai fait un apprentissage accéléré de l’école urbaine et hip-hop qui m’a beaucoup servi pour Trace" #MaParole

Patron de chaîne à 28 ans en Martinique, Olivier Laouchez n’a, depuis, pas cessé de créer des chaînes de télévision et de radio. Avec son groupe Trace, il affiche au compteur 29 chaines musicales dans 180 pays. Et le développement n’est pas terminé. Récit d’une ascension martiniquaise dans #MaParole

Cécile Baquey • Publié le 6 juin 2023 à 12h05, mis à jour le 13 juin 2023 à 10h15

Il aime découvrir ce qui se passe dans d’autres pays. Depuis sa tendre enfance, Olivier Laouchez passe beaucoup de temps à voyager, rencontrer des gens, humer l’air du temps. Avec cette soif de découvrir, il a imaginé son petit empire, son groupe de carnaval (référence à Césaire) qu’il a bâti pierre par pierre.

1Combattif

Tout commence à l’école. Olivier Laouchez se souvient qu’en région parisienne, certains de ses camarades le rejetaient. Alors pour se défendre, il demande à ses parents d’apprendre le judo. Pas question d’être une victime. Il est du genre combattif.

Le Martiniquais passe son adolescence entre la région parisienne et la Martinique. Son père est banquier, sa mère professeur de lettres. En Martinique, la famille Laouchez est pléthorique. Sa grand-mère a eu treize enfants. Olivier Laouchez ne manque pas de cousins. Sa grand-mère maternelle s’occupe du domaine de la Pagerie où a grandi Joséphine de Beauharnais. Son père côtoie Aimé Césaire.

Après ses trois années au lycée Schoelcher, il passe son baccalauréat en 1988 puis s’envole pour Paris en prépa au lycée Chaptal. Puis, il entre à l’école supérieure de commerce. Pendant ses années d’études, il effectue trois fois par an de grands voyages. Une bonne manière de flairer ce qui marche en matière d’audiovisuel et tout simplement d’observer ce qui intéresse les gens ailleurs qu’en France. Il passe aussi deux mois à la Silicon Valley en mission pour l’ANVAR (Agence nationale de valorisation pour la recherche) et écrit un livre pour "comprendre, décrypter et populariser" la manière de travailler des Californiens "qui a très bien marché". Une expérience très précieuse pour le futur entrepreneur.

2L’aventure Trace

Après les études, il part pendant deux ans en Indonésie chez Renault en tant que VAT (volontaire civil à l’aide technique). Un bon moyen de remplir son devoir militaire dans le civil et encore une fois de découvrir de nouveaux horizons. Après cette expérience, il retourne en Martinique et décide de monter une boite de production. En 1993, il lance ATV, la première chaine privée généraliste en Martinique. Pendant sept ans, il dirige le bateau, recrute de nouveaux talents tels qu’Audrey Pulvar. Et au bout de sept ans, il décide de repartir dans l’Hexagone.

ll prend alors la direction de secteur Ä, le deuxième label de hip-hop en France. Ce label héberge à Sarcelles tout un tas d’artistes bourrés de talents : Passy, Stomy Bugsy, Doc Gyneco et bien d'autres encore. Pendant un mois, il n’est pas payé et doit remettre un peu d’ordre dans le secteur. Il déplore que les chaines nationales ne fassent rien pour mettre en valeur tous ces artistes et se dit que s’ils ne le font pas, autant le faire soi-même.

La France est le deuxième marché après les États-Unis à consommer à haute dose du hip-hop. Le potentiel est énorme. Olivier Laouchez a envie de créer une nouvelle chaine. Il fait la connaissance de Claude Grunitsky, un homme d’affaire français avec qui il décide de reprendre le magazine papier Trace. Il rachète également au groupe Lagardère 80% de la chaine MCM Africa. Trace TV commence à émettre le 27 avril 2003. Un exploit ! D’autant qu’avec Lagardère c’est l’enfer. Pendant deux ans, Olivier Laouchez bataille pour pouvoir gérer la chaine comme il l’entend, sans obstacles. Lagardère finit par sortir du capital de Trace TV, Olivier Laouchez imagine la suite.

3Groupe de carnaval

Ça se déroule en quatre temps : le lancement puis en 2006, une première diversification avec la naissance de radios Trace en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et dans quatre pays d’Afrique dont le Sénégal et la Côte d’Ivoire.

Le troisième chapitre du développement du groupe Trace se poursuit à partir de novembre 2007. 27 chaines de télévision Trace sont lancées dans le monde. Par exemple, on trouve Trace Toca pour l’Angola, Trace Gospel pour l’Europe et l’Afrique, Trace Brazuca au Brésil, Trace Vanilla pour l’Océan Indien. À chaque fois, la chaîne s’adapte au contexte local. Trace urban est par exemple la première chaine musicale au Sri Lanka.

À partir de 2021, le groupe se lance dans la formation en ligne gratuite avec Trace Acadomia. L’application propose des formations liées à l’entrepreneuriat, à des métiers et des compétences non techniques qui peuvent déboucher sur un emploi.

Aujourd’hui, le groupe compte 29 chaines disponibles dans 190 pays et regardées par plus de 350 millions de téléspectateurs et auditeurs. Le groupe Trace compte 13 filiales et 280 salariés. Olivier Laouchez aime citer cette phrase d’un poème d’Aimé Césaire "Mon peuple, quand donc cesseras-tu d’être le jouet sombre du carnaval des autres ?". L’entrepreneur a suivi à la lettre le poète. Il est parvenu à créer son propre groupe de carnaval qui fait la fête 24h sur 24 dans le monde entier !