Olivier Vallaeys, l'entraîneur de l'athlète martiniquais Wilfried Happio, cultive la lumière du présent

L'entraîneur Olivier Vallaeys prend la pose dans le stade olympique de Munich à l'occasion des championnats d'Europe d'athlétisme en 2022.
L'athlète martiniquais Wilfried Happio a changé de statut. Juin : leader français. Juillet : finaliste mondial. Août : vice-champion d'Europe du 400 mètres haies. Une médaille d'argent qu'il partage avec son entraîneur Olivier Vallaeys. La mission du coach ? Juste aider à devenir quelqu'un de bien.

Un couple. Discret. Depuis trois ans. Un athlète martiniquais très prometteur dans les catégories jeunes. Et son entraîneur normand de 56 ans. Des titres nationaux pour Wilfried Happio. Le regard protecteur de son coach Olivier Vallaeys. Protecteur et confiant. "Mon boulot, c'est justement de donner de la confiance", s'amuse Olivier. Sans long discours. "Je ne suis pas un taiseux. Même s'il est vrai que je parle peu. En revanche, j'écoute beaucoup."

Un couple. Discret. Qui se retrouve en pleine lumière en juin 2022. Lorsque Wilfried devient champion de France, trente minutes après avoir été sauvagement agressé au visage. "À Caen, le déclic, c'était peut-être de courir avec un seul œil. Wilfried a pigé qu'il pouvait se dépasser." 48 secondes 57. Le chrono envoie l'athlète martiniquais de 23 ans aux Mondiaux à Eugene (États-Unis). Pour l'entraîneur, c'est le début d'un long et bel été. Quant au couple entraîneur/entraîné, il entre dans une autre dimension.

Happio/Vallaeys, le duo gagnant

Il n'est jamais simple d'expliquer pourquoi ça fonctionne. Une alchimie particulière ? Des secrets bien gardés ? "Rien de tout cela, confie Olivier Vallaeys. Peut-être une certaine connivence. En tout cas, Wilfried m'a donné sa confiance. Et comme je ressens cette confiance, je peux lui donner tout ce que j'ai." Connivence. Confiance. Mais aucune dépendance. "Wilfried ne m'appartient pas. S'il veut me quitter, il peut le faire. Ce jour-là, je souhaiterais juste pouvoir discuter avec lui de ses nouvelles orientations. Simplement. En toute amitié."

À Munich, la médaille d'argent européenne du hurdleur martiniquais a parachevé un été 2022 au top niveau mondial. Tout cela après trois saisons compliquées. "Pas compliquées. Non. Trois ans de galère !, rectifie Olivier. Il commençait presque à souffrir du syndrome de l'usurpateur. Sauf que depuis juin, il y a des performances. Qui se répètent. Le truc, c'est de savoir être dans le moment présent. Vivre l'instant. Sans penser à autre chose. Se libérer de tout le reste. C'est un long travail. Construit. Et comme il y avait une telle envie de réussite chez Wilfried…"

À l'école Urtebise

Depuis vingt ans, Olivier Vallaeys entraîne un groupe d'athlètes à l'INSEP. Avant cela, il fut, pendant trois ans, l'assistant de Fernand Urtebise. Cette légende de l'athlétisme a accompagné Stéphane Diagana, Jean-Charles Trouabal ou Daniel Sangouma jusqu'aux sommets. Urtebise tutoyait ses athlètes. Ces derniers le vouvoyaient. "Ça ne l'empêchait pas d'être profondément humain. Fernand a d'ailleurs été l'un des premiers à me téléphoner après la médaille européenne de Wilfried. Aujourd'hui, il insiste pour que je le tutoie, mais je ne m'en sens pas capable." Respect. Immense.

En 2005, Olivier Vallaeys prend la succession de Fernand Urtebise, parti à la retraite. Changement de génération. Mais pas de style. "Je pense effectivement qu'il n'y a aucune nuance entre nous dans l'intention. Ou dans les objectifs. Disons que je suis peut-être plus rond que Fernand. Plus prêt à négocier. Les temps ont changé aussi. Les réseaux sociaux n'existaient pas à l'époque de Fernand Urtebise." Une autre époque.

La joie des relayeurs français après la médaille de bronze obtenue en finale du 4 fois 400 mètres à l'Euro 2022 de Munich. De gauche à droite : le Martiniquais Gilles Biron, le Guyanais Loïc Prevot, Téo Andant de la Team V4 et l'Antillais Thomas Jordier.

Son autre vie

Cela pourrait presque se chanter. Olivier Vallaeys a deux amours : l'athlétisme et… la porcelaine. "C'est une matière fabuleuse qui donne une lumière fantastique." Autodidacte complet, il s'est lancé dans la confection de lampes en porcelaine. "J'ai besoin de faire quelque chose de mes mains." Et l'amateur éclairé s'est vite mué en designer recherché. "Une dizaine de boutiques sur la France vendent mes lampes. Je me suis pris au jeu. Tous les matins de six à dix heures, je travaille la porcelaine avant de rejoindre l'INSEP. Le soir, en fonction des commandes, je peux remettre ça jusqu'à deux heures du matin. C'est une grande source d'équilibre."

Olivier a besoin de cette double vie. "Car j'ai beaucoup de mal à débrancher du sport de haut-niveau. Travailler la porcelaine me permet ensuite d'être frais à l'entraînement. Plus disponible." Le designer donne même des idées à l'entraîneur. "J'ai initié Wilfried Happio à la poterie. Il trouve ça génial. Ça lui permet de décrocher à son tour. C'est une autre forme de préparation mentale." Une autre façon également de regoûter à la discrétion dans ce monde hyper-connecté. "Chacun doit trouver son échappatoire. Moi, ce sont mes mains."

L'entraîneur Olivier Vallaeys dans les tribunes du stade olympique de Munich en août 2022.