En janvier dernier, la direction générale des Outre-mer a publié un rapport sur la situation des personnes issues de minorités de genre et sexuelles dans les territoires ultramarins. Un rapport qui permet de faire le point sur les initiatives pour l'inclusion sur place.
Dans un dossier documentaire de 17 pages sur la situation des minorités de genre et sexuelles dans les territoires ultramarins publié en début d'année, la Direction générale des Outre-mer (DGOM) passe en revue les initiatives qui luttent contre les discriminations de genre ou d’orientation sexuelle menées ces dernières années. Des initiatives salutaires lancées par des associations et des militants dans les régions et collectivités d'Outre-mer, mais qui sont encore trop peu nombreuses.
Libération de la parole à Mayotte, élection d’une ambassadrice transgenre en Nouvelle-Calédonie, ouverture d’une ligne d’écoute en Guadeloupe, organisation de marches des fiertés… Malgré ces avancées, le rapport rappelle le fort de taux de suicides à La Réunion en raison de l’orientation sexuelle ou les difficultés parfois rencontrées par les personnes ouvertement homosexuelles qui vivent aux Antilles.
A Saint-Pierre et Miquelon, il a fallu patienter jusqu’en janvier 2021 pour qu’une association de défense des droits des personnes lesbiennes, gays, transgenres et issues de minorités de genre s’installe. En janvier dernier, l'assocition "UNII" a vu le jour sur l’archipel, mettant en lumière la situation de la communauté LGBT+ sur place. "On trouvait important qu'il y ait une association pour qu'il y ait de la visibilité et que les jeunes et les moins jeunes puissent libérer la parole sur ce sujet là", a déclaré Julie Cormier, la présidente.
Des discriminations liées au passé colonial
Le rapport de la DGOM s’appuie sur un document d’information qu’elle a commandé en 2018 pour évaluer la lutte contre les discriminations anti-LGBT dans les Outre-mer. Des travaux menés par trois parlementaires, parmi lesquels le député de la Guyane, Gabriel Serville.
En juin 2018, lorsqu’il remet son rapport, le député Serville dresse un constat sans appel. Dans les territoires ultramarins, les comportements hostiles et stigmatisants vis-à-vis des minorités sexuelles et de genre sont plus prégnants que dans l’Hexagone. “J’ai le sentiment qu’il y a quelque chose d’ancré dans les mœurs et les habitants de nos territoires qui nous empêche d’avancer. J’ai dans l’idée de partir aux sources de ces discriminations”.
Selon le rapport des députés, le passé colonial et tout le processus de colonisation dans les Outre-mer peut être une piste à exploiter pour expliquer la prégnance de l’homophobie dans ces territoires. “Pour combattre efficacement un problème, il faut s’attaquer aux origines du même problème”, martèle Gabriel Serville, qui a été proviseur de collège avant d’être au Palais Bourbon.
Trois ans après le rapport qu’il a coécrit, l'élu interroge toujours les pratiques ouvertement discriminantes envers les personnes LBGT+ dans les Outre-mer, “notamment pendant le carnaval”. Période de fêtes, de rassemblements et de défilés indissociable du patrimoine des Antilles-Guyane, - même par temps de pandémie - le carnaval est aussi “une période propice à la construction de chants virils, sarcastiques. Des chants dans lesquels l’homosexualité est décriée, où des noms sont jetés en pâture”, explique le député.
“On avance petitement”
Une fois le constat dressé, Gabriel Serville signale un éveil des mentalités au sujet des questions qui touchent les personnes LGBT. “En Guyane, environ 130 jeunes ont été mis à la porte du domicile parental. C’est tout autant de jeunes qui ont sollicité des hébergements d’urgence la même année. Très récemment, le journal France-Antilles Guadeloupe faisait une Une associant la pédophilie à l’homosexualité... Alors oui, il y a eu des avancées et des prises de conscience. Mais on avance petitement”.
Le militant réunionnais Brandon Gercara partage l'avis du député. “Il y a eu un mieux, surtout cette année. Il y a plus de débats, plus de rencontres, il y a eu une prise de conscience”. Défenseur de la cause LGBT+ depuis plusieurs années, Brandon Gercara, 24 ans, a quitté il y a quelques années l’île de La Réunion pour faire des études supérieures dans l’Hexagone. En 2018, lors d’une mobilité européenne (ERASMUS) à Bruxelles, le jeune homme rencontre la sphère militante de la capitale belge. Il en est convaincu : quand il retournera sur son île natale, il mettra tout en œuvre pour éveiller les consciences. Aujourd’hui président et fondateur de l’association de défense des personnes LGBT+ “ReQueer”, basée à La Réunion, c’est chose faite.
Vers une “convergence des luttes” ?
Sur les réseaux sociaux, Brandon Gercara s’affiche avec fierté. Selfies où il arbore un make up hauts en couleurs, shootings photo avec des perruques phosphorescentes… Le jeune homme s’inscrit dans la droite lignée d’autres influenceurs qui utilisent leur image pour défendre leur cause. Il cite volontiers en guise de modèles Raya Martigny, mannequin réunionnaise transgenre qui collabore avec Jean-Paul Gauthier, ou encore la drag queen Sheinara Tanjabi, aussi originaire de La Réunion.
Les réseaux sociaux, c’est une excellente vitrine, mais c’est aussi l’endroit où se déversent haine, attaques en tous genres et insultes transphobes et homophobes. Brandon Gercara, qui a été victime de cyberharcèlement, souhaite sensibiliser à toutes les discriminations. Il appelle notamment à une “convergence des luttes”. “Cette année, la préfecture de La Réunion a inclu les discriminations liées au genre lors de son comité opérationnel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (CORA). On doit tendre vers ça dans tout. On peut défendre la cause des LGBT mais la question des personnes racisées et LGBT doit aussi être prise en compte”.
La récente nomination de la Réunionnaise Sophie Elizéon, jusqu’alors préfète de l’Aude, à la tête de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), pourra peut-être faire avancer la cause de toutes associations mobilisées Outre-mer.