"On s'en fout de Mayotte, c'est grave" : le cri d’alerte des élus mahorais après le passage du cyclone Chido

La députée Estelle Youssouffa
Ce lundi 23 décembre 2024, le pays tout entier a respecté une minute de silence en cette journée de deuil national suite au passage dévastateur du cyclone Chido à Mayotte. Un moment de recueillement important et symbolique pour de nombreux mahorais, même si certains élus regrettent que cette journée soit ternie par l’annonce à venir de la composition du gouvernement.

À 11h ce lundi matin, le pays a respecté une minute de silence. Un moment de recueillement et de respect pour tous les sinistrés du cyclone Chido à Mayotte. Pour l’heure, il est encore difficile de chiffrer le nombre de victimes exactes de cette catastrophe naturelle, mais selon un bilan provisoire, 36 personnes sont mortes et 2500 sont blessées. Invitée de la matinale sur France Inter, la députée Liot de Mayotte, Estelle Youssaffa s’est montrée plutôt critique envers le gouvernement et ses agissements. Elle déplore notamment leur "communication" et regrette que cette journée soit ternie par l’annonce du nouveau gouvernement. "La seule obsession de la classe politique à Paris, c'est le remaniement, constate-t-elle. La petite tambouille parisienne continue et on s'en fout de Mayotte, c'est grave."

Le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Bruno Retailleau qui avait déclaré dimanche dernier dans Le Journal du Dimanche que "dès la fin du week-end, 90% de la population sera reliée à l'eau courante" a, lui aussi, essuyé les critiques de l’élue mahoraise. "Monsieur Retailleau depuis lundi de la semaine dernière, il a fait son opération de communication et a laissé les parlementaires derrière lui et est reparti. Je n’ai pas eu un message de lui et il continue à proclamer des informations qui sont fausses. Il n’y a pas d’eau à Mayotte, il continue à avoir des coupures dans les zones où on a rétabli l’eau" a-t-elle affirmé.

"On nous a fait comprendre qu’on n’était pas des vrais Français"

Estelle Youssaffa n’est pas la seule à prendre la parole pour monter au front. Le sénateur mahorais Saïd Omar Oili a, lui aussi, exprimé sa colère. "Il y a de la colère parce que depuis des années, les gens savaient que le jour où il y aurait un évènement comme celui du 14 décembre dernier, ce serait la catastrophe. On n’a rien fait pour anticiper et aujourd’hui chacun se dit désolé", observe-t-il.

Le sénateur de Mayotte Saïd Omar Oili au ministère des Outre-mer, le 24 novembre 2023.

Présent ce lundi matin à Chatillon dans les Hauts-de-Seine pour la journée de deuil national, il s’est aussi montré très agacé face aux propos tenus par le président de la République lors de son déplacement à Mayotte. Ce dernier avait rappelé aux habitants leur "chance" de se trouver sur le territoire français. "Quand on est responsable, on doit prendre de la hauteur et être dans la compassion et non la colère, souffle-t-il. Les mots tenus par Emmanuel Macron ce jour-là nous ont beaucoup choqués et on a même oublié qu’on a été dévasté. En quelque sorte, on nous a fait comprendre qu’on n’était pas des vrais Français, mais des Français de seconde zone. C’est dur à accepter."

Emmanuel Macron lors d'une rencontre avec les habitants de Petite-Terre, à Pamandzi

 Vers la création d'une commission d'enquête ? 

Présente à l’Élysée où elle a assisté à la minute de silence en compagnie d’Emmanuel Macron et de sa femme Brigitte, Estelle Youssaffa n’a pas caché son exaspération quant au comportement de François Bayrou de préférer participer au conseil municipal de la ville de Pau – dont il est le maire – plutôt que de se rendre à Mayotte. "Si sa principale préoccupation le jour du deuil national pour Mayotte, c'est d'aller nommer son gouvernement, c'est ajouter l'injure à l'insulte, alors qu'on est à terre. Il y a un manque de considération qui est obscène."

La députée mahoraise est aussi revenue sur l’ampleur de la catastrophe qui a touché l’île. "90% de Mayotte est détruite, 90% des habitations n'ont plus de toit. On n'a pas d'eau, pas de nourriture […] On ne connaît pas le nombre de personnes décédées dans les bidonvilles. On évalue à plusieurs dizaines de milliers de personnes les disparus puisque ces zones, qui étaient extrêmement densément peuplées sont aujourd'hui quasiment vides." Estelle Youssaffa accuse aussi le ministère de la Santé d’être aux abonnés absents.  "Dans cette île qui est dans une grande détresse humanitaire, qui est un désert sanitaire […] le ministère de la Santé est aux abonnés absents à Mayotte". 

Saïd Omar Oili va de son côté demander qu’une commission d'enquête soit créée afin " que la nation sache ce qui s'est passé à Mayotte et pour dire plus jamais ça".