Orpaillage illégal : "Entre sept et dix tonnes d'or orpaillées illégalement chaque année en Guyane", selon la gendarmerie

Un site d'orpaillage illégal à Maripasoula, en août 2023
Le commandant de la gendarmerie de Guyane, Jean-Christophe Sintive, était sur franceinfo ce dimanche alors que la Première ministre Élisabeth Borne effectue un déplacement en Guyane où elle passera le réveillon auprès des forces armées engagées dans la lutte contre l'orpaillage illégal.

Évoquant une "mission difficile", le commandant de la gendarmerie de Guyane, Jean-Christophe Sintive, indique que "250 gendarmes et 500 militaires sont mobilisés chaque jour dans le cadre de cette lutte".  INTERVIEW à ire ci-dessous :

Jean-Christophe Sintive

De quoi parle-t-on quand on parle d'orpaillage ?  

Il faut tout d'abord distinguer l'orpaillage légal, qui est autorisé, avec des miniers légaux qui ont des autorisations d'exploiter et qui exploitent l'or présent dans le sous-sol de Guyane, et l'orpaillage illégal réalisé par des personnes qui viennent piller les ressources en or du sous-sol guyanais. En Guyane, la gendarmerie estime qu'en 2022, sept tonnes d'or avaient été orpaillées illégalement, et qu'en 2021 c'étaient dix tonnes. Les proportions sont celles-ci : entre sept et dix tonnes d'or orpaillées illégalement chaque année en Guyane.  


Pourquoi ce phénomène prend autant d'ampleur ces dernières années ?  
La ruée vers l'or, en Guyane, ne date pas d'hier. C'est dans les années 1850 et 1860 que l'or a été redécouvert en Guyane. Il y a alors eu une montée en puissance des chercheurs d'or. Au retour de la Seconde guerre mondiale, il n'y avait cependant pratiquement plus de recherche d'or en Guyane. Il y a eu une deuxième vague qui a commencé dans les années 1990 et qui est montée progressivement en puissance jusqu'à aujourd'hui. Cela s'explique évidemment par le cours de l'or, qui est passé au début des années 2000 à 12 euros le gramme à 60 euros le gramme aujourd'hui.  


Cet orpaillage illégal, c'est aussi de la forêt détruite et des dégâts irréversibles sur les rivières, à cause du mercure utilisé.  
Oui, pour orpailler, il faut accéder à l'or, et pour accéder à l'or, il faut soit creuser fortement dans des rivières et donc remuer beaucoup de terre, beaucoup de boue, faire tomber des arbres. Ce sont donc des zones qui sont dévastées par les orpailleurs illégaux qui viennent travailler la terre au cœur de la forêt amazonienne.  


D'où viennent ces chercheurs d'or illégaux ?  
Ils viennent essentiellement du Brésil, à hauteur de 95% environ selon nos estimations. Les 5% qui restent proviennent de toute la plaque sud-américaine. Peu sont guyanais. On estime aujourd'hui entre 6 500 et 7 500 orpailleurs illégaux présents en Guyane. Ces travailleurs, souvent pauvres, viennent à la demande de chefs de chantiers pour exploiter l'or. Ils viennent car ils sont bien payés. Ils vont toucher, dans les meilleurs mois, 50 à 60 grammes d'or par mois. Les chefs de chantiers, quant à eux, récupèrent une grande partie de l'or produit. Il y a aussi d'autres travailleurs, provenant du Suriname et du Brésil, qui s'occupent de la logistique. C'est une organisation extrêmement complexe et très décentralisée.  


En ce qui concerne les moyens pour lutter contre cet orpaillage illégal, il y a l'opération "Harpie", lancée en 2008, qui mêle l'action des gendarmes et des forces armées.  
La lutte contre l'orpaillage illégal comporte plusieurs volets : économique, diplomatique, social, mais aussi répressif. Ce volet répressif est mené essentiellement par la gendarmerie, appuyée par les forces armées en Guyane. On considère qu'il y a aujourd'hui 250 gendarmes mobilisés tous les jours dans le cadre de la lutte contre cet orpaillage illégal et plus de 500 militaires des forces armées en Guyane. C'est une mission qui est complexe, de par le milieu et l'adversité. Cette opération Harpie consiste à mener un contrôle de zone extrêmement vaste. Nous allons tenir les fleuves, les pistes qui permettent d'accéder aux sites. Nous avons six contrôles fluviaux, deux contrôles sur les pistes. Ensuite, nous allons faire des opérations pour démanteler différents sites que nous aurons détectés. Enfin, c'est une judiciarisation du phénomène avec des interpellations pour traduire devant la justice.  


Cette année encore, un membre du GIGN a été tué dans le cadre de cette lutte, tandis qu'un militaire a été blessé par balles ces dernières semaines.  
C'est une mission difficile, déjà par le milieu dans lequel les militaires et les gendarmes travaillent. C'est la forêt équatoriale dense. Il fait chaud, il y a 90% d'humidité en permanence, il y a des animaux hostiles... Et puis, il y a l'adversaire qui va tout faire pour s'opposer à l'action des forces armées et de la gendarmerie.  


Qu'attendez-vous de la venue de la Première ministre Elisabeth Borne ?  
Nous sommes reconnaissants de ce passage en Guyane de la Première ministre. L'engagement est majeur, il est intense, et cette reconnaissance est vécue comme quelque chose de très important pour nous. Pour poursuivre l'action, il faut avoir les moyens héliportés qui doivent être renouvelés régulièrement. Ce sera l'occasion de faire des demandes pour pouvoir améliorer encore l'intensité de notre engagement ici.