Sur une table d’un bureau au laboratoire de l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier sont ressemblés tous les fossiles d’un paresseux géant découvert fin 2020 par des orpailleurs illégaux en Guyane. Ces derniers ont eu heureusement la bonne idée de prévenir le parc amazonien. En octobre 2021, à la saison sèche, une équipe de six chercheurs de Montpellier s’est rendue à Atouka sous bonne escorte militaire. Après 1h de pirogue depuis Maripasoula puis 2h30 de marche, ils sont arrivés sur le site jusqu’alors exploité par des chercheurs d’or illégaux. Des responsables du parc amazonien leur ont remis des fossiles d’un paresseux géant.
🔬Où en sont les recherches sur le paresseux géant dont des fossiles ont été découverts en Guyane ?
— La1ere.fr (@la1ere) December 9, 2021
🔶En octobre 2021, six scientifiques ont rapporté à Montpellier des fossiles d’un Eremotherium. Une découverte exceptionnelle.
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Une découverte exceptionnelle
Un événement pour le petit monde des spécialistes de la mégafaune car c’est la première fois que des restes d’un animal géant disparu ont été découverts en Guyane. "Cet animal on savait qu’il avait existé en Guyane, mais jusqu’à présent, on n’en avait jamais eu la preuve", s’enthousiasme le paléonthologue Pierre-Olivier Antoine (Université de Montpellier-CEBA-CNRS). Dès que les chercheurs auront terminé leurs analyses, ils comptent bien restituer les fossiles à la Guyane qui pourra les présenter au public. Avant de rentrer à Montpellier, l’équipe de scientifiques s’est d’ailleurs rendue dans un lycée à Saint-Laurent du Maroni pour partager avec des lycéens leur dernière découverte.
Après ces séances de médiation scientifiques, le paléonthologue Pierre-Olivier Antoine et son équipe ont emmené les fossiles à Montpellier à l’Institut des sciences de l’évolution. Ces spécimens rares sont étudiés de près. Rassemblés à l’université de Montpellier, ces fossiles (deux fragments de mandibules, un fragment de mâchoire, un os de l’avant-bras, une vertébre, une côte et un morceau d’épaule) sont scrutés et analysés grâce notamment à un scanner. Pierre-Olivier Antoine précise que ce paresseux géant était un Eremotherium Laurillardi, un cousin du Megatherium. Dans cette famille terrestre, connue depuis près de 180 ans en Amérique du sud, "les plus gros individus faisaient debout 4 mètres de hauteur et pesaient environ 4 tonnes. Celui-ci devait mesurer 3 mètres et peser 3 tonnes, en raison de sa jeunesse", précise le professeur Antoine.
Un paresseux adolescent
Il s’agit d’un adolescent, en bonne santé. Les scientifiques en sont convaincus car "l’articulation de l’épaule n’est pas soudée. Ce qui confirme le caractère adolescent du paresseux, de même que la faible usure de ses dents". Mais les chercheurs ne savent pas encore quand ce paresseux a exactement a vécu. "Ces fossiles datent d’au moins 12 000 ans, date de l'extinction de l’espèce, mais très probablement d'après les premiers éléments que l'on a vus sur le terrain, notamment la végétation qu'on a analysée, on pense qu'ils remontent à 20 000 ans. La confirmation, on l’aura dans les prochaines semaines, voire les prochains mois", précise le paléonthologue Pierre-Olivier Antoine.
Une étude des sédiments qui accompagnaient les fossiles ainsi qu’une datation au carbone 14 sont en cours. Les scientifiques cherchent aussi à prélever de l’ADN ancien sur ces fossiles. Une opération très difficile à réaliser. "Typiquement l’ADN ancien est très dégradé car à la mort de l’animal, l’ADN s'est fragmenté et il est entouré de sédiments et de bactéries du sol" explique le biologiste Frédéric Delsuc (CNRS-Université de Montpellier).
Si les chercheurs parviennent à prélever de l’ADN ancien sur ces fossiles, ils pourront caractériser et classer précisément l’Eremotherium, ce paresseux géant, complétement inconnu jusqu'alors en Guyane, qui ressemble beaucoup à son cousin le megathérium. Ces animaux géants vivaient sur terre contrairement aux paresseux actuels qui passent leur temps dans les arbres et qui sont de petite taille.
Changement climatique
Les Eremotherium ont disparu il y a 12000 ans de la surface de la planète, très probablement en raison d’un réchauffement climatique qui a modifié leur environnement. Les scientifiques de Montpellier étudient précisemment les sédiments qui entourent les fossiles afin de comprendre dans quel environnement ces animaux géants vivaient. Grâce à ces recherches, l'équipe de Pierre-Olivier Antoine a l'espoir de décrire et de comprendre plus précisement ce qui provoqué la disparition de cette espèce de paresseux géants. Un sujet qui nous intéresse directement.
►Pour en savoir plus : regardez le documentaire Le mystère des géants disparus produit par French Connection Films/Berenice Medias/CNRS disponible en DVD.