"Vous me prenez pour un sac-poubelle. Je ne vous parle plus." Kaled Moindjie se vexe facilement. Face à la juge qui doit décider du nombre d'années qu'il passera derrière les barreaux, le jeune homme de 27 ans n'hésite pas à répondre, à la limite de l'insolence. La magistrate l'évacuera même une fois de la salle d'audience, comme le racontent les journalistes de la presse locale qui assistent au procès.
Vendredi 31 janvier, le verdict est tombé : après une longue délibération des juges et du jury populaire, la cour d'assises de la Dordogne a décidé de condamner Kaled Moindjie à 22 ans de prison, une peine assortie d’une période de sûreté des deux tiers.
Depuis mercredi, cet homme qui a grandi à Mayotte et dont la famille est originaire des Comores était jugé à Périgueux, non loin de Bordeaux. C'est dans ce coin de l'Hexagone qu'il s'est installé en 2016, lorsqu'il est arrivé avec sa mère et ses sœurs, fuyant la violence du père. Kaled Moindjie était accusé d'avoir mortellement poignardé un autre homme lors d'un barbecue public à Coulounieix-Chamiers en 2022. Il est donc déclaré coupable.
"J'aurais pu mourir", se défend l'accusé
Ce soir du 8 juin, Rémi Milhares, la victime, participe à un rassemblement festif au pied d'un immeuble HLM de la ville. Kaled Moindjie arrive alors pour faire cuire du poisson. Les deux hommes ne se connaissent pas.
"Que s'est-il passé ?", se demande la journaliste de Sud Ouest qui suit l'audience. Même les enquêteurs ont du mal à recoller les pièces du puzzle. "Kaled Moindjie dit avoir reçu 'sans raison' un coup de bouteille de bière sur le crâne de la part de Rémi Milhares, qui l'aurait ensuite menacé avec une bouteille brisée, détaille le quotidien. Le tout sur fond d'alcoolisation des deux côtés."
Le jeune Mahorais, qui n'avait que 24 ans à l'époque des faits, ne nie pas avoir donné le coup de couteau. Mais il n'avait "pas l'intention de le tuer", assure-t-il face à la cour, comme le relate Dordogne libre.
J'aurais pu mourir. Je n'ai fait que me défendre. Je cherche à comprendre pourquoi il a fait ça.
Kaled Moindjie, à la barre, propos relaté par "Dordogne libre"
L'autopsie de la victime, âgée d'une trentaine d'années, a révélé une plaie intérieure de 25 cm. Il a reçu la lame entre deux côtes, ce qui lui a déchiré le diaphragme, l'estomac, le foie et un ventricule cardiaque, liste Sud Ouest. L'homme n'avait "aucune chance de survie", dit le médecin légiste à la barre.
Alcoolique et drogué
Alcoolique et grand consommateur de stupéfiants depuis ses 15 ans, Kaled Moindjie est déjà connu pour des faits de violences, notamment conjugales. En détention depuis le meurtre de 2022, ce père de deux enfants se bat régulièrement avec ses codétenus. Il a déjà passé plusieurs jours à l'isolement. "Partout où je vais, je me fais agresser", tente-t-il de se défendre, se posant en victime.
Le psychiatre et le psychologue qui l'ont examiné dans le cadre de la procédure judiciaire n'ont pas décelé de maladie mentale. Mais, selon eux, il "souffre d'une personnalité dissociable avec une grande immaturité psychique".
À la barre, sa mère, qui l'a eu alors qu'elle n'avait que 15 ans, a bien tenté de le défendre – "Il n'a jamais cherché la bagarre", assure-t-elle – alors même qu'elle avait indiqué aux enquêteurs qu'il avait déjà tenté de l'étrangler, raconte Sud Ouest. Mais la juge ne semble pas avoir été convaincue – "Vous protégez votre enfant, vous êtes une mère", a-t-elle rétorqué. Depuis le box, l'accusé n'a pas apprécié l'interrogatoire de sa mère : "Ne la mêlez pas à ça".