Outre-mer, la voiture électrique peine à démarrer

Une borne de recharge au Mondial de l'Automobile.
Bornes moins nombreuses que dans l'Hexagone, temps de chargement jusqu'à dix fois plus long, prix très élevés... Les voitures électriques sont encore peu nombreuses dans le parc automobile ultramarin. Alors que le Mondial de l'Automobile se tient cette semaine à Paris, on a cherché à savoir pourquoi.

On achète trois fois moins de voitures électriques neuves aux Antilles qu’ailleurs en France. Dans les Outre-mer, la voiture électrique a du mal à décoller. Sur 100 voitures neuves achetées au niveau national, 17 sont électriques. Le chiffre tombe à 10 à La Réunion, 5 dans les Antilles et plafonne à 0,5 à Mayotte. Au-delà du prix très élevé – comptez 25 000 euros au minimum, sans aides locales ni bonus écologique – des freins spécifiques aux Outre-mer expliquent le manque d’entrain des conducteurs ultramarins à se tourner vers l’électrique.

Pourtant, les constructeurs voient dans les Outre-mer un marché prometteur. Avec une autonomie qui varie de 100 à 600 km, ces véhicules sont adaptés aux petites zones insulaires, où les trajets ne sont pas forcément très longs. Le géant chinois BYD, premier fabricant mondial de véhicules électriques, a ainsi choisi de s’implanter à La Réunion, en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. Le constructeur se veut rassurant et promet que ses voitures s’adaptent à tous les climats, et que l’autonomie des véhicules ne varie pas, qu’il fasse 30° ou -60°.

La BYD Seal, un véhicule 100 % électrique présenté au Mondial de l'Automobile, à Paris.

Un temps de chargement jusqu'à 10 fois plus long

Reste que pour conduire une voiture électrique, il faut la recharger. S’il est possible d’installer une borne de recharge directement chez soi, la pratique est encore peu répandue. Or en Outre-mer, le maillage des bornes est bien souvent insuffisant. La société Freshmile, leader sur le marché de l’exploitation de bornes, s’est tournée vers les territoires ultramarins il y a plusieurs années. Mais, là encore, se pose la question du coût. "Tous les produits d’import sont particulièrement chers, commente Julien Vetter, le directeur des ventes de Freshmile. On est sur des coûts par point de charge qui varient entre 5 000 et 7 000 euros, ce qui est relativement important." Dans l’Hexagone, le prix d'une borne tourne autour de 3 000 euros.

Autre frein : le temps de charge, qui peut être jusqu’à dix fois plus long en Outre-mer. La société DBT construit des bornes dans l’Hexagone et dans les territoires ultramarins. Mais les modèles installés ne sont pas toujours équivalents. "Les bornes qui sont surtout déployées en Outre-mer sont des bornes jusqu’à 22 km, ce qui veut dire que les temps de charge sont de l’ordre de 4 à 6 heures là où le marché en Europe se structure plutôt sur de la recharge ultra-rapide, entre 20 et 40 minutes", explique Vincent Guienne, directeur des opérations du réseau R3, une branche de DBT qui déploie des bornes.

Mix énergétique très carboné

En outre, les réseaux d'électricité en Outre-mer sont fragiles. "Dans les territoires d'Outre-mer, on a des petits systèmes, qui ne sont pas reliés avec l'ensemble d'un gros continent", rappelle Antoine Jourdain, directeur des systèmes énergétiques insulaires chez EDF. Pour éviter de saturer les réseaux, ce qui arriverait si les automobilistes rechargeaient tous leur voiture en même temps, EDF propose un tableau qui récapitule, heure par heure et territoire par territoire, les créneaux "favorables" et "défavorables" pour recharger son véhicule. "On essaye de piloter les bornes pour qu'elles puissent recharger au moment où ça coûte le moins cher pour le système, détaille Antoine Jourdain. On a fait une expérimentation à La Réunion pour consommer au maximum quand l’électricité n'est pas chère à être produite, par exemple quand il y a du soleil, donc dans la journée."

Si le solaire peut faire avancer une voiture électrique, dans les Outre-mer, le mix énergétique est encore très carboné : l'essentiel de l'électricité y est encore fabriquée à partir d'énergies fossiles. Un bémol que vient compléter le problème du recyclage des batteries des véhicules électriques, particulièrement difficile à mettre en place.