Perle Lama au Zénith de Paris : la chanteuse a-t-elle été déprogrammée par les autres artistes ?

Programmée au Caribbean Summer Festival samedi 15 juin, Perle Lama ne s'est finalement pas produite devant le public. L'artiste accuse la pression d'autres artistes, une affirmation contestée par l'organisateur.
Samedi 15 juin, l'artiste Perle Lama devait se produire sur la scène du Caribbean Summer Festival au Zénith de la Villette, tout comme de nombreux artistes de la sphère zouk et konpa. Quelques heures avant le show, Perle Lama a annoncé sur ses réseaux sociaux avoir été déprogrammée. Une affirmation réfutée par l'organisateur qui clame avoir tout fait pour maintenir sa prestation.

Tout commence par une vidéo. Perle Lama bloquée devant les grilles du Zénith de la Villette à Paris. L'artiste, programmée au Caribbean Summer Festival ce samedi 15 juin, filme en direct la scène depuis l'arrière de sa voiture. Derrière ses lunettes colorées, Perle Lama s'adresse à ses fans : "Je suis devant le Zénith, mon agent de sécurité et mon compagnon sont en train de voir qu'on nous empêche de rentrer." 

La raison selon elle ? "On empêche Perle Lama de chanter parce que des artistes ne veulent pas qu'elle monte sur scène", s'égosille-t-elle en direct. Pendant de longues minutes, la chanteuse filme contre leur gré les agents de sécurité et crie : "Je veux voir le directeur". En quelques heures à peine, cette vidéo a déclenché les réactions en chaîne des internautes. Certains réclament "Justice pour Perle Lama", alors que d'autres accusent les organisateurs du festival de s'être fait de l'argent sur le dos de la chanteuse.  

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Derrière ses nombreuses vidéos postées sur Instagram, Perle Lama partage sa version de l'histoire, contestée par les organisateurs et les autres artistes. Après avoir récolté leurs témoignages, Outre-mer La 1ère vous propose de démêler le vrai du faux dans cette polémique. Contactée à plusieurs reprises, Perle Lama n'a pas donné suite à nos sollicitations. Sur Instagram, elle nous a envoyé cette réponse : "Continuez à nous suivre." 

"C'était une évidence de la programmer"

Février 2024. David Noel et son équipe se lancent dans un pari fou : organiser un évènement au Zénith en trois mois. "Habituellement, il faut minimum six mois", détaille l'organisateur, déjà derrière l'organisation de Fé Bougé l'Océan Indien dont la deuxième édition s'est déroulée le 14 mai dernier. Le programme : mettre à l'honneur le zouk. L'organisateur appelle les plus grands artistes du genre, Perle Lama en fait partie. "C'était une évidence de la programmer, elle est représentative du zouk et a beaucoup apporté à la communauté", retrace David Noel. 

Représentée par Kazamizik Prod, Perle Lama signe un premier contrat avec Paris Island, la société de David Noel, pour "une prestation de 20 minutes minimum lors du concert Caribbean Summer Festival". Peu de temps après, ce contrat devient caduc puisque Perle Lama se serait "pris la tête" avec son manager, avance David Noel. C'est donc sous la société Aztec Musique, la boîte de production d'Eric Basset (son producteur) que Perle Lama signe le second contrat, sous les mêmes conditions.

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En signant ce contrat, Perle Lama s'engage à faire la communication de l'évènement sur ses réseaux sociaux. Sur son compte Instagram, une vidéo datée du 12 juin annonce sa prestation au Caribbean Summer Festival. Ces images sont précédées de dizaines et dizaines de vidéos de Perle Lama qui se filme face caméra pour s'adresser aux internautes.

Un flot de confessions

Depuis le mois d'avril, la Martiniquaise publie régulièrement, depuis la plage, des séries de vidéos pour "parler des problèmes" dans l'industrie musicale, afin de "dénoncer l'invisibilisation de son travail, de sa personne". Dans ce flot de confessions, la chanteuse a notamment accusé Marvin et Nesly – deux artistes majeurs de la scène zouk, aussi programmés au Caribbean Summer Festival – de l'avoir plagié sur le son Dans ma life, tout comme Diam's et Vitaa sur le morceau Confessions Nocturnes. Elle pointe aussi du doigt sa boîte de production, Aztec Musique, ainsi que d'autres acteurs de la filière musicale antillaise. 

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Après la diffusion de ces accusations en ligne, l'artiste Marvin a engagé des poursuites judiciaires pour diffamation. Eric Basset, son producteur et directeur du label Aztec Musique, déclare se "désolidariser totalement des messages que Perle Lama a fait circuler sur les réseaux sociaux".

Un climat tendu

En pleine campagne de communication pour le Caribbean Summer Festival, David Noel et son équipe s'inquiètent de la répercussion de ce climat tendu entre artistes sur les ventes, mais aussi sur le bon déroulé de l'évènement. Marvin et Nesly étant aussi programmés sur le concert, l'organisateur demande alors aux différents protagonistes de "modérer" leurs réponses. Perle Lama, elle, répond avec de "l'agressivité", affirme David Noel.

J'ai compris à ce moment-là que ce conflit allait impacter mon show. Mais c'était déjà trop tard.

David Noel, organisateur du Caribbean Summer Festival

Il n'est pourtant pas question de déprogrammer Perle Lama ou tout autre artiste. L'équipe de communication continue alors de "surveiller" une éventuelle prise de position sur les réseaux sociaux. Documents à l'appui, l'organisateur met en avant les arrangements qu'il a proposés à Perle Lama avant l'évènement. Les billets d'avion ont été payés par l'organisateur "par courtoisie pour Perle Lama" alors que ce n'était pas écrit dans le contrat qu'Outre-mer La 1ère a pu consulter, tout comme une avance du solde du cachet qui lui a été fourni afin qu'elle puisse payer les tenues de ses danseurs. 

Est-ce qu'une personne qui ne veut pas qu'elle monte sur scène, va agir de cette façon ? Je rappelle que normalement, c'est le rôle de son producteur de dépenser de l'argent pour que la prestation de son artiste soit de bonne qualité, et non à l'organisateur. On lui a payé la totalité de son cachet, ce n'était certainement pas dans le but de la déprogrammer quelques jours après.

David Noel, organisateur du Caribbean Summer Festival

L'inquiétude du service de sécurité

Quelques jours avant le show, le mercredi 12, David Noel reçoit un coup de fil de la société qui gère la sécurité interne aux coulisses du Zénith. La société s'inquiète de potentiels débordements dans les loges entre certains artistes. L'objet de cette soudaine inquiétude : une vidéo postée en story instagram par Perle Lama le jour même. "Elle dit qu'elle a réalisé un titre qui s'appelle Pickpoquetas, qu'elle a l'intention de chanter samedi, explique David Noel. Dans ce titre-là, elle ne cite pas de noms, mais elle parle de voleurs, d'arnaqueurs. On a eu l'impression que ce titre était à destination des artistes de la programmation concernés par ce conflit."

Dans l'ordre de passage initial du show, Perle Lama devait se produire juste avant Marvin et Nesly. Une configuration qui risquait de provoquer un conflit entre les artistes. Après avoir vu la vidéo, Marvin et son équipe en tirent la même conclusion. Pour assurer le bon déroulé du spectacle, l'artiste envisage même de ne pas monter sur scène. 

Mais rapidement, on s’est dit que ce n'était pas possible, que ce soit contractuellement et pour ses fans. Par contre, il fallait trouver une solution pour qu’elle ne vienne pas salir l’image de mon artiste sur scène.

Titof, le manager de Marvin

"C'est nous qui avons la responsabilité de 7 000 personnes"

Titof tente alors de rentrer en contact avec l'organisateur. Sans succès. Pendant plus de 24 heures, David Noel et son co-producteur, décident de se couper du monde. "C'est nous qui avons la responsabilité de 7 000 personnes au Zénith, insiste David Noel. Il nous fallait le temps de se poser pour réfléchir à la situation et savoir quelle stratégie on allait adopter sans être influencé par qui que ce soit." Avant de couper son téléphone, l'organisateur met en attente les billets d'avion de Perle Lama, qui devait voyager le jour même, en la prévenant qu'il y a "un gros souci concernant la production de l'évènement". 

Le temps passe, et la tenue de l'évènement se rapproche. La veille du concert, Perle Lama se trouve toujours en Martinique puisque ses billets sont bloqués. C'est tard dans la soirée de vendredi que David Noel et son co-producteur se mettent d'accord sur une solution : modifier l'ordre de passage pour que Perle Lama passe en première partie, de cette manière, les artistes ne se croiseront pas dans les coulisses.

Un accord de principe

David Noel organise alors un appel téléphonique pour informer Eric Basset, Titof et Perle Lama de cette proposition. L'artiste est injoignable, elle a finalement pris l'avion, dont les billets ont été payés par son producteur, pour arriver à Paris samedi dans la matinée. Les autres acteurs s'accordent sur ce nouvel ordre de programmation. 

Je donne effectivement mon accord, si elle passe bien en tant que deuxième artiste du festival. Et qu'il lui soit bien indiqué qu'elle ne doit pas chanter le titre qu'elle vient de créer à l'encontre de mon artiste.

Titof, le manager de Marvin, par mail

Eric Basset, répond quant à lui à 10 heures du matin le samedi 15. Le producteur avance que "pour les détails de la prestation", notamment l'ordre de passage, les "choses sont à voir avec Perle Lama et son manager", car "l'artiste refuse absolument quelque avis que nous pourrions avoir ou lui donner". Toutefois, le producteur déconseille à l'organisateur "d'intervenir sur le contenu de la prestation artistique de l'artiste". Il annonce dans le même temps ne plus avoir de lien contractuel avec Perle Lama.

Perle Lama sans producteur

Joint par téléphone, Eric Basset confirme ne plus travailler avec Perle Lama : "À un moment donné, on ne peut pas travailler avec une artiste qui passe son temps à ne pas écouter ce qu’on lui dit. Si tu n’as pas besoin de mes conseils, tu continues sans moi." Sauf que le contrat que Perle Lama avait signé pour se produire au Caribbean Summer Festival était au nom d'Aztec Musique. À quelques heures du show, l'artiste se retrouve donc sans représentant juridique. 

Face à cette situation, les organisateurs décident d'appeler Perle Lama directement. Lorsqu'ils lui proposent de chanter en première partie, l'artiste les aurait "insulté de tous les noms". Une partie de la conversation a été filmée à leur insu par Perle Lama, et diffusée sur son compte Instagram. 

Je lui dis que les gens ne veulent pas qu'elle chante, mais je parlais de notre prestataire de sécurité qui ne voulait pas qu'elle chante de peur qu'il y ait des débordements.

David Noel, organisateur du Caribbean Summer Festival

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Dans cette vidéo, Perle Lama tire sa propre conclusion et avance : "Vous êtes en train de dire qu’il y a des artistes qui se sont réunis pour vous dire que moi Perle Lama, j’ai pas le droit de travailler ?". Une interprétation qu'elle répète lorsqu'elle se rend dans la soirée au Zénith, et qu'elle se filme devant les grilles fermées.

Menaces et propos racistes

"On devait tous être sur scène, là-dessus on sera tous d’accord, affirme Marvin. C’était pas à nous de décider qui vient ou qui ne vient pas, d’ailleurs je ne pense pas qu’on ait ce pouvoir." Face au déchaînement de haine sur les réseaux sociaux, Marvin a décidé de s'exprimer lundi soir sur son compte Instagram. Une décision qu'il dit "regretter"

Je pense que tout le monde sortira perdant de cette histoire. Peu importe la teneur des propos, s’exposer comme ça sur les réseaux sociaux, faire les chiffonniers, j’ai du mal à penser que ça puisse rendre justice à qui que ce soit. Ça ne peut qu'entacher l'image des artistes.

Marvin, chanteur et auteur-compositeur

Après cette série de vidéos, Marvin a décidé de se couper des réseaux sociaux. Comme d'autres artistes qui se sont produits au Caribbean Summer Festival, le chanteur a reçu des menaces de la part d'internautes. Parfois plus d'une trentaine de messages par heure. "Ne mets plus un pied dans tel endroit, sinon on va t’attraper. De toute façon, t’es pas de chez nous, t’es qu’un sale africain. J’ai eu de tout", souligne l'artiste, qui ne souhaite pas à Perle Lama de recevoir de tels messages. 

"Mes propos ont été détournés"

Mardi soir, la Martiniquaise s'est une fois de plus adressée à ses fans à travers une dizaine de vidéos postée sur Instagram. Dans sa dernière intervention, elle revient sur l'épisode du Zénith :

À la base, je suis venue dans une démarche de partager mon expérience et de dire avec sincérité ce que j’ai vécu en tant qu’artiste. Mes propos ont été détournés, mes actions aussi. Mon intention sur la scène du Zénith n’était ni de me clasher (attaquer), ni de me fight (battre) avec personne.

Perle Lama, dans une vidéo sur Instagram

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Avant de prédire : "Que ce soit le Zénith, Bercy ou encore ailleurs dans le monde, cette chanson elle est née et elle sera chantée. Ce sera le tube de l’été 2024."