Piwone et Criimi, la relève du rap en créole [Une semaine à Montpellier]

Piwone (à gauche) et Criimi (à droite), dans le studio de MCG, à Montpellier.
À l'occasion du carnaval antillais de Montpellier du 23 au 25 février, Outre-mer La 1ère est allée à la rencontre de la communauté ultramarine dans la ville de l'Hérault, située dans le sud de l'Hexagone. Parmi elle, deux jeunes rappeurs débarqués de la Guadeloupe et de la Martinique qui chantent essentiellement dans leur langue régionale.

Piwone attend dans la cabine d'enregistrement, derrière le micro, l'air faussement blasé. Avec sa chaîne en or autour du cou, son survêtement marron clair et sa casquette à l'envers soigneusement vissée sur la tête, le jeune Guadeloupéen ressemble à un gangsta new-yorkais. Le son est lancé. Ses mains se mettent à bouger, à la manière des rappeurs. Rien que pour nous, l'artiste interprète un de ses nouveaux titres qui doit sortir prochainement. Bienvenue dans les studios de MCG Production, un des acteurs phares du rap game montpelliérain. Mais aussi un des meilleurs promoteurs du rap antillais dans l'Hexagone.

Piwone fait de la musique depuis une dizaine d'années. "J'ai beaucoup d'inspiration du péyi, tu connais", lance le jeune homme de 25 ans, originaire de Saint-Claude, en Guadeloupe. "Tu connais", c'est sa ponctuation. Arrivé à Montpellier (Hérault) pour ses études en 2015, il a vite trouvé sa voie dans le rap. Aujourd'hui, "ça fait des projets à droite, à gauche. De la musique surtout", raconte-t-il. Resté sous le soleil occitan, il n'en oublie pas ses racines antillaises. Quand il chante, c'est en créole. Et pour son clip Révé (sorti en 2021), il a même grimpé la Soufrière, volcan auprès duquel il a grandi, sur la Basse-Terre.


Ax, le producteur qui a lancé MCG (Musical Concept Group), a eu à cœur de nous présenter Piwone et Criimi, ses deux protégés. Ses "petits frères", comme il les appelle. "Je n'ai jamais prétendu être un recruteur", met au clair celui qui est, lui aussi, né aux Antilles. MCG et ces deux gaillards se sont croisés grâce aux connexions des uns et des autres. "J'avais un tonton qui connaissait MCG", raconte Criimi. "Depuis, on ne s'est plus lâchés."

"Boom boom"

Criimi, lunettes de soleil sur le nez, est le plus jeune des deux. Il a 20 ans. Originaire de la Martinique (de Fort-de-France et de Saint-Joseph), il a dû quitter son île il y a quatre ans. "C'était un peu chaud là-bas, dit-il. Mes parents voulaient me faire partir, pour éviter que ça se passe mal." Il s'est donc retrouvé à Bordeaux, pour ses études. Mais il a vite jeté son dévolu sur Montpellier, où il pouvait faire ses sons, dans sa langue.

Plus que du rap, sa musique à lui, c'est ce qu'il appelle du trap. "C'est une base de rap, mais un peu plus sombre. Un peu plus sale. En Amérique, c'est du trap qu'ils font, tu vois ?" Oui, on voit. Dans ses clips, Criimi reprend les clichés trash du rap : filles, drogue, alcool, armes. "Boom boom", signe l'intéressé.

Si j'avais pas vécu en Martinique, si j'avais pas eu l'enfance que j'ai eu, j'aurais pas chanté ce que je chante. C'est de là que tout vient.

Criimi, rappeur martiniquais

Mais derrière les airs de bad boy de ses deux artistes ultramarins se cache une vraie volonté de réussir et de percer. Piwone et Criimi sont des fourmis, qui laissent aux cigales le loisir de chanter. "Je suis au studio tous les jours, confie le Martiniquais. On est là, on travaille, en attendant que ça fonctionne."

Le son Douvan, par exemple, que MCG a sorti il y a un an. "Ça s'est fait sur un coup de tête, raconte Piwone. On était là, au studio. Dès qu'on a un petit jet, on bosse. Ax nous a dit : 'On est à trois à rien faire'. Donc au lieu de rien faire, autant faire un son." Basique. Simple.


Le clip a dépassé la barre des 60 000 vues. Un bon résultat pour MCG. Exemple même de l'efficacité du petit groupe, qui a bouclé l'affaire en très peu de temps. "On a fait le son le jour même. On a clippé le lendemain. Le clip est sorti peut-être deux trois jours après."

Chercher un nouveau public

Mais, après plus de deux ans de collaboration, les jeunes rappeurs et leur producteur tentent de voir plus loin. "Il y a des sons qui arrivent qui sont plus sérieux, indique Piwone. On prend un peu plus de temps pour faire plus carré."

"On se crée une base fan de sa communauté. Après, on va chercher ce qu'il y a à chercher", explique Ax, qui pousse ses jeunes artistes à se diversifier. Quitte à abandonner un peu le créole pour se mettre au français.

Couleur, de Criimi, par exemple, est sorti il y a un peu plus d'un mois. Différent de l'approche sombre que revendique le Martiniquais, et en langue française, le son a percé, avec plus de 112 000 vues. "C'est mon son qui fonctionne le mieux", reconnaît-il.

Mais pas facile d'abandonner la langue du péyi : "Je chante essentiellement en créole. J'essaie de me mettre un peu au français, mais c'est chaud, sourit Piwone. C'est pas si facile. Moi, quand ça sort, ça sort directement en créole. Quand je chante en français, j'ai pas envie d'avoir un accent bizarre."

Retrouvez la rencontre avec Piwone et Criimi dans ces deux modules vidéos réalisés par Carl Behary-Laul-Sirder :

Une semaine à Montpellier : Piwone ©Carl Behary-Laul-Sirder / Quentin Menu

Une semaine à Montpellier : Criimi ©Carl Behary-Laul-Sirder / Quentin Menu

  • "Une semaine à Montpellier"

Le samedi 25 février, La1ere.fr vous proposera de vivre en direct le carnaval antillais de Montpellier, l'un des plus importants de France hexagonale. En prélude à ce rendez-vous, nous vous proposons toute cette semaine une série de rencontres avec des Ultramarins de Montpellier et sa région. Ces rencontres et portraits sont à découvrir en cliquant ici.