Plateforme d'écoute pour les victimes d'inceste : "Que vous appeliez de la Drôme ou de la Guyane, de la Polynésie ou de la Gironde, un écoutant croira votre parole"

Depuis le 21 septembre, une plateforme d’écoute a été mise en place pour recueillir la parole des victimes d’inceste. Pour prendre en charge les victimes d’Outre-mer malgré le décalage horaire, deux centres d’écoute ont ouvert: l’un à Paris, l’autre en Martinique.

160 000 enfants français sont victimes de violences sexuelles chaque année. Depuis le 21 septembre, une plateforme d’écoute téléphonique dédiée a été mise en place. Elle est accessible du lundi au vendredi, de 10h à 19h. "Nous voulions que chaque personne bénéficie du même temps d’écoute qu’elle habite à Clermont-Ferrand ou à Fort-de-France, à Saint-Denis de La Réunion ou à Brest, à Mayotte ou à Mulhouse, à Cayenne, Tahiti, Perpignan, Troie… Qu’il y ait pour chaque personne, où qu’elle vive, un égal accès à cette plateforme de recueil de la parole par téléphone", explique Edouard Durand. Juge des enfants, il co-préside la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), à l’initiative du projet.

Pour résoudre le problème du décalage horaire, la Ciivise a mis en place deux antennes, une à Paris et une en Martinique. La vingtaine d’écoutants, répartis équitablement entre les deux pôles, peut ainsi prendre en charge des appels venus de l’ensemble des fuseaux horaires qui couvrent le territoire français.  

Que vous appeliez de la Drôme ou de la Guyane, de la Polynésie ou de la Gironde, de 10h à 19h du lundi au vendredi une écoutante ou un écoutant répondra à votre appel, croira votre parole, comprendra votre témoignage et saura le prendre en compte pour qu’ensemble nous construisions une société de la protection des enfants.

Edouard Durand, co-président de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.


Libérer la parole

La Ciivise a été créée après l’émergence du hashtag #Metooinceste l’année dernière. Sous ce mot-clé, de très nombreuses victimes de violences sexuelles dans l’enfance ont témoigné sur les réseaux sociaux. Mais que les victimes parlent ne suffit pas, encore faut-il que la société les entende. "Lorsque l’on s’exprime sur les réseaux sociaux on dit quelque chose mais on ne sait pas si on est entendu, écouté", explique Edouard Durand. L’objectif de la Commission est d’accompagner les victimes devenues adultes, mais également de s’appuyer sur leurs témoignages pour construire une politique adaptée de lutte contre les violences sexuelles.

Sur le site de la Civiise, les victimes sont invitées à remplir un questionnaire sur ce qu’elles ont subi. Les réponses permettront de mieux documenter le phénomène et de recueillir des informations sur les failles des institutions qui traitent ce sujet. Une démarche nécessaire selon Edouard Durand, qui rappelle "qu’aujourd’hui en France, 70% des plaintes déposées pour des violences sexuelles faites aux enfants sont classées sans suite".

Des centaines d’appels en deux heures

Les équipes parisiennes et martiniquaises ont été formées pour recueillir au mieux la parole des victimes. Les écoutants "connaissent les mécanismes des violences sexuelles et la stratégie des agresseurs", explique Edouard Durand. Une spécialisation indispensable pour correctement prendre en charge les victimes : "Même si les faits sont très anciens au moment où je prends la décision de téléphoner je peux éprouver un besoin de soutien psychologique, un besoin d’accompagnement social ou juridique et nous voulions que les écoutants et les écoutantes soient en capacité de répondre à ce besoin."

Nous sommes très impressionnés. On a un flux d’appel qui est extrêmement important, il y a un très grand nombre de personnes qui nous écrivent.

Edouard Durand, co-président de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.


La plateforme téléphonique a ouvert mardi 21 septembre à 10h du matin. A midi, les écoutants avaient déjà reçu des centaines d’appels. "Si les personnes appellent à un moment où toutes les écoutants et tous les écoutants sont en ligne qu’elles n’hésitent pas à rappeler !, insiste Edouard Durand. Leur parole sera prise en compte." Et si parler s’avère trop difficile, il est aussi possible de prendre contact avec la Civiise par écrit, en envoyant un mail à l’adresse temoignages@ciivise.fr.