Énergique. L’adjectif s’impose assez vite quand nous rencontrons Odile Pedro Leal, aux airs toujours affairés, à la Cité Internationale des Arts - où elle a pris résidence, le temps des représentations de sa pièce Bernarda Alba de Yana au Studio Hébertot. Il s’agit bien de "sa" pièce car, bien qu’issue d’une lignée prestigieuse et bâtie à partir d’une œuvre de Garcia Lorca, l’adaptation qu’elle en a tirée, en transposant l’Andalousie originelle à la Guyane et en mêlant français et créole, est devenue presqu’une pièce en soi.
Et d’ailleurs, nous avouera-t-elle dans L’Oreille est hardie, elle compte réécrire une adaptation en repartant de la version originale espagnole plutôt que d’une traduction française pour, enfin, éditer le texte de Bernarda Alba de Yana et l’ajouter ainsi au répertoire des pièces créoles. Pour en savoir plus, Odile Pedro Leal est dans L’Oreille est hardie :
Yana sur Seine
Mais revenons-en à ce qualificatif "énergique" qui s’impose à nous après le moment passé avec l’autrice, adaptatrice, metteuse en scène et comédienne. Pour une dizaine de représentations, Odile Pedro Leal et sa troupe ont planté le décor sobre de Bernarda Alba de Yana au studio Hébertot, dans le 17ème arrondissement de Paris.
Un peu de Guyane (d'où le Yana) et de créolité (et même de "créolité nouvelle", comme le dit la metteuse en scène) sur une scène parisienne qui a eu le mérite d’ouvrir grand ses portes à cette production ultramarine. Car c’est bien là que le bât blesse pour Odile Pedro Leal : le manque d'ouverture des salles nationales et des esprits.
Yana beaucoup à faire
À l'époque, lors de la première mouture de son spectacle, elle l’avait certes fait voyager - un peu - mais pas suffisamment à son goût, malgré les retours très positifs sur son travail. Opiniâtre, elle a d’abord dû attendre la lente reprise des activités post-COVID. Puis s’est affichée en 2021 au TOMA, Théâtre d'Outre-mer en Avignon, avec une nouvelle distribution de sa pièce. Puis il aura fallu attendre un an avant cette tournée parisienne qui sera suivie de dates en Guadeloupe et d’une représentation dans l’Hexagone, à Créteil, pendant le Mois Kreyol initié par Chantal Loïal.
Yana d’autres avenirs…
Énergique toujours, la dame ne s’arrête pas en si bon chemin : parallèlement, elle est en résidence d’artiste à la Maison d’Écriture de La Rochelle et effectue d’ailleurs quelques allers-retours entre la ville-préfecture de la Charente-Maritime et la capitale pour assurer tous ses engagements. Se profile sa prochaine pièce Laudes des terres brûlées, écrite à quatre mains avec l'Haïtienne Québécoise Marie-Célie Agnant, qu’elle produira et mont(r)era en Guyane, et évoque à demi-mot un autre projet où elle remonterait sur les planches en tant que comédienne d’ici la fin de l’année (mais rien n’est moins sûr…).
Écoutez L’Oreille est hardie
Bref, Odile Pedro Leal ne chôme pas, enquille les petites nuits et ne cesse de travailler, travailler, travailler… Mais quel artiste s’en plaindrait vraiment par les temps qui courent ? Pas elle. Et comme elle le ferait en s’inspirant d’un classique du répertoire théâtral, elle s’adapte et adapte aussi, un peu, ses environnements à ses envies et ses besoins (et vice-versa). Avec lucidité. Opiniâtreté. Et énergie. Et ça paye : le public parisien a répondu au rendez-vous de Bernarda Alba de Yana, ce qui conforte en partie Odile Pedro Leal dans ses choix. On ne peut que s'en réjouir pour elle.
Pour écouter Odile Pedro Leal dans L’Oreille est hardie, c’est par ICI !
Et par là :
"Bernarda Alba de Yana", adaptation et mise en scène d’Odile Pedro Leal, au studio Hébertot à Paris encore ce samedi soir 24 septembre 2022 à 19h00 et demain dimanche 25 septembre à 17h00.
Puis tournée en Guadeloupe : aux Abymes, au Moule et à l'Archipel, scène nationale de Basse-Terre. Et le 21 octobre, à la MAC de Créteil dans le cadre du Mois Kreyol.