PODCAST. Max Tchung-Ming : portrait(s) d’un coureur de front

Max Tchung-Ming, créateur du projet "C'est (pas) marqué sur mon front"
"C’est (pas) marqué sur mon front", c’est un projet atypique porté par une personnalité qui ne l’est pas moins. Max Tchung-Ming, principal de collège et artiste, veut faire front, combattre les discriminations et ouvrir les esprits. "L’Oreille est hardie" est allé(e) à Nantes à sa rencontre.

Nous avons rendez-vous avec Max Tchung-Ming dans un quartier dit sensible de Nantes, dans le collège dont il est le principal. Si on ne le connaît pas ou si l’on n’a pas vu à quoi il ressemble, le premier réflexe en découvrant l’homme en dreadlocks et vêtu d’une veste aux couleurs éclatantes (voire explosives !), serait de lui demander où se trouve le bureau du principal sans se douter qu’il s’agit de lui. Voilà le genre d’expériences qu’a vécu Max Tchung-Ming tout au long de sa vie, en raison de son apparence, de sa peau noire, de son nom.

Et c’est bien en filigranes ce qui l’a poussé à réaliser ce projet C’est (pas) marqué sur mon front rassemblant une centaine de portraits de femmes et d’hommes noirs qui ne portent pas sur leurs visages ce qu’ils sont vraiment. Mais tous ont été victimes, un jour ou un autre, des clichés qu’on a collés à leur peau. Le principal de collège, photographe et artiste "protéiforme", explique ce concept né en 2012 et se raconte au passage dans le podcast L’Oreille est hardie :

Faire front contre les préjugés 

Des portraits en noir et blanc. Des femmes et des hommes noirs pris en photo sous le même angle. Et si vous y prêtez grande attention, juste au-dessus de leur sourcil droit, inscrits sur leur front, leur nom et le métier qu’elles et ils exercent. D’où les parenthèses dans le titre C’est (pas) marqué sur mon front.

Autoportrait de Max Tchung-Ming pour "C'est (pas) marqué sur mon front"

C’est un pied de nez malicieux mais qui a du sens : si le projet artistique de Max Tchung-Ming s’est initié sous le sceau du hasard avec trois clichés de son frère, de son cousin et d’un ami, pris par lui-même, tout par la suite dans la mise en forme a été pensé. De la bonne blague entre eux autour de "trois Noirs, ça fait peur", naîtra une réflexion artistique en bonne et due forme autour des représentations de ces peaux noires dans les esprits des autres.

Discrimi-Nation ?

L’idée ? Donner de la visibilité aux communautés noires de France, choisir des personnes exerçant tout type de métier en dehors dans lesquels on s’attend à les retrouver (sport, musique…) ; employer le noir et blanc pour le côté intemporel ; élaborer l’inscription sur le front comme marquée au fer pour rappeler l’esclavage. Jusqu’à donc prendre le contrepied autour du nom du projet : ce n’est pas marqué sur mon front ce que je suis ou ce que je fais… et en même temps si ! Pari réussi, le succès se mesurant aussi par ces candidats ravis de se faire tirer le portrait, qui viennent désormais à lui - et parfois de loin !

Quelques portraits de l'exposition "C'est (pas) marqué sur mon front"

Chemin tout (trop ?) tracé 

Né de parents guyanais, avec une ascendance chinoise - qui s’inscrit fortement dans son nom - et d’autres origines, Max grandit en région parisienne et fera tout bien, comme on s’attend à le voir faire. Lucide aujourd’hui, il raconte dans L’Oreille… combien le choix du sport a été une pente naturelle vers laquelle il a glissé sans se rendre compte du cliché "Noir/sport" qui pouvait découler de ce choix. Car artiste, il l’était déjà dans l'âme. Mais peut-être était-il plus simple de faire courir le jeune Noir qu’il était alors, plutôt que de révéler son potentiel artistique ?

Max Tchung-Ming, principal de collège et artiste "protéiforme" !

Parcours plutôt sportif 

Toujours est-il qu’en sportif accompli il courra, sprintera, et se retrouvera plus tard à faire courir les autres en devenant prof d’EPS (éducation physique et sportive). Mais, après quelques années et sans doute plus de maturité, Max Tchung-Ming se dit qu’il peut aller plus loin. Et y va : le voilà passant les concours qui le propulseront à la tête d’établissements scolaires, jusqu’à ce collège de Nantes où L’Oreille est hardie le rencontre en ce mois de mai (découvrez plus en détail son parcours dans le podcast !).

En dix ans, plus d'une centaine de portraits à l'actif de Max Tchung-Ming

Ce qui ne se voit pas s’expose

Pour apercevoir son travail et ce projet qu’il mène depuis une dizaine d’années, après un temps dans "son" collège, nous nous acheminons vers un lycée nantais qui lui a demandé de prêter plusieurs portraits pour illustrer la semaine contre les discriminations qui y est organisée et jouer le jeu des questions-réponses face à plusieurs lycéens.

Max Tchung-Ming explique son projet à des lycéens de Nantes

Ce à quoi le principal-artiste s’est prêté de bonne grâce. Et l’on découvre en chemin tout l’engagement et les batailles de cet homme pourtant marqué récemment par des épreuves de vie qui, loin d’avoir brisé sa combativité, ont visiblement décuplé ses envies de justice et de vivre.

Écoutez L’Oreille est hardie

Et découvrez un homme, un personnage attachant aux multiples facettes dont le projet C’est (pas) marqué sur mon front maintenant érigé en association et en collectif artistique, ne représente qu’une partie.

Max Tchung-Ming est l'invité de "L'Oreille est hardie"

Car Max Tchung-Ming est ambitieux : dans un avenir plus ou moins proche, il souhaite donner de l’ampleur à ses expositions de portraits, multiplier les initiatives artistiques avec son collectif, écrire un documentaire autour de la justice restauratrice (ndlr : qui consiste à mettre face à face, tout en concertation, des personnes qui se sont opposées et déchirées dans la violence ; concept qu’il pratique dans son établissement)...
Beaucoup d’envies portées par beaucoup, beaucoup de détermination. Un "coureur de fond et de front", à suivre, décidément. Max Tchung-Ming, invité de L’Oreille est hardie, c’est par ICI !

Ou par là :

"C’est (pas) marqué sur mon front" projet multimédia mené par Max Tchung-Ming.