PODCAST. Monique Séverin conjugue les maux au féminin pluri-elles

Monique Séverin, autrice de "La peine de l'eau ou Sisyphe l'Africaine"
Dans son dernier roman "La peine de l’eau ou Sisyphe l’Africaine" (éditions Project’îles), l’autrice jette un regard critique et lucide sur La Réunion. Et dresse, à travers l'Histoire et une histoire de famille, le portrait intime et universel de femmes d’hier à aujourd’hui. Rencontre au creux de "L'Oreille est hardie" avec une écrivaine engagée.

Les femmes, leur destin, leur vie, leurs combats, à La Réunion ou ailleurs, c’est l’un des crédos de l’invitée de L’Oreille est hardie. Ajoutez à cela la défense acharnée de la langue créole et vous obtenez Monique Severin, une femme militante à plus d’un titre. Qui depuis quelques années en retraite de l’Éducation nationale, se consacre à l’écriture, ce qui lui permet d'y réunir tous ses centres d’intérêt et de passion. 


Dans L’Oreille est hardie, elle nous parle de son dernier roman La peine de l’eau ou Sisyphe l’Africaine qui retrace de façon intime l’histoire de femmes et de quelques hommes subissant les conséquences de la colonisation et des soubresauts de l’Histoire, celle de la France et des outre-mer :

Un roman à thèmes

Dans ce roman, Monique Severin évoque tour à tour les rapports dominant/dominé, blanc/noir, homme/femme, Réunion/Hexagone, Réunion/Madagascar, la colonisation, la maternité, la paternité, le colorisme, la publicité… et bien d’autres sujets. Tout cela en 200 pages où l’écrivaine n’oublie pas de nous raconter une histoire. Histoire qui se répète d’où l’allusion au mythe de Sisyphe…

"La peine de l'eau ou Sisyphe l'Africaine" signé Monique Séverin

À double-titre 

Avait-elle du mal à choisir entre deux titres ? Non, c’est en toute conscience qu’elle a gardé les deux. La peine de l’eau ou Sisyphe l’Africaine. D’un côté, raconter à travers Marie toutes les douleurs via la symbolique de l’eau (la mer, image des voyages et des déménagements ; la piscine, image d’une construction coloniale importée à La Réunion et puis les eaux que l’on perd quand on va accoucher..) ; et de l’autre côté, allusion au mythe de Sisyphe (celui condamné par les Dieux à pousser continuellement son rocher) avec pour la femme, l’idée de l’éternel recommencement. 

Femmes, noires, mères

Autrice d’une dizaine d’ouvrages, la plupart centrés sur le regard et la vision de la femme, sur ce qu’elle a été ou ce qu’elle est d’hier à aujourd’hui. La peine de l’eau… n’échappe pas à la règle, mêlant autour d’un personnage, Marie, la narration d'une vie, la sienne, mais impliquant d’autres vies : sa fratrie, son père, sa mère.

Monique Séverin croise des portraits de femmes de La Réunion

Pluri-elles

Marie, c’est plusieurs femmes en une, composée de rencontres et de témoignages recueillis par Monique Séverin. Mais c’est beaucoup elle-même avec des indices qu’elle révèle dans L’Oreille… : son père était militaire comme celui de son héroïne (qui porte en fait, le premier prénom de l’autrice, Marie). Et définitivement, le portrait de la mère est dressé d’après celui de sa propre mère…

Parfois, on ressent de la colère chez la narratrice mais pas de haine. Or, les souffrances endurées avec des parents disons défaillants côté amour, peuvent souvent engendrer de la haine chez les enfants qui répliquent la violence. Comme un cycle, toujours le même recommencement… Mais pas là.

L’Histoire intime

Ce texte, ce roman nous emmène loin : dans l’histoire de La Réunion, l’histoire coloniale qui a amené - quoique certains en disent - beaucoup de souffrances, dans le tissu même de la société, dans les affres de ce qu’est être une femme, une mère…

Avec La peine de l’eau..., Monique Severin raconte et se raconte, dresse un certain nombre de constats sur la place et la condition des femmes et sur La Réunion, avec réalisme, un soupçon de cynisme et d’ironie, une bonne dose d’humour parfois et un brin de fatalisme… 

Monique Séverin lit son roman, accompagnée en musique par Santali

Critique mais bienveillante 

Les descriptions faites de La Réunion sont parfois salées. Mais pleines de douceur aussi. Qui aime bien, égratigne bien et Monique Séverin a la plume qu’il faut pour cela. Son écriture "tord" le français pour qu’il se créolise. Ce qui la rapproche de cette poésie que seule peut engendrer le créole - réunionnais en l’occurrence- et qui atteint son sublime dans les phrases imagées et les proverbes qu’elle n’hésite pas à asséner pour illustrer son propos. 

Monique Séverin en dédicace

Écoutez L’Oreille est hardie…

Et partagez les regards de Monique Séverin sur la façon dont le monde tourne pour les femmes, sur ce qui fait les forces et les faiblesses de sa terre réunionnaise aujourd’hui. Regards sur la littérature également et sur ce qu’elle permet de dire et de porter, notamment les combats encore d’actualité aujourd’hui. Monique Séverin dans L'Oreille est hardie, c'est par ICI !

Ou par là :

"La peine de l'eau ou Sisyphe l'Africaine" de Monique Séverin est publié aux éditions Project'îles.