Face à la multiplication de massacres perpétrés par les gangs en Haïti, la perte de contrôle du territoire par l'Etat alerte d'autant la société civile que l'implication d'officiels proches du pouvoir dans les exactions est suspectée, sans qu'aucune suite judiciaire ne soit donnée.
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"Les foyers de gangs se multiplient à Port-au-Prince et en province: on assiste à une augmentation sans limite d'actes de criminalité par des groupes armés avec le support d'officiels de l'Etat, par des bandes tolérées par le pouvoir politique en place", alerte Marie-Yolène Gilles, une militante haïtienne pour la défense des droits humains.
Au cours du week-end des 9 et 10 novembre, un affrontement entre deux bandes armées aurait entraîné la mort de sept jeunes. Selon le rapport d'une ONG haïtienne, quinze personnes ont été tuées et une vingtaine de logements incendiés la semaine dernière, dans un quartier défavorisé de la capitale.
L'an dernier, un massacre similaire avait endeuillé un autre quartier pauvre de la capitale haïtienne : les 13 et 14 novembre 2018, cinq bandes armées s'étaient affrontées pendant plus de quatorze heures sans que la police intervienne malgré, là encore, sa proximité immédiate. Dans leur rapport d'enquête, les Nations unies avaient fait état d'au moins 26 morts et douze disparus quand des organisations haïtiennes de défense des droits humains établissent le bilan à 71 morts.
"Haïti ne produit pas d'armes. Il y a un embargo sur le transfert et l'achat des armes mais le constat est qu'il y a beaucoup de trafics de munitions et d'armes. Qui alimente les gangs ? On ne sait pas mais on peut dire qu'ils sont tolérés par des officiels de l'Etat", détaille Marie-Yolène Gilles qui déplore "une banalisation du droit à la vie".
"C'est une routinisation de la violence", constate le sociologue haïtien Alain Gilles, qui souligne une aggravation de l'emprise des gangs sur le pays. "L'Etat en Haïti ne dépasse pas les frontières du palais national : au-delà, il n'y a pas de contrôle du territoire", affirme aussi le chercheur. "Le pouvoir a perdu la guerre des rues: les gangs deviennent de plus en plus autonomes. Ils ne sont pas des imbéciles, ils s'en rendent compte et donc ils se font de l'argent en négociant. Ils passent du pouvoir à l'opposition, d'un jour à l'autre sans se positionner par conviction", conclut Alain Gilles.
15 morts en un week-end
Ces derniers jours, de nouveaux assassinats de masse ont été commis principalement dans des bidonvilles de la capitale alors qu'Haïti continue de s'enfoncer dans une crise profonde, les opposants politiques et une large majorité des secteurs de la société civile exigeant la démission du président depuis plus de deux mois.Au cours du week-end des 9 et 10 novembre, un affrontement entre deux bandes armées aurait entraîné la mort de sept jeunes. Selon le rapport d'une ONG haïtienne, quinze personnes ont été tuées et une vingtaine de logements incendiés la semaine dernière, dans un quartier défavorisé de la capitale.
Population seule
Dans son succinct rapport des faits, le Réseau national de défense des droits humains explique "ne pas comprendre qu'à cette date, la police nationale d'Haïti (PNH) ne soit pas intervenue pour ramener l'ordre à Bel-Air et protéger la population, livrée à elle-même", ce quartier étant situé à quelques centaines de mètres seulement du palais présidentiel et de la direction départementale de la police. "Une enquête a été ouverte de concert avec le parquet de Port-au-Prince", a simplement pu déclarer lundi le porte-parole de la PNH, interrogé par l'AFP au sujet des événements à Bel-Air.L'an dernier, un massacre similaire avait endeuillé un autre quartier pauvre de la capitale haïtienne : les 13 et 14 novembre 2018, cinq bandes armées s'étaient affrontées pendant plus de quatorze heures sans que la police intervienne malgré, là encore, sa proximité immédiate. Dans leur rapport d'enquête, les Nations unies avaient fait état d'au moins 26 morts et douze disparus quand des organisations haïtiennes de défense des droits humains établissent le bilan à 71 morts.
Impunité
Soupçonné de complicité dans ce massacre et épinglé dans le rapport onusien, un haut responsable politique, proche du président Jovenel Moïse, n'a été remplacé qu'en septembre 2019. Aucune poursuite judiciaire n'a été entreprise dans le dossier contre lui ou les autres suspects. L'impunité inquiète d'autant les défenseurs des droits humains que le soutien des criminels par des personnes ayant un pouvoir de contrôle sur les douanes et frontières est évident."Haïti ne produit pas d'armes. Il y a un embargo sur le transfert et l'achat des armes mais le constat est qu'il y a beaucoup de trafics de munitions et d'armes. Qui alimente les gangs ? On ne sait pas mais on peut dire qu'ils sont tolérés par des officiels de l'Etat", détaille Marie-Yolène Gilles qui déplore "une banalisation du droit à la vie".
"Routinisation de la violence"
Filmées discrètement par des riverains apeurés ou ouvertement par les auteurs se vantant de leurs crimes, des images d'actes de démembrements de cadavres, d'immolation de personnes vivantes ou de victimes fusillées circulent régulièrement sur les réseaux sociaux haïtiens. À cause de l'insécurité qui perdure dans le contexte de crise politique, les corps des victimes de gangs ne sont parfois retirés des rues par les autorités qu'après plusieurs jours."C'est une routinisation de la violence", constate le sociologue haïtien Alain Gilles, qui souligne une aggravation de l'emprise des gangs sur le pays. "L'Etat en Haïti ne dépasse pas les frontières du palais national : au-delà, il n'y a pas de contrôle du territoire", affirme aussi le chercheur. "Le pouvoir a perdu la guerre des rues: les gangs deviennent de plus en plus autonomes. Ils ne sont pas des imbéciles, ils s'en rendent compte et donc ils se font de l'argent en négociant. Ils passent du pouvoir à l'opposition, d'un jour à l'autre sans se positionner par conviction", conclut Alain Gilles.