"J’aime bien penser que lorsqu’on joue un morceau, on entre dans un univers invisible où se trouvent aussi tous nos ancêtres", annonce avec philosophie Rodolphe Lauretta lorsqu’on l’interroge sur ses inspirations. Décontracté et avide de partager sa passion, le saxophoniste est né de parents antillo-guyanais à Amiens en 1975 où il a commencé à apprendre la musique en autodidacte à 16 ans. "Un jour, mon frère est rentré de brocante avec un album d’Eric Dolphy et Miles Davis sous le bras. Quand je les ai écoutés, j’ai été chamboulé !", se souvient le musicien.
Il commence à emprunter des albums au hasard à la médiathèque pour apaiser sa soif musicale – toujours pas étanchée plus de 30 ans après ses premières découvertes. "Ils avaient beaucoup de style, ça m’intriguait… ", confesse Rodolphe Lauretta qui baigne alors plutôt dans le hip-hop.
Dans les années qui suivent, il rejoint plusieurs groupes, participe à des ateliers et s’initie à des "big band" pour interpréter des œuvres du répertoire jazz. Lorsqu’il monte à Paris pour étudier l’anglais, il ne résiste pas longtemps à l’appel de la musique. Il s’inscrit au conservatoire sous les conseils de ses proches et s’attelle à la pratique musicale avec une nouvelle assiduité.
Veiller à ne pas rester dans la facilité
Sa curiosité "sans limites" le pousse à écrire pour des magazines spécialisés. Il découvre à cette occasion des périodes musicales qu’il ne connaissait pas et des musiques expérimentales qui forgent sa culture. Depuis, il essaie de "composer des enregistrements qui sortent de l’ordinaire" et tâche surtout de ne pas "rester dans la facilité".
Son installation dans la capitale permet aussi au jeune homme de se produire dans des bars et des salles de concert et, ainsi, de multiplier les rencontres. Celle avec le pianiste guadeloupéen Alain Jean-Marie est incontestablement un moment clef pour Rodolphe Lauretta. L’un des meilleurs souvenirs de sa carrière. "J’ai eu la chance qu'il ait eu un rôle de mentor pour moi et de pouvoir jouer avec lui, sourit le saxophoniste. C’est très important dans cette musique de pouvoir apprendre des anciens."
"La fusion des genres semble naturelle pour lui"
Depuis la sortie de son dernier album Kreolia en 2021, il a partagé à plusieurs reprises la scène avec le chanteur martiniquais Karl Leury, alias The Voice, connu pour ses collaborations avec Doc Gynéco, Taxi Girl ou encore IAM. Pour l’interprète, ces concerts en commun se préparent avec une rare "fluidité" car il parvient à se "fondre facilement" dans la musique du saxophoniste.
"Si ça marche aussi bien, c’est aussi parce qu’on partage la même culture hip-hop, confie The Voice. Ça ouvre le champ des possibles parce qu’on peut faire des mélanges qui fonctionnent bien." Le public est conquis. Lors du Jazz festival de Paris, des dizaines de spectateurs se sont levés pour danser et les applaudir. "Il n’essaie pas d’en mettre plein les yeux, la fusion des genres semble naturelle pour lui", analyse Karl Leury qui compose justement avec Rodolphe Lauretta un nouveau morceau qui devrait sortir d’ici novembre 2023.