En Guadeloupe, on se souvient notamment de Napoléon comme de celui a rétabli l'esclavage dans l'île après la sanglante Guerre de 1802. Retour sur cet épisode de notre Histoire.
En Guadeloupe, le nom de Napoléon Bonaparte est lié à celui de Louis Delgrès, colonel métis de l'armée française, célèbre pour s'être rebellé contre le rétablissement de l'esclavage décrété par le Premier consul, préférant mourir que vivre enchaîné.
Quand le commissaire chargé par le Comité de salut public, Victor Hugues, est venu en 1794 proclamer le décret d'abolition de l'esclavage en Guadeloupe, il en a profité pour rallier la population à sa cause, et chasser les Anglais qui occupaient alors l'île.
Expansion des idéaux républicains
"On ne peut comprendre l'histoire de la Révolution en France sans tenir compte de l'expansion des idéaux républicains consacrés par l'émancipation et par la mobilisation décisive d'armées d'anciens esclaves au service de la République contre les Anglais", assure l'historien Laurent Dubois dans son livre "Les esclaves de la République".
"En 1801-1802, différents régimes autonomes administrés par d'anciens esclaves et gens de couleur s'étaient emparés du pouvoir à la Guadeloupe et à Saint-Domingue" (aujourd'hui Haïti), ajoute-t-il.
Alors quand Bonaparte, devenu Premier consul, décide par la loi du 30 Floréal de l'an X (20 mai 1802) de maintenir l'esclavage "conformément aux lois et règlements d'avant 1789", premier acte vers un rétablissement, la décision ne passe pas.
La Guadeloupe d'abord pas concernée
Pourtant, "cela ne concernait pas la Guadeloupe, ni Saint-Domingue, par exemple, puisque l'esclavage y avait été aboli", explique à l'AFP l'historien René Bélénus, auteur de "La rébellion de la Guadeloupe 1801-1802".
Avant même que la loi ne soit promulguée par Bonaparte, celui-ci dépêche début 1802 les troupes consulaires du général Richepance, censées rétablir "l'ordre esclavagiste" et préparer le terrain pour le retour de l'esclavage.
Cette troupe de 3.500 hommes se confronte vite à la résistance de plusieurs militaires, dont Louis Delgrès, qui, nourri de l'idéal révolutionnaire, déclare: "la résistance à l'oppression est un droit naturel", et rallie les hommes dits "de couleur", contre Richepance, le 10 mai 1802.
Guerre de Guadeloupe
C'est le début la guerre de Guadeloupe, un conflit sanglant, qui court de Pointe-à-Pitre au Sud de la Basse-Terre, et dont la mémoire est encore vivante dans cette île des Antilles.
A Basse-Terre, entre le volcan de la Soufrière et la mer des Caraïbes, le Fort Saint-Charles, qui prendra plus tard le nom de Fort Delgrès et deviendra un lieu de souvenir, a été le témoin d'une célèbre bataille, quand Delgrès et ses hommes s'y replient le 20 mai 1802.
Submergés, ils réussissent à s'échapper par la Porte du Galion, à l'arrière de l'édifice, et se réfugient au pied de la Soufrière.
Acculés à l'habitation Danglemont au Matouba, dans la montagne, le colonel Delgrès choisit avec 300 hommes de se suicider à l'explosif, le 27 mai 1802, plutôt que de tomber aux mains de Richepance qui écrasait la rébellion.
"Vivre libre ou mourir"
Un mémorial rend aujourd'hui hommage à ces 300 hommes fidèles à la maxime révolutionnaire "vivre libre ou mourir" qu'ils ont clamée avant l'explosion.
En juillet 1802, Bonaparte signe un arrêté : "La colonie de la Guadeloupe (...) sera régie, à l'instar de la Martinique (...) par les mêmes lois qui y étaient en vigueur en 1789". L'esclavage est donc rétabli, et ne sera définitivement aboli qu'en 1848.
Aujourdhui, la figure de Louis Delgrès nourrit la sensibilité nationaliste de l'île, et elle est souvent convoquée dans les discours politiques. Ses alliés, même parfois des personnages fictifs, sont rentrés au rang de légende, comme par exemple, la Mulâtresse Solitude, dont la vie, très fortement romancée dans une biographie d'André Schwartz-Bart, n'est en réalité que très peu connue.
Histoire oubliée
A la sortie d'une visite du fort Delgrès, des visiteurs s'étonnent pourtant: "On ne connaissait pas l'histoire de cette guerre", disent Paola et Corentin. "A l'école, on n'apprend pas trop que Bonaparte était un esclavagiste", témoignent ces trentenaires.
"La rébellion de Guadeloupe a été écrasée", rappelle René Bélénus. "Après ça, les politiques locaux ont milité ardemment pour l'assimilation".