La vie est un combat. Xavier Noël l'a su très tôt. La boxe a pourtant sauvé le Guadeloupéen d'un KO existentiel. Après une brillante carrière chez les amateurs, Xavier est aujourd'hui un entraîneur recherché. 44 ans. Libre. Toujours prêt à transmettre. Et à tendre la main.
Il y a du Victor Hugo chez Noël. Son enfance en tout cas. Placé dans un foyer de la DDASS. Abandonné. Oublié. Souvenirs étranges. Rugueux. Indélébiles. Il y a du Frank Capra également chez Xavier. Version "La vie est belle". Car une simple rencontre peut changer une vie. Alors que le jeune Guadeloupéen était statistiquement promis aux affres du chaos, Marc de Alexandrine, l'un des responsables de son foyer d'accueil lui conseille de pratiquer la boxe. Histoire de canaliser son énergie. De s'exprimer différemment. Débute alors une nouvelle vie pour Xavier Noël.
La suite est un peu plus connue. Plus médiatique. Plus heureuse. Le jeune champion parvient à se faire une place sur le ring. Sa place. Celle du boxeur puncheur. Une Olympiade et un titre de vice-champion d'Europe plus tard, Xavier Noël est devenu entraîneur. Transmetteur à son tour. Conscient du sens de sa mission. Changer la vie. Le temps d'une séance d'entraînement ou même d'une discussion nocturne avec un jeune en déshérence.
Boxeur génial à dimension sociale
Depuis deux ans maintenant, Xavier Noël travaille 24 heures sur 24. Ou presque. Ses nuits, il les passe à Villiers-sur-Marne. Précisément dans le foyer qui l'accueillait jadis. Le Guadeloupéen y est veilleur de nuit. Un rôle que l'ADE (Aide Sociale à l'Enfance) lui a proposé. Un rôle qu'il a tout de suite accepté. "Ce n'est pas qu'un simple job de surveillance. Je sais ce que tous ces jeunes ont vécu. Je suis là pour les écouter si besoin, leur parler. Leur dire que ce n'est pas une fatalité. Passer toutes ces nuits avec eux est aussi une façon de renvoyer l'ascenseur."
À 7 heures chaque matin, l'autre vie de Xavier Noël peut commencer : coach sportif de boxe. Après trois années en tant qu'entraîneur national à l'INSEP, il travaille aujourd'hui à son compte. Un coach privé qui peut parfois enchaîner dix rendez-vous dans la même journée : "Il m'arrive de refuser de nouveaux clients car mon agenda est tellement rempli… Mais c'est très agréable. Les gens veulent prendre du plaisir. Rien à voir avec le haut niveau où c'est un peu marche ou crève. La démarche est différente. Sans compter que certains cherchent avant tout à gagner de la confiance en eux. La boxe est vraiment un sport multifacettes."
Et parmi les clients de cette discipline multifacettes, Xavier compte un chef étoilé mondialement connu : Thierry Marx. Tous les mercredis, les deux hommes se retrouvent à 7h45 précises. Pendant une heure, le maître Marx devient élève : "Voilà un personnage à la fois simple, naturel et correct, s'exclame le Guadeloupéen admiratif. Quand je l'entraîne, il ne me contredit jamais. Il est là pour apprendre. Il se donne à fond. Le sport fait partie de son hygiène de vie. Puis quand l'alarme de son téléphone se déclenche à 8h45, il prend congé. Une sacrée discipline. Et pour avoir participé à de nombreuses manifestations avec lui, je peux vous dire qu'il a le cœur sur la main."
2020 ou la France du chaos
Le cœur du pays a été mis à rude épreuve, ces derniers mois. Coronavirus, confinement, couvre-feu, gestes barrière… Voilà presque les mots les plus usités en 2020. De nombreuses vies ont été bousculées. Massacrées parfois. Xavier Noël qui habite à Drancy en Seine-Saint-Denis, l'a bien ressenti : "La peur de cette maladie a tout changé. De plus en plus de personnes se retrouvent en dépression. Les idées suicidaires augmentent. L'être humain a besoin de contact, de se mélanger. Aujourd'hui, je le sens en train de sombrer. Tout cela nous rend malheureux. J'espère que la situation va vite s'améliorer."
D'autant plus que Xavier Noël est le papa d'un petit Evan depuis trois ans et trois mois. Un papa poule qui n'a qu'un souhait : que son fils vive mieux que lui. "C'est vrai que si je travaille énormément, c'est aussi pour lui mettre de l'argent de côté. Je fais très attention à ce qu'il ne manque de rien. Il a une enfance assez joyeuse. Il vit avec ses deux parents. Donc je ne pense pas qu'il rencontrera les obstacles que j'ai rencontrés. Ceci étant, quand il sera plus grand, je lui parlerai de certains dangers. Pas question qu'il soit une tête brulée comme son père."
Le retour de la boxe en 2021 ?
Coach particulier de boxe, le jour. Veilleur de nuit à partir de 21h30. Sans oublier son poste de Président du Comité départemental de boxe de Paris. On l'a dit et répété : les journées de Xavier Noël sont chargées. Même si avec la Covid-19, la boxe se trouve quelque peu à l'arrêt. "C'est un sport de contact. Donc avec le virus, toutes les salles sont fermées. Et la reprise s'annonce compliquée. Structurellement, la boxe en France a pris beaucoup de retard. Et une discipline concurrente comme le MMA est en train de prendre une place prépondérante."
Les compétitions de boxe anglaise devraient tout de même faire leur retour en 2021. Certainement… à huis clos. "Je sais que c'est toujours mieux que rien mais l'absence de public enlève beaucoup d'âme à notre sport. Un boxeur a besoin de se sentir dans la peau d'un gladiateur au moment de rentrer dans l'arène. Et si l'arène est vide…"
Alors Xavier Noël croise les doigts. Et rêve. Il rêve d'une belle fête pugilistique qui viendrait marquer la fin officielle de la pandémie. En 2015, le Guadeloupéen orchestrait Urban Legend, une grande soirée réunissant les meilleurs boxeurs franciliennes et franciliens à quelques mois des JO de Rio. Bis repetita sous peu ? "C'est mon souhait, avoue Xavier. Peut-être pas avant le rendez-vous de Tokyo. Cela me semble trop court. Mais après, pourquoi pas ? Une deuxième édition à Villepinte ? Ou alors à Paris ? Je verrais bien une organisation au gymnase Laumière dans le dix-neuvième arrondissement. J'aime beaucoup cette salle. Elle est mythique."
Un dernier rêve avant de se quitter ? Évident. Tandis que Xavier Noël possède un ring gonflable qu'il utilise lors des nombreuses opérations auxquelles il participe, il voudrait aussi un jour, se poser. Concrètement. "Voilà mon rêve ultime. Avoir ma propre salle dans laquelle j'entraînerais de futurs champions. Ce serait pour moi une belle consécration."
Ceux qui ont vu "La vie est belle" de Capra comprendront que ce rêve ultime a tout pour devenir réalité.