Le prince Charles à Cuba, une visite royale inédite sur l'île

Le prince Charles et son épouse Camilla entament dimanche à Cuba la toute première visite officielle d'un membre de la famille royale britannique sur l'île, au moment où cette dernière, confrontée à un durcissement des sanctions américaines, a soif d'investissements étrangers.
 
Le couple princier britannique arrivera à La Havane en fin de journée dimanche 24 mars, dans le cadre de leur tournée dans les Caraïbes, et restera dans la capitale jusqu'à mercredi, avant de prendre la direction des îles Caïmans. "C'est important symboliquement, car aucun membre de la famille royale ne s'est rendu à Cuba depuis la révolution de 1959" menée par Fidel Castro (1926-2016), explique à l'AFP Paul Webster Hare, ex-ambassadeur britannique et professeur à l'université de Boston. Auparavant, "le duc de Windsor (était venu) en visite privée au milieu des années 1950".
 
Et "les visites royales sont utilisées comme faisant partie de la diplomatie dans le système britannique: c'est une façon utile d'envoyer des messages, de prendre des contacts et de progresser dans des négociations diplomatiques", assure-t-il.
    

Quel message veut donc envoyer Londres à La Havane?

En annonçant le voyage, Clarence House, résidence officielle du prince Charles, avait indiqué que cette escale sur l'île socialiste, "à la demande du gouvernement britannique", devait permettre de "mettre en valeur (leurs) relations bilatérales grandissantes" et leurs "liens culturels". La visite "fait partie de notre rapprochement de longue date avec Cuba", avait souligné un porte-parole du ministère britannique des Affaires étrangères, faisant état d'un "dialogue ouvert et franc sur les problèmes qui nous divisent
comme les droits de l'homme".

Charles et Camilla seront lundi les invités d'honneur d'un dîner officiel offert par le président Miguel Diaz-Canel, qui a succédé en avril 2018 à Raul Castro. Aucune entrevue n'est prévue avec ce dernier, actuel premier secrétaire du parti communiste cubain. Si le prince peut évoquer en privé, avec le président, la question des droits de l'homme ou la crise politique au Venezuela, principal allié de Cuba, "je doute que ce soit approprié pour lui de faire une déclaration publique de cette nature, car il n'est pas une figure politique en ce sens", souligne Chris Bennett, directeur général de la société de conseils en investissements Caribbean Council.
   

Beatlemania, tourisme et énergie

La visite prendre plutôt une tournure culturelle, avec une probable rencontre avec les musiciens du Buena Vista Social Club, la visite d'une école de salsa et une soirée au ballet. Entre Cuba et le Royaume-Uni, "c'est une histoire ancienne", note Paul Webster Hare, rappelant que les Britanniques avaient occupé La Havane en 1762 avant de l'échanger avec les Espagnols contre la Floride.
Il cite l'amour pour les cigares cubains de Winston Churchill, venu plusieurs fois sur l'île, ou encore la "Beatlemania" des Cubains (dont Miguel Diaz-Canel), avec un bar dans la capitale qui leur est dédié, "Le Sous-Marin Jaune", et une statue de John Lennon.
    
Mais le Royaume-Uni veut aussi renforcer ses liens commerciaux avec Cuba. Les entrepreneurs britanniques, dont environ 35 sont réunis dans une association, Cuba Initiative, "voient Miguel Diaz-Canel de manière positive et apprécient son discours sur l'ouverture du pays aux investissements étrangers", bientôt inscrite dans la nouvelle Constitution, qui entrera en vigueur en avril,
indique Chris Bennett.
    
La visite royale "montre que le Royaume-Uni veut des relations plus étroites avec Cuba et que nous avons une politique indépendante des Etats-Unis". La Havane, soumise à un embargo américain depuis 1962, a justement soif de partenaires étrangers alors que Washington menace d'appliquer dès mi-avril le chapitre III de la loi Helms-Burton de 1996. Ce chapitre permettrait théoriquement, notamment aux exilés cubains, de poursuivre devant les tribunaux fédéraux américains les entreprises ayant réalisé des gains grâce à des sociétés nationalisées après la révolution.
    

Le train en marche

Alors que l'Union européenne est devenue le premier partenaire commercial de Cuba, le Royaume-Uni, même en plein Brexit, veut prendre ce train en marche et vise surtout deux secteurs: le tourisme - près de 200.000 Britanniques viennent sur l'île chaque
année - et l'énergie.
  
Féru d'environnement, le prince Charles visitera une centrale solaire financée notamment avec des fonds britanniques, qui entrera en service en décembre et deviendra la plus grande des Caraïbes.