Priscillia Ludosky est l’une des initiatrices du mouvement des gilets jaunes qui a secoué la France en 2018 et en 2019. Dans #MaParole, elle évoque en quoi cette révolte a bouleversé sa vie. Elle parle aussi de son enfance en banlieue parisienne et de son amour pour la Martinique.
En 2018, sa vie a été tourneboulée. Du jour au lendemain, Priscillia Ludosky est passée du statut d’anonyme à celui d’une personnalité invitée sur les plateaux de télévision, invitée également à parler avec des ministres. Mais avant de se pencher sur cette épopée des gilets jaunes à laquelle elle a activement participé, retour en enfance, en région parisienne.
#1 La banlieue parisienne
Je n'ai pas eu une enfance malheureuse, mais ce n'était pas facile tous les jours.
C’est en banlieue que Priscillia Ludosky a grandi, entourée de ses frères et sœurs. Ses parents, un papa chauffeur et une maman hôtesse de caisse sont originaires de la Martinique. Dès qu’elle le pouvait financièrement, la famille Ludosky repartait au Gros-Morne et à Trinité. Priscillia Ludosky a beaucoup aimé ces séjours au pays suivant à la trace sa grand-mère qui connaissait bien les plantes.
A l'école en région parisienne, elle se souvient petite qu’un jour sa mère a été convoquée car l'institutrice lui reprochait de parler en Créole. Or petite, la future figure placide des gilets jaunes était très "bavarde et expansive". A l’âge de 14 ans, elle a pris avec beaucoup de philosophie la séparation de ses parents. Et pourtant la famille "s’est retrouvée à la rue". "On a beaucoup déménagé" dit-elle. Heureusement les frères et soeurs étaient soudés. Cette vie difficile, "cela donne un regard sur la vie et sur le quotidien". Mais Priscilla Ludosky s’est construite ainsi, très autonome et particulièrement dégourdie.
Après un BTS de commerce international, elle est embauchée à 20 ans à la BNP comme rédactrice de garanties internationales trilingues. Elle monte les échelons, devient chef d’équipe. Mais au bout d’une dizaine d’années, elle a envie de prendre le large et de créer sa propre entreprise de cosmétiques bio. A ce moment-là, Priscillia Ludosky a plus de temps pour elle, pour penser et réfléchir. Elle décide de mettre en ligne une pétition dont les arguments sont murement réfléchis.
#2 Figure des gilets jaunes
Quand elle poste sa pétition sur change.org fin mai 2018, elle ne se doute pas que cela va bouleverser sa vie. Sa pétition contre la hausse des prix des carburants rencontre beaucoup de succès. Elle-même s’en étonne. Les médias commencent à s’y intéresser. Fin octobre 2018, Le journal Le Parisien parle de la pétition et de son auteure. Et là tout s’emballe. Rapidement Priscillia Ludosky se retrouve à répondre à des journalistes, à être filmée.
Parallèlement, elle est contactée par Eric Drouet, une autre figure des gilets jaunes, qui lui demande de participer à l'organisation d’une marche le 17 novembre 2018 à Paris. La première grande manifestation des gilets jaunes est un succès. Il y a une grosse mobilisation à Paris et à travers la France. A Paris, la Martiniquaise se souvient très bien des nuées de gaz lacrymogènes. Elle est impressionnée par le nombre de retraités présents ce jour-là. Elle se souvient notamment d'un vieux monsieur qui lui a donné "une fleur orange en plastique" alors qu'il était lui-même plongée dans un brouillard de gaz lacrymogènes. "Si je n'avais pas eu cette rose, j'aurais cru à une hallucination", s'étonne-t-elle encore.
Dix jours après le succès de la manifestation, Priscillia Ludosky est reçue avec Eric Drouet par François de Rugy éphémère ministre de la Transition écologique. "On lui a expliqué que la colère était énorme, mais il n’a pas pris la mesure de choses". Pendant tout ce mouvement social, Priscillia Ludosky a été présentée comme la force tranquille des gilets jaunes, même si elle "bouillait à l’intérieur". Sur les ronds-points, elle a parlé avec énormément de gens qui lui racontaient leur détresse, les problèmes de fin de mois.
Au sein du mouvement des gilets jaunes, Il y a des désaccords. Eric Drouet souhaitait rester manifester à Paris, tandis que Priscillia Ludosky voulait décentraliser les manifestations. C’est ainsi qu’elle va rejoindre les gilets jaunes au Boulou, à la frontière avec l’Espagne, à Marseille ou encore à Bourges. C’était là que se trouvait le cœur des gilets jaunes, selon elle.
#3 Femme de l’année 2018
Proclamée femme de l’année en 2018, à égalité avec Angela Merkel dans un sondage IFOP repris par Paris-Match, Priscillia Ludosky a été très étonnée de cette soudaine reconnaissance. Souvent consultée par les médias internationaux, elle a eu à cœur de faire entendre la voix des gilets jaunes hors de France.
Pendant tout ce mouvement social, Priscillia Ludosky a énormément appris. Elle a suivi le combat des gilets jaunes particulièrement actifs à La Réunion où l’île a été complétement bloquée en novembre 2018. Elle s’est intéressée aux problèmes et au combat des éleveurs réunionnais impactés par la leucose bovine.
Peu à peu le mouvement des gilets jaunes a moins fait parler de lui. La crise sanitaire est passée par là. Priscillia Ludosky n’a pas vraiment ressentie un grand vide quand le mouvement s’est essoufflé car elle a continué d’une autre manière son combat pour plus de justice sociale. Elle a aussi accordé beaucoup de temps à des chercheurs, des universitaires qui travaillent désormais sur les gilets jaunes. Elle écrira peut-être un jour l’histoire de ce mouvement social qui a changé sa vie.
En attendant, elle a co-signé en 2020 avec Marie Toussaint, juriste et eurodéputé Europe Ecologie Les verts, un livre intitulé Ensemble nous demandons justice pour en finir avec les violences environnementales. Elle y parle du chlordécone aux Antilles, de l’orpaillage légal et illégal en Guyane et de la leucose bovine à La Réunion. Priscillia Ludosky a découvert le scandale du chlordécone au moment du mouvement social des gilets jaunes.
Pendant toute cette période des gilets jaunes, la Martiniquaise a continué à livrer et vendre des produits cosmétiques bio. Puis elle a décidé de tourner temporairement le dos à son entreprise pour ouvrir un cabinet de conseil pour les lanceurs d’alerte dénommé Nexus. Elle conseille en ce moment le Martiniquais Terrence Brival. Elle travaille aussi pour des ONG telle que Démocratie ouverte qui a lancé la Convention citoyenne pour le Climat. Priscillia Ludosky se passionne pour cette vie désormais consacrée à la politique sans étiquettes.
Prise de son : Diané Koné
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♦♦ Priscillia Ludosky en 5 dates ♦♦♦
►4 novembre 1985
Naissance à Clamart.
►29 mai 2018
Pétition en ligne sur change.org Pour une baisse des prix à la pompe !
►19 Décembre 2018
Désignée Femme de l’année selon un sondage IFOP pour Paris Match.
►14 janvier 2019
Priscillia Ludosky annonce sur Facebook prendre ses distances avec Eric Drouet, une autre figure des gilets jaunes.
►28 mai 2020
Sortie de son livre Ensemble nous demandons justice écrit avec Marie Toussaint (Massot éditions).