Prix de l'audace artistique et culturelle : des collégiens mahorais récompensés à Paris

Les jeunes mahorais ont rencontré le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye et Jamel Debbouze, membre du jury du Prix.
Six élèves mahorais représentants de leurs classes de 3ᵉ des collèges de Tsimkoura et Kwalé ont reçu le prix de l'Audace artistique et culturelle pour une série de court-métrages documentaires. Résultat de trois ans de travail et d'une collaboration avec Angoulême, à plus de 8 000 km de leur île.

"T'as sorti le costard pour l'occasion !" lance rieur Malik à Edem, l'un de ses élèves qui fait le déplacement jusqu'à Paris, pour recevoir, au Ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse, le prix de l'Audace artistique et culturelle. Les élèves de deux collèges de Mayotte, à Tsimkoura et Kwalé, ont collaboré pendant trois années scolaires avec deux collèges des quartiers prioritaires du Grand Angoulême en Charente. En résulte une série de 36 courts-métrages documentaires sur l'histoire et l'actualité de leur territoire. 

Réalisateurs en herbe 

Le projet est né à Angoulême, où réside une importante communauté mahoraise . Isabelle Fougère, autrice et réalisatrice, accompagne les adolescents depuis le début du projet : "On nous a demandé de réfléchir à un projet pour rapprocher le territoire d’Angoulême de celui de Mayotte. Souvent, les jeunes ne connaissent pas Mayotte, ils sont nés à Angoulême ou sont arrivés très jeunes." Alors, avec Lisa Patin, en poste à Angoulême et désormais directrice du pôle culturel de Chirongui et Miquel Dewever-Plana, photo-reporter et réalisateur, ils ont imaginé ce projet fou et ambitieux : un échange de court-métrage, pendant trois ans, produits et réalisés par les élèves dans le cadre de leur enseignement scolaire. "Ce qui nous intéressait, c’était de les faire réfléchir sur leur territoire, complète Miquel Dewever-Plana. Raconter son territoire pour mieux le faire découvrir à leurs camarades à 8 000 km de là. Mais pour le raconter, il faut le connaitre. Et on s’est vite rendu compte qu’ils le connaissaient très mal, très peu."

Du choix des thèmes, à celui des interviews, puis du tournage et du montage, les réalisateurs en herbe ont tout vu. "En 5ᵉ on nous a d’abord expliqué comment on devait faire, puis on nous a laissé faire le montage, la caméra ou le son.", explique fièrement Naël, 15 ans. "C'est surtout le tournage qui est un moment stressant, ajoute Andrian. Il faut prévoir les imprévus, comme une mauvaise météo." 

Extrait de l'un des 36 documentaires de la correspondance Angoulême-Mayotte

Redécouvrir Mayotte 

"J'ai appris à redécouvrir Mayotte avec ce projet, même si je vis à Mayotte" lance la jeune Charmilla. Redécouvrir Mayotte et surtout être acteur de l'image de leur île. "C’est bien de dire : « on parle mal de Mayotte, ce n'est pas juste », rapporte Isabelle Fougère. Mais tu prends la caméra, tu racontes ta réalité. Il suffit d’apprendre, de travailler un peu, mais tu es aussi responsable de l’image que tu renvoies. Il n'y a pas de fatalité."

Les jeunes mahorais ont aussi voulu redonner une image positive de leur île avec un épisode par exemple sur "L'or de Mayotte, l'ylang-ylang." "Quand on leur a demandé de quoi ils voulaient parler, ils ont tout de suite évoqué des points négatifs : la violence, les enfants isolés, la délinquance, se souvient Malik, enseignant référent du projet au collège de Kwalé. Mais au fur et à mesure, ils ont envie de parler de chez eux de manière positive, parce que c’est normal d'avoir envie de se valoriser et c’était un bon accessoire pour y arriver." Le résultat de ce projet a été diffusé au pôle culturel de Chirongui devant les élèves et leur famille. 

Fierté nationale

Le projet a séduit la Fondation culture et diversité qui remet ce prix de l'audace pour la 11e fois en collaboration avec le Ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse. Émue lors de la cérémonie, Lisa Patin a dû lutter pour retenir ses larmes "Je suis terriblement fière de ce qu’ils ont accompli pendant trois ans. C’est fantastique de les voir aujourd’hui devant le ministre et d’être fière d’eux et de ce qu’ils sont." lâche-t-elle depuis la Cour d'honneur du ministère quelques minutes plus tard. 

La fierté, c'est le sentiment qui fait l'unanimité. "Je ne pensais pas que j’étais capable de faire tout ça, explique le jeune Hicham. J’étais timide au début, maintenant ça va mieux." 

"C’est vraiment une expérience enrichissante pour eux sur le moment, mais aussi pour l’ensemble de leur parcours." envisage plus largement Fatima, enseignante en lettres au collège de Tsimkoura. D'ailleurs, certains élèves ont déjà envie d'aller plus loin dans l'apprentissage de l'audiovisuel. "Pourquoi pas poursuivre au lycée et même dans mes études plus tard", rêve même Edem.