Daniel Gibbs, le président de la collectivité de Saint-Martin, comparaissait pour des délits de favoritisme et de manquements aux règles d'attribution de marchés dans différents dossiers de reconstruction après le passage dévastateur de l'Ouragan Irma début septembre 2017.
Dans la partie française de l'île franco-néerlandaise des Antilles, le bilan s'était établi à 11 morts et 95% des bâtiments endommagés. Il est reproché à M. Gibbs d'avoir eu recours à un cabinet d'expertise sans passer par une procédure de marché public. Il s'agissait d'estimer l'ampleur des dégâts sur 103 bâtiments publics et d'obtenir le meilleur dédommagement pour l'assurance.
Devant le tribunal, le président de la collectivité a évoqué "l'urgence au lendemain d'Irma" pour justifier des procédures rapides de signatures de contrats.
"Je suis un politique, je prends des décisions politiques et je demande aux services de faire le nécessaire"(…) Les services compétents n'ont repris leur activité que plusieurs mois plus tard. Nous étions en état d'urgence".
Daniel Gibbs est également poursuivi pour avoir fait financer par la collectivité les travaux de la maison dévastée d'une centenaire de l'île, la reconstruction de 400 toits, toujours sans appel d'offres, ou encore l'attribution de lots à des entreprises dont certains dossiers sont "très légers", souligne la présidente du tribunal, qui y voit "un marché illégal truffé d'irrégularités".
Des explications "sincères"
A l’issue des deux jours de procès, le procureur a demandé la relaxe sur le dossier du cabinet d'expertises, ainsi que pour le cas de la maison de la centenaire, faute d'éléments solides. "Il ne faut pas oublier" l’ouragan et les difficultés du contexte post-Irma a reconnu le magistrat, voyant de la "sincérité" dans les explications du prévenu.
Sur d'autres dossiers, le procureur a rappelé qu'existaient de longue date des pratiques laxistes en matière de marchés publics, auxquelles il a été officiellement mis fin en 2018, après l'arrivée de M. Gibbs. Le magistrat considère que "l'infraction existe matériellement", mais se demande si tout le monde a bien fait son travail, et considère que "toutes les décisions étaient opportunes pour l'intérêt public". Il requiert donc une condamnation, mais demande au tribunal de dispenser l'élu de peine.
Le tribunal correctionnel de Saint-Martin rendra sa décision, le 24 février, un mois avant les élections territoriales des 20 et 27 mars. Après déjà quatre reports, l'ancienne vice-présidente, devenue sénatrice UDR/LR, Annick Pétrus, qui devait également comparaître, sera jugée en mai.