C’est un stagiaire de l’agence, basée à Montparnasse, qui avait donné l’alerte à la fin des années 90. Il avait constaté l’usage de codes pour catégoriser les intérimaires fichés par Adecco. BBR ou Bleu Blanc Rouge signifiait " intérimaire blanc ", PR4 ou " présentation de niveau 4 " était le code pour les intérimaires noirs. Un décryptage récusé par les responsables de l’agence, pour qui le code PR4 identifiait les intérimaires qui ne savaient ni lire, ni écrire, ni compter.
Une différence de traitement
Ce système de fichage, Robert Sam Sambo, d’origine guadeloupéenne, ne l’avait pas relevé lorsqu’il venait chercher des missions à l’agence à la fin des années 90. Né en région parisienne, il travaillait dans le secteur de la restauration et s'était tourné un temps vers l'intérim. En revanche, il avait noté que ses amis blancs étaient traités différemment de lui.
Eux, ils allaient rarement à l’agence pour demander des missions. On les appelait directement pour leur donner leur ordre de mission. Alors que nous, on était toujours obligés de se rendre à l’agence le matin pour déposer une fiche et demander une mission pour le lendemain
Robert Sam Sambo
Outre la nécessité de se déplacer à l’agence, Robert Sam Sambo avait également constaté que ses missions étaient plus courtes que celles de ses collègues blancs. Par ailleurs, ce commis de formation se voyait parfois assigné à des tâches inférieures à ses compétences, comme la plonge.
Une longue procédure judiciaire
La première plainte pour discrimination raciale à l’embauche a été déposée par l’association SOS Racisme en février 2021. De non-lieux en renvois, la procédure aura duré 22 ans avant que l’affaire ne soit présentée ce 28 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris, où deux anciens directeurs de l’agence en poste pendant la période concernée seront jugés.
De son côté, Adecco se défend en assurant que la lutte contre les discriminations "est une priorité pour le groupe depuis de nombreuses années", et rajoute qu’une étude diligentée il y a deux ans par SOS Racisme n’a pas constaté de pratiques discriminatoires.
500 intérimaires fichés
500 intérimaires sont potentiellement concernés par ce procès pour fichage ethnique. Mais avec les années, leurs coordonnées ont changé et l’association la Maison des potes, qui s’est portée partie civile, a eu beaucoup de mal à les contacter. Seule une quinzaine de personnes se sont également portées partie civile au côté de l’association, dont deux personnes d’origine antillaise. L’un des deux, Robert Sam Sambo suivra le procès à distance, en Guadeloupe où il vit désormais.