Quatre hommes condamnés à Paris pour trafic de crack entre la Guyane et l'Hexagone

Trois Guyanais et un Guyanien ont été condamnés mercredi 28 septembre par le tribunal correctionnel de Paris pour leur participation à un trafic de crack entre Cayenne et Paris. Ils ont écopé de peines allant de un à cinq ans de prison. Du transport de la cocaïne à sa transformation en crack jusqu’à sa revente, l’enquête avait révélé les liens entre les prévenus

"Je n’avais pas conscience que la drogue pouvait exploser dans mon ventre et me faire mourir ". Silhouette menue dans le box du tribunal correctionnel de Paris, Jérémy H. reconnait avoir transporté des ovules de cocaïne lors d’un vol Cayenne-Paris le 29 août dernier. Le jeune Guyanais de 21 ans comparaissait mercredi 28 septembre aux côtés de trois autres prévenus pour son implication dans un trafic de crack, ce dérivé de cocaïne très addictif qui fait des ravages en région parisienne et au-delà.

"Comment vous vous êtes retrouvés à faire la mule ?"  l’interroge la présidente du tribunal. Jérémy H. élude, lui qui a ingurgité près de 80 ovules de drogue d’environ 8 grammes chacun. À côté lui, Josué P. ne se montre pas plus bavard. C’est pourtant suite à un renseignement anonyme que la police s’était mise fin juin sur la piste de ce Guyanais de 43 ans, consommateur de drogue soupçonné de dealer du crack à Paris et à Saint-Denis.

De l'importateur aux "cuisiniers" du réseau 

Des écoutes et une filature ont permis de rassembler les pièces du puzzle de ce réseau en révélant les liens de Josué P. avec les deux derniers prévenus. Très régulièrement, il échangeait avec Marvin F., quarantenaire originaire du Guyana, à travers des messages codés. Des SMS mentionnant des chiffres énigmatiques, de la "cuisine" et des "mix". Lors de perquisitions à leurs domiciles, les enquêteurs ont retrouvé du bicarbonate de soude, des balances de précisions et des traces de poudre. Autant d’éléments les désignant comme les "cuistots" du trafic, ceux qui transforment la cocaïne pure à plus de 80% en galettes de crack, revendues près des stations du métro parisien. Tous les deux étaient aussi en contact régulier avec un quatrième homme, Rolston B.

Tout à droite dans le box, sa silhouette plus grande et massive que ces coaccusés détone. Ce natif de Cayenne, déjà condamné pour trafic de drogue, a été désigné par la police comme le chef du réseau, chargé du recrutement des mules en Guyane. Confronté à la barre aux éléments de l’enquête, le trentenaire trouve toujours la parade. Comment, privé du RSA, s’offrait-il ses nombreux allers-retours Cayenne-Paris ? Des cadeaux de ses petites amies. Pourquoi Marvin F. lui virait-il régulièrement de l’argent ? Une dette remboursée au compte-goutte avec des intérêts mirobolants, selon Roston B.

Technique de l’esquive adoptée par plusieurs de ses coprévenus, revenus au cours de l’audience sur leurs premières déclarations et peu diserts sur leur organisation et l'origine de la drogue. Étonnamment, deux d’entre eux, placés en détention provisoire dans la même prison, partageaient jusqu’à la même cellule. "Comment voulez-vous qu’ils puissent parler librement dans ces conditions ?", s’est insurgé Me Pascale Laporte, l’avocate de Marvin F.

Un "panorama complet" du trafic de drogue 

"On ne peut pas décorréler le rôle de chacun des prévenus" a néanmoins lancé la Procureure dans son long réquisitoire, soulignant le "phénomène assez rare"  d’avoir au cours de ce procès un "panorama assez complet de la chaîne qui va de l’importation de cocaïne jusqu’à la vente. La toile de fond c’est le trafic international de cocaïne" . Importateur, revendeur, "cuisinier", mule, "on a attribué de manière aléatoire un rôle à chacun" a répliqué l’avocate de Rolston B., effarée de voir 5 ans de prison ferme requis à l’encontre de son client.

Sa consœur, Me Laure Godiveau, avocate de Jérémy H. a tenu à souligner qu’il y avait "une vie derrière le mot mule". Dans son émouvante plaidoirie, l’avocate a rappelé que Jérémy H. avait reconnu les faits, qu’il était aussi pétri de regrets pour lui et pour "l’image que ce trafic donne de la Guyane". Tout en soulignant qu’au-delà du "côté terrible du trafic de stupéfiants pour les consommateurs, les mules sont les premières victimes des trafiquants qui profitent de leur situation précaire", Me Godiveau a demandé qu'une peine de prison avec sursis soit prononcée à l'encontre de son client. Un appel qui semble avoir été à demi entendu puisque Jérémy H. a écopé d’un an de prison aménageable sous bracelet électronique. Pour les autres prévenus, le tribunal correctionnel de Paris a quasiment suivi les réquisitions, en prononçant des peines allant de 18 mois à 5 ans de prison.