Quel avenir pour les quotidiens France-Antilles et France-Guyane ?

Liquidation ou plan de reprise? France-Antilles, le seul quotidien de Martinique, Guadeloupe et France-Guyane, en redressement judiciaire depuis le 25 juin, connaîtront mardi leur sort lors d'une audience du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France.
 
Si le tribunal ne juge pas satisfaisantes les offres de reprise, le quotidien, créé en mars 1964 à l'occasion de la visite officielle du président Charles de Gaulle en Martinique, pourrait définitivement disparaître. Cela mettrait au chômage les 240 salariés du groupe France-Antilles, ancienne filiale du groupe Hersant, répartis en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique où le journal propose trois éditions distinctes.
 

Décision le 14 janvier

L'avenir des quotidiens devait initialement être décidé le 5 décembre, mais un sursis supplémentaire lui a été accordé jusqu'au 14 janvier. "Sans nouveaux financements, c'est la disparition de France-Antilles et de France-Guyane à très brève échéance", avait alerté à l'automne le directeur général de France-Antilles, Frédéric Verbrugghe, jugeant que "l'édition d'un quotidien dans chacun des trois départements demeurera structurellement déficitaire", à cause d'"un lectorat limité par sa géographie et sa démographie" et d'"un marché publicitaire contraint".


Pertes lourdes

Le journal accuse actuellement des pertes de 500.000 euros par mois, pour un chiffre d'affaires annuel de 28 millions d'euros. Il faudrait au total 9 millions d'euros pour relancer le quotidien, et malgré une aide de l'Etat de 3 millions, et un apport de 3 millions d'euros par des investisseurs, il manquait début décembre encore 3 millions d'euros pour boucler ce financement, dans le cadre de l'offre de reprise la plus optimiste.
 

Offre d'AJR participations

Il s'agit de celle de l'actionnaire actuel AJR Participations (société de Aude Jacques-Ruettard, petite fille de Robert Hersant), qui avait repris le quotidien en 2017, à la suite d'un précédent redressement judiciaire. Dans son offre, elle propose de faire du journal un tri-hebdomadaire avec une seule imprimerie, basée en Guadeloupe. La Guyane ne poursuivrait qu'avec une édition internet.
 

Offre d'Octopus Network

Mais même si le financement était bouclé, seuls 114 emplois seraient maintenus. Un second repreneur, Octopus Network, dont l'actionnaire principal est le président du Medef de Guadeloupe, Bruno Blandin, propose de ne garder qu'une trentaine de salariés sur l'ensemble des trois départements.
 

Offre guyanaise

Une troisième offre concerne uniquement la Guyane, où un chef d'entreprise prévoit de conserver une quinzaine de salariés. Dans ce territoire, le journal n'est pas paru à plusieurs reprises dans sa version papier cette semaine.
 

Une collecte des salariés

En attendant l'audience de mardi, des salariés, mobilisés depuis plusieurs mois, ont lancé une collecte visant à recueillir un million d'euros. De nombreux lecteurs, élus politiques, responsables économiques ou simples particuliers, ont fait part de leur attachement. Regardez le reportage de Martinique la 1ère ci-dessous :
 
"A titre personnel, France-Antilles c'est un monument, c'est la mémoire de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane", estime le président de la région Guadeloupe, Ary Chalus (LREM), regrettant que "les gens n'achètent plus les journaux"

La footballeuse martiniquais Wendie Renard défend elle aussi le quotidien. Elle a appelé sur twitter à sauver France Antilles. "Monde politique, monde économique, monde associatif, monde sportif... Ensemble agissons !", écrit-elle.
 
La sénatrice de Martinique (apparentée PS) Catherine Conconne soutient également ce "symbole patrimonial", soulignant que France Antilles est aussi "un gros employeur". Pour son collègue LREM de Guyane Antoine Karam, "supprimer un journal, c'est comme couper un bras."

D'autres sont plus critiques, comme Daniela, Cayennaise de 29 ans : "si le journal disparaît c'est bien parce que le contenu ces derniers temps n'était pas à la hauteur de ce qu'on attendait d'un quotidien. Il faut que le contenu s'améliore".

France-Antilles "a naturellement sa ligne et son fond idéologique que l'on peut aimer ou exécrer", reconnaît le sénateur PS de Guadeloupe Victorin Lurel. "Mais on ne saurait concevoir le pays sans son quotidien."