Les délégations ultramarines sont venues en nombre pour représenter leur territoire au salon professionnel multicible du tourisme à la Porte de Versailles. Destinations toujours autant prisées des Français, les Outre-mer continuent d’attirer de nombreux touristes malgré l’inflation qui impacte tous les secteurs : transports, hôtellerie, activités sur place, etc. Certaines destinations, comme la Polynésie française, se tournent donc vers un public davantage nord-américain, une nouvelle cible qui se construit dans un juste équilibre entre respect du territoire local, attractivité et développement économique.
Les territoires ultramarins, dont certains font face à d’importantes difficultés sociales et économiques, tentent de se réorienter : Mayotte, qui après avoir connu une baisse de fréquentation de 80 à 90 % par rapport à 2018, se positionne désormais vers un tourisme local avant d'accueillir de nouveaux touristes étrangers sur l’île.
Chaque territoire tente de se réinventer afin de maintenir une attractivité égale, voire supérieure à l’avant-crise du covid. Le "tourisme vert", atout majeur des Outre-mer, est donc largement mis en avant par les prestataires, qui tentent de toucher une nouvelle clientèle tout en préservant la culture et le naturel local.
" Le salon permet de renforcer notre visibilité "
Pour l’ensemble des acteurs présents au salon, qu’ils soient à la tête de compagnies aériennes, d’établissements hôteliers ou responsables du développement à l’office du tourisme, tous participent à la mise en avant de leur produit. Pour Jean-Luc Lowest, vice-président de la collectivité territoriale de Guyane, mais aussi président du comité du tourisme du département, ce salon permet de "renforcer la visibilité" du territoire. Pour cela, il entend miser sur le "produit Guyane", c’est-à-dire un tourisme durable qui se base "sur ce que la Guyane a déjà". Ne bénéficiant pas des atouts d’une île, la Guyane mise sur sa situation géographique, grâce à l’Amazonie française.
Le président du comité du tourisme de la Guyane entend donc miser sur des voyageurs qui ont "l’habitude de voyager, avec une offre touristique beaucoup plus originale, toujours aussi proche de la nature et de la faune". Mais Jean-Luc Lowest le conçoit, la Guyane n’est pas pour tout le monde "c’est une destination qui n’est pas abordable pour le grand public, c’est assez cher. Aujourd’hui, l’aérien ne fait que confirmer cela. On ne cherche pas à faire un tourisme de masse. Nous souhaitons nous positionner sur un tourisme de niche ". Un positionnement qui s’additionne à ceux partagés par les autres territoires ultramarins : la recherche d’authenticité et la découverte de nouvelles cultures.
Des aspects pour lesquels Audrey Ho-Wen-Tsai, Miss Guyane 2023, se bat au quotidien malgré le prix des billets d’avion qu’elle déplore : "la Guyane, c'est la diversité culturelle. La population ainsi que la faune sont tellement riches. C’est vraiment dommage que le prix des billets d’avion soit un frein à cette découverte".
Mais malgré le prix des billets d’avion ainsi que l’augmentation des prix dans l’ensemble des secteurs touristiques, aucun représentant des territoires ultramarins ne déplore de situation critique vis-à-vis du tourisme. Bien au contraire…
" Les prix ont explosé, néanmoins les avions étaient remplis "
Alors que les prix ont pour la plupart "explosés" selon François Jock, responsable relations publiques au comité martiniquais du tourisme, la plupart des acteurs du monde du tourisme rencontrés sont, eux aussi, satisfaits de leur premier semestre. Pour lui, les chiffres sont semblables à ceux de 2019 : "les hôteliers sont très satisfaits du taux de remplissage".
François Jock explique que "malgré des prix qui ont explosé, les avions étaient remplis. Un effort a été fait de la part des touristes et des Martiniquais de l'hexagone pour rejoindre l’île". Malheureusement, il constate que cela exclut une partie des Martiniquais, seuls les ménages les plus aisés pourront se permettre de retourner sur l’île, inscrite depuis le 16 septembre de cette année au patrimoine mondial de l’Unesco pour les volcans et forêt de le montagne Pelée et des pitons du nord. Du côté d’Air Caraïbe, même son de cloche "2023 a été bon" selon le directeur délégué de la compagnie, Edmond Richard. Après "deux années compliquées", Edmond Richard explique les raisons de ces augmentations des prix.
Les prix ont fortement augmenté, oui, mais seulement par rapport à l’année dernière. Ils étaient particulièrement bas en raison de la suroffre sur les Antilles. Par rapport à 2017, la hausse est de 16 à 17 %. Ils ont augmenté aussi à cause du pétrole et des différentes taxes. Lorsque vous augmentez vos prix, vous perdez forcément une petite partie de la clientèle sachant qu’il y a aussi tous les prix autour de l’aérien qui augmentent aussi. Malheureusement, il y a des déséquilibres structurels importants, certains de nos avions partent vides de Paris, les gens qui rentrent doivent payer l’aller-retour.
Edmond Richard - Délégué Général d’Air Caraïbe
Néanmoins, le Délégué Général d’Air Caraïbe explique qu’en raison du nombre important d’avions qui s’envolent entre Paris et les Caraïbes, les prix demeurent "relativement bas" comparés aux autres destinations long-courrier. Et toujours malgré cette hausse des prix, Edmond Richard assure que l’activité cet hiver sera "très bonne" en raison des investissements réalisés par les territoires de la Caraïbe, au niveau des hôtels, des locations privatives et de l’ensemble des projets de reconstruction. Une vision sur laquelle l’ensemble des acteurs du tourisme ultramarins s’accordent : les voyageurs sont à la recherche d’une expérience unique, qui lutte contre le "mass market" [concentration d’une grosse activité touristique, NDLR.], peu importe la destination.
" L’authenticité ", la nouvelle offre des professionnels du tourisme des Outre-mer
À défaut de courir derrière un marché de masse, les hôteliers et autres représentants du tourisme dans les territoires ultramarins ont la volonté de mettre en avant leurs particularités. Au niveau culturel, géographique ou plus largement dans leur offre pour les vacanciers, les professionnels souhaitent offrir "une expérience". De Papeete en Polynésie française à Fort de France en Martinique en passant par Saint-Denis à la Réunion, tous misent sur un point principal : "le naturel", c’est-à-dire, donner aux voyageurs une réelle sensation de dépaysement, offrir une expérience unique axée sur des randonnées, des découvertes de lieux naturels insolites en sensibilisant les touristes à la préservation de l’environnement.
C’est le cas par exemple de la responsable de la destination Tahiti, Odile Lichon qui considère que les "visiteurs viennent se reconnecter avec la nature". Un pari gagnant pour cette destination "on est au plus haut, on a reçu au moins 72.000 Français et plus de 100.000 Nord-Américains, c’est largement plus que les autres années [+ 34,2% de fréquentation entre 2022 et 2023, NDLR], il y a un engouement pour la Polynésie". Et n’ayant connu aucune baisse de fréquentation, notamment grâce "au maintien des prix des trois compagnies aériennes Air France, Air Tahiti ou encore French Bee", la responsable indique à l’inverse souffrir du manque d’hébergements, seule alternative : "l’hébergement flottant". Une situation semblable à celle de l’île de la Réunion, où, selon la directrice générale du tourisme à La Réunion Susa Soba, qui "ressent la notoriété semblable à l’avant-covid […] avec une croissance de la fréquentation de plus de 30% pour le premier semestre 2023 comparé à 2022 ".
Des chiffres très positifs qui confirment la stabilité du tourisme à La Réunion, composé à 90 % de Français de l’Hexagone, selon la directrice du tourisme départemental, qui distingue deux types de tourisme : "le tourisme affinitaire et d’agrément". Travaillant sur plusieurs cibles de touristes, l’île de La Réunion entend entretenir une attractivité à la fois pour les Réunionnais avec le "tourisme affinitaire" avec leur cercle proche, qui ne se compose pas uniquement de Réunionnais et qui seraient susceptibles d’aller à La Réunion "qui ont déjà une affinité pour l’île". Pour l’autre catégorie de tourisme, celui "d’agrément", Susan Soba entend, elle aussi, attirer de nouveaux visiteurs en mettant en avant "la nature, la randonnée, les reliefs, l’authenticité et le vivre ensemble, mais aussi l’humain, à travers la personnalité et la culture réunionnaise".
L’ensemble des acteurs du monde touristique ultramarin, constatent depuis plus d’un an qu’ils demeurent des destinations privilégiées pour les Français, ne semblent donc pas directement impactés par l’inflation. À l’exception de Mayotte, qui a perdu près de 90% de sa fréquentation extérieure depuis quatre ans en raison de la situation "dramatique" qui secoue le département.
Mayotte est un territoire en plein développement. Nous faisons face actuellement à des problématiques sociales, nous avons une insécurité importante. L’opération Wuambushu nous a permis d’avoir un peu de répit. Nous devons également régler le problème de l’eau. Nous devons trouver des solutions durables.
Michel Madi - Directeur de l’agence d’attractivité et développement touristique de Mayotte
Michel Madi, directeur de l’agence d’attractivité et de développement touristique de Mayotte annonce "miser sur son lagon, que cela soit pour observer les baleines, pour faire de la plongée[...] nous mettons aussi en avant toute la partie culturelle qui s’avère être très différente dans le canal de Mozambique".