Les tensions en Martinique ne faiblissent pas, malgré la signature d’un accord entre l’État, les élus locaux et les acteurs économiques pour réduire les prix de milliers de produits alimentaires de 20 % en moyenne. Cet accord, annoncé comme une réponse à la crise du coût de la vie qui accable l’île depuis des années, n’a pas réussi à apaiser les mécontentements. Le collectif Rassemblement pour la Protection des Peuples et des Ressources Afro-Caribéens (RPPRAC), à l’origine de la mobilisation, reste déterminé à maintenir la pression.
Sur le terrain, le quotidien des Martiniquais est lourdement perturbé. Les routes de l’île sont fréquemment bloquées par des barricades, créant de nombreuses perturbations de circulation. Les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre se multiplient, accentuant un climat d’insécurité. Depuis le 10 octobre, un couvre-feu est en vigueur de minuit à 5 h du matin, mais cela n’a pas suffi à contenir les violences. Les autorités ont d’ailleurs décidé de prolonger cette mesure jusqu’au 28 octobre.
Une crise sociale en ébullition et un modèle économique à bout de souffle
Ce contexte de crise sociale grandissante est révélateur de profondes frustrations accumulées au fil des années en Martinique. Malgré les efforts pour tenter d’apporter des solutions à la vie chère, la population demeure sceptique quant à la volonté réelle des autorités d’appliquer les mesures promises. Le précédent de 2009, lorsque la grève générale avait paralysé les Antilles, est encore dans les mémoires. À l’époque, des accords similaires avaient été signés, mais nombre d’entre eux n’ont jamais été appliqués, laissant persister un écart important entre le coût de la vie en Martinique et celui de la métropole.
Sur le plan économique, les répercussions des troubles sont déjà massives. Depuis le début des violences, les dommages pour les entreprises locales se chiffrent en dizaines de millions d’euros, et 300 emplois sont directement menacés. Les commerces, pillés ou saccagés, peinent à rouvrir leurs portes, et certains risquent même de disparaître définitivement. Selon les premières estimations, les dégâts s’élèvent à au moins 65 millions d’euros, une somme qui reflète l’ampleur de la crise actuelle.
La mission de Serge Letchimy à Paris : des enjeux multiples
C’est dans ce contexte tendu que Serge Letchimy, Président du Conseil Exécutif de la Martinique, est à Paris pour une réunion de travail cruciale avec le Premier ministre, Michel Barnier. Prévue pour ce vendredi matin, cette rencontre à Matignon revêt une importance capitale pour l’avenir de l’île.
Le premier dossier sur la table concerne la mise en œuvre de l’accord sur la baisse des prix des produits alimentaires. Serge Letchimy appelle à la création d’un "comité technique" chargé de superviser l’application des mesures, une proposition faite au préfet dès le 17 octobre. L’objectif est de garantir que les promesses de baisse des prix se concrétisent rapidement et efficacement. Ce suivi est d’autant plus important que l’échec des précédents accords a laissé des cicatrices dans la société martiniquaise, qui redoute de voir une nouvelle fois les promesses s’évanouir.
Au-delà de la question de la vie chère, cette réunion abordera également la relance économique de l’île, durement frappée par la crise. Les entreprises sinistrées auront besoin de soutien pour redémarrer leurs activités. Le patron de la collectivité espère obtenir du gouvernement un accompagnement concret, sous forme d’aides ou de dispositifs de soutien.
Des enjeux sociaux et financiers complexes
En plus des questions économiques, le Président du conseil exécutif, entend soulever des sujets sociaux urgents. La précarité touche une large partie de la population, et en particulier la jeunesse martiniquaise, confrontée à un taux de chômage élevé et à des perspectives limitées. La situation des collectivités locales sera également abordée, notamment dans le cadre du Projet de Loi de Finances 2025. Les restrictions budgétaires et le désengagement progressif de l’État mettent en péril l’équilibre des finances locales, risquant de déstabiliser davantage l’île.
Les discussions devraient aussi concerner la taxe sur le transport aérien, ainsi que l’adhésion de la Martinique à la CARICOM, la Communauté des Caraïbes, la suite de l’Appel de Fort-de-France, document fondateur pour une nouvelle orientation politique des territoires d’outre-mer.