Dans Rhum amer (éd. Ouest France), le journaliste Jean-Marie Biette se sert du cadre de la Route du Rhum qu'il connaît par cœur, pour mettre en scène un polar entre Saint-Malo et la Guadeloupe. Une histoire de meurtre, bien sûr, mais aussi de voile, de kenbwa, d'héritage post-colonial et de destins personnels. Le livre commence le jour du départ d'une Route du Rhum imaginaire, et c'est sur le village de la vraie course, la 12e, que nous avons rencontré l'auteur.
Outre-mer la 1ère : qu'est-ce qui vous a donné envie d'utiliser la Route du rhum, un évènement plutôt festif, comme cadre pour un meurtre dans votre nouveau polar ?
Jean-Marie Biette : Le polar reste joyeux et festif. Le commissaire en charge de l'enquête est un épicurien bon vivant. Mais la Route du Rhum, c'est pour moi quelque chose de spécial, des souvenirs…Je me souviens d'un premier départ ici en 1978 où ça avait été une fête absolue, un spectacle magique. Et pour moi c'est vraiment LA course française par excellence, encore plus que le Vendée globe. Et en plus, elle a le bon goût d'arriver en Guadeloupe. Que ce soit pour le polar ou dans la vie réelle, la Guadeloupe et ses îles restent quand même un coin enchanteur. Les noms des skippers et des bateaux sont inventés, mais ça permet, avant l'évènement, d'avoir déjà des retours de lecteurs. En plus, les conditions météo du départ de la course ressemblent à celles du livre !
Qui dit Route du Rhum, dit Guadeloupe. Pourquoi avoir voulu mettre en avant l'archipel dans votre livre ?
Je parle vite du kenbwa, parce que je voulais que la Guadeloupe soit présente dès le départ du livre. Je me suis dit que c'est ça qui allait porter l'action. J'ai choisi d'ajouter à l'enquête un personnage qui renaît à la vie, le lieutenant Capesterre, qui a une vie abîmée en banlieue parisienne. Il est policier et est victime de racisme et de violence dans la grisaille. Il démarre l'enquête en étant vraiment cabossé, en spécialiste du cocktail anti-dépresseur punch coco, et puis au cours du livre, c'est lui le happy end. Il vient de Capesterre-Belle-Eau qui est pour moi, la Guadeloupe, la vraie. J'étais vraiment content de pouvoir, à travers un personnage comme ça, rendre un petit hommage à cette partie de la Guadeloupe moins connue. Je parle aussi des Saintes, qui se vantent d'avoir la plus belle baie du monde et c'est vrai ! Et de Marie-Galante, que je compare à Hoedic en Bretagne. Des îles où on dirait que le temps s'est arrêté. C'est enchanteur, on est loin de tout, on oublie tout.
Si vous ne deviez garder qu'un seul souvenir de la Route du Rhum, de la Guadeloupe, lequel ce serait ?
Sans hésiter, l'arrivée en 1990 et la victoire de Florence Arthaud. J'avais la chance d'être envoyé spécial là-bas. Je n'ai jamais ressenti une telle ferveur, une telle émotion, même chez elle, quand on sait après coup combien elle a souffert. Et j'avais trouvé le public guadeloupéen extraordinaire sur cette édition-là. Cette émotion, je ne suis pas sûre qu'on la revive. Celle-là était géniale, exceptionnelle. Cette année, j'espère que Philippe Poupon avec Flo ne va pas casser, qu'il ira au bout et je suis sûr qu'il sera accueilli avec ferveur là-bas parce que c'est une histoire toujours forte et présente.
Un autre projet avec les Antilles ?
J'étais marin dans une première vie et j'aime avant tout les îles. Comme je préfère quand il fait chaud que froid, tout est possible. Que ce soit La Réunion, la Nouvelle-Calédonie, la Caraïbe française, dans le Pacifique… on a une chance extraordinaire d'avoir, non pas au sens posséder, mais de partager, une langue, une histoire difficile qu'on essaye de surmonter, et ça, ça permet des échanges toujours fabuleux, toujours passionnants. Alors pourquoi pas !