Les habitants de Saint-Martin sont "dans la digestion lente" de l'ouragan Irma, qui a ravagé leur île il y a six mois, un traumatisme difficile à surmonter pour certains "cyclonés", comme ils se nomment, déjà dans la crainte de la prochaine saison des ouragans.
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"Au quotidien, on est tous en post-Irma, c'est un traumatisme énorme", témoigne Nathalie Cotterelle, une résidente de l'île qui a vécu en direct le cyclone meurtrier (11 morts), mais n'a pas perdu sa maison, au contraire de beaucoup d'autres. Mais "on a perdu notre île, tous nos repères, des amis sont partis, c'est toute une vie qui a été chamboulée. Quand on rencontre des gens, c'est toujours un sujet d'actualité", dit-elle.
Ses patients présentent des symptômes variés: "troubles du sommeil, troubles alimentaires", mais aussi "addictions exacerbées, pertes de mémoire, peur du vent, crise d'angoisse". "Il faut leur dire que c'est pas de la folie, que c'est normal", ajoute-t-elle, mais certains ont "honte de n'avoir pas été en capacité de surmonter cet événement".
"L'eau est arrivée, elle a emporté tout, le lit, la machine à laver, la télé, il ne me restait que le linge que je portais sur moi", raconte cette Dominicaine, dans un français mâtiné d'anglais et d'espagnol. Elle a couru chez son voisin, grimpé tant bien que mal les escaliers jusqu'au premier étage: "J'avais de l'eau jusque-là", dit-elle en montrant sa poitrine. "Je serai morte aujourd'hui, j'ai eu si peur", répète-t-elle inlassablement, la tête dans les mains, avant d'ajouter: "je suis malade, malade, je ne dors plus".
Pour renforcer cette offre, aujourd'hui insuffisante, Saint-Martin compte un centre médico-psychologique et une poignée de psychologues libéraux, plusieurs dispositifs ont été mis en place: des permanences de terrain, via l'association Trait d'Union ou des bus de la Croix-Rouge, et une expérimentation de téléconsultation, "Karib Trauma", via l'association SOS Kriz, plateforme d'écoute et de prévention de la souffrance psychologique. Il s'agit ainsi de "mailler le territoire pour permettre les prises de contact et identifier les personnes en souffrance" dans une population déjà fragilisée,
dit-il.
"La réponse doit être plurielle", poursuit Pascal Perrot. "On ne peut pas juste les envoyer chez le psy, quand ils ont aussi besoin d'aide pour trouver un logement, résoudre leur problème de toiture, refaire leurs papiers ou contacter l'assurance maladie". D'autant qu'avec l'arrivée de la prochaine saison cyclonique en juin, les angoisses et le mal-être vont se multiplier. "Si un nouveau cyclone puissant devait survenir en 2018, ce serait dramatique", renchérit Pascal Perrot. "Dans leur esprit, ils sont en sursis".
"Il y a une véritable inquiétude, j'entends beaucoup de gens qui disent, +avant la saison cyclonique, je pars+", confirme Jean-Marie Thevenet, directeur de Trait d'Union. "Des peurs risquent de remonter, chez les élèves comme chez le personnel enseignant", prévoit aussi le directeur d'académie adjoint Michel Sanz. "D'ailleurs, le moindre vent fort, comme pas plus tard que la semaine dernière, fait paniquer les gens et ressurgir les craintes".
L'appréhension de la prochaine saison cyclonique
Pour Jessica Iorio, psychologue de l'association Trait d'Union, qui vient en aide aux "cyclonés", et reçoit "une quinzaine de personnes par semaine", "on est dans la digestion d'Irma, et la digestion est lente, d'autant plus que s'ajoute l'appréhension de la prochaine saison cyclonique".Ses patients présentent des symptômes variés: "troubles du sommeil, troubles alimentaires", mais aussi "addictions exacerbées, pertes de mémoire, peur du vent, crise d'angoisse". "Il faut leur dire que c'est pas de la folie, que c'est normal", ajoute-t-elle, mais certains ont "honte de n'avoir pas été en capacité de surmonter cet événement".
"Je suis malade, malade, je ne dors plus"
"J'ai eu très, très peur", témoigne Clara Nimia Angon, 72 ans, les larmes aux yeux en évoquant le 6 septembre, vers 5H00 du matin, lors qu'Irma a provoqué une montée de la mer de plusieurs mètres à Quartier d'Orléans. "J'habitais ici, une petite maison. Tout ce ciment, c'était là où j'habitais", explique-t-elle en montrant un terre-plein aujourd'hui vide. Elle logeait dans un petit appartement que lui louait son voisin."L'eau est arrivée, elle a emporté tout, le lit, la machine à laver, la télé, il ne me restait que le linge que je portais sur moi", raconte cette Dominicaine, dans un français mâtiné d'anglais et d'espagnol. Elle a couru chez son voisin, grimpé tant bien que mal les escaliers jusqu'au premier étage: "J'avais de l'eau jusque-là", dit-elle en montrant sa poitrine. "Je serai morte aujourd'hui, j'ai eu si peur", répète-t-elle inlassablement, la tête dans les mains, avant d'ajouter: "je suis malade, malade, je ne dors plus".
10% de la population concernée par des traumatismes
"Selon la littérature actuelle on est sur 10% de la population" potentiellement concernée par des traumatismes psychologiques après de telles catastrophes naturelles, explique le docteur Pascal Perrot, chef du projet pour la reconstruction de l'offre de soins à Saint-Martin et Saint-Barth.Pour renforcer cette offre, aujourd'hui insuffisante, Saint-Martin compte un centre médico-psychologique et une poignée de psychologues libéraux, plusieurs dispositifs ont été mis en place: des permanences de terrain, via l'association Trait d'Union ou des bus de la Croix-Rouge, et une expérimentation de téléconsultation, "Karib Trauma", via l'association SOS Kriz, plateforme d'écoute et de prévention de la souffrance psychologique. Il s'agit ainsi de "mailler le territoire pour permettre les prises de contact et identifier les personnes en souffrance" dans une population déjà fragilisée,
dit-il.
Le moindre vent fort fait paniquer
"La réponse doit être plurielle", poursuit Pascal Perrot. "On ne peut pas juste les envoyer chez le psy, quand ils ont aussi besoin d'aide pour trouver un logement, résoudre leur problème de toiture, refaire leurs papiers ou contacter l'assurance maladie". D'autant qu'avec l'arrivée de la prochaine saison cyclonique en juin, les angoisses et le mal-être vont se multiplier. "Si un nouveau cyclone puissant devait survenir en 2018, ce serait dramatique", renchérit Pascal Perrot. "Dans leur esprit, ils sont en sursis". "Il y a une véritable inquiétude, j'entends beaucoup de gens qui disent, +avant la saison cyclonique, je pars+", confirme Jean-Marie Thevenet, directeur de Trait d'Union. "Des peurs risquent de remonter, chez les élèves comme chez le personnel enseignant", prévoit aussi le directeur d'académie adjoint Michel Sanz. "D'ailleurs, le moindre vent fort, comme pas plus tard que la semaine dernière, fait paniquer les gens et ressurgir les craintes".