Science : les ouragans sont mieux anticipés mais gardent leurs secrets

Image de l'ouragan Matthew s'abattant sur la Floride, le 7 octobre 2016.
La science et la technologie permettent aujourd'hui de scruter le coeur des ouragans en temps réel et de faire des prévisions fiables plusieurs jours à l'avance, expliquent des scientifiques tout en reconnaissant qu'une part d'incertitude subsiste. 
Utilisant deux avions, deux drones militaires reconvertis (Global Hawks), des ballons et des satellites qui surveillent en continu les cyclones sous divers angles, "ces observations nous disent vraiment ce qui se passe au moment présent", explique Frank Marks, patron de la division de la recherche sur les ouragans à l'Agence océanique et atmosphérique américaine (NOAA).
               
"Et ces observations sont extrêmement utiles pour améliorer notre capacité de prévision", assure-t-il dans un entretien avec l'AFP. Toutes les données recueillies sont aussitôt transmises dans les centres de traitement et injectées dans les modèles d'ordinateurs qui produisent une prévision au Centre national des ouragans situé à Miami, en Floride. "Notre capacité à faire des prévisions fiables s'est drastiquement améliorée au cours des 35 dernières années", ajoute-t-il.
               

Evaluer la nécessité d'évacuer les populations 

Au début de sa carrière en 1980, une projection ne dépassait pas deux jours, comparativement à cinq jours il y a quinze ans, et jusqu'à sept jours aujourd'hui, note Frank Marks. De meilleures prévisions aident les autorités à mieux évaluer la nécessité d'évacuer les populations, souligne l'expert alors qu'il s'apprête à effectuer dans la nuit de jeudi à vendredi un nouveau vol d'observation de huit heures de l'ouragan Matthew.
               
Si les projections sur la trajectoire de ces dépressions géantes se sont nettement améliorées ces dernières décennies, les prévisions portant sur leur puissance ont moins progressé, précise Scott Brawn, un météorologue du Centre Goddard des vols spatiaux de la Nasa dans le Maryland. On n'explique pas vraiment les mécanismes qui produisent dans 5% de ces tempêtes tropicales, une soudaine accélération de leur intensité. Le 30 septembre, Matthew est ainsi passé en l'espace de 18 heures de la catégorie 1 à la catégorie 5 sur l'échelle de Saffir-Simpson, a-t-il relevé.

 

Même si la science était parfaite avec toutes les bonnes équations, on ne peut pas prévoir une accélération de la puissance des cyclones car il y a apparemment des facteurs aléatoires impossibles à mesurer comme l'état initial de l'atmosphère", explique Owen Kelley, un chercheur du centre Goddard. "Dans certains cas, cela peut invalider les prévisions", ajoute-t-il reconnaissant qu'il s'agit "d'une faiblesse" du système dont on a pris conscience il y a seulement dix ans.

               

















Il a aussi observé que parfois les prévisions sur le moment et l'endroit où un ouragan va toucher la côte restent incertaines jusque dans les dernières heures, comme dans le cas de Matthew. "Il se dirige vers la côte selon un angle très oblique et une légère inflexion pourrait lui faire toucher les terres plus tôt et plus loin de l'endroit prévu", avait relevé Owen Kelley alors que Matthew se rapprochait des côtes de Floride.
 

Le rôle du réchauffement climatique dans la formation des ouragans ne serait pas notable

Le rôle du réchauffement climatique dans la formation des ouragans de grande puissance, dont le nombre a augmenté ces dix dernières années, n'est pas notable, juge quant à lui Frank Marks. Il a expliqué que cet accroissement correspondait en fait à des cycles naturels actifs et inactifs d'une trentaine d'années liés à l'oscillation nord-atlantique, un phénomène touchant le système climatique du nord de l'océan Atlantique. Ainsi les années 1940 et 1950 ont connu des ouragans de grande puissance tandis que les décennies 70 et 80 ont été très calmes, a rappelé le scientifique de la NOAA.
               
"Je n'ai pas constaté de signaux notables du réchauffement climatique dans mes observations des ouragans ces 35 dernières années", a-t-il dit, suggérant que la période est probablement trop courte. "Les signaux du réchauffement sont beaucoup plus forts dans l'Arctique mais apparemment nettement plus subtils dans les tropiques", a-t-il ajouté.