"Lorsque l'on m'a diagnostiqué mon endométriose, c'était un soulagement. Il y avait bien une raison, même si les spécialistes me disaient qu'il n'y avait rien", commence Yasmine Candau. L'endométriose est une maladie gynécologique chronique. Elle est liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l'utérus. Généralement récidivante, la maladie provoque des règles douloureuses, des kystes ovariens et elle peut créer une infertilité.
Pour la Réunionnaise de 52 ans, le diagnostic a été posé en 1993, après sept ans d'errance médicale. "Après le soulagement vient l'inquiétude. Les médecins ne savaient pas trop où ils allaient avec cette maladie", raconte-t-elle.
On m'a dit que j'allais servir de cobaye. J'ai reçu des traitements très violents, qui maintenant sont administrés en dernier recours, avant une opération.
Yasmine Candau
Elle entame un parcours de soins très lourd, avec effets secondaires. "J'ai pris beaucoup de poids et j'avais très souvent des migraines. Certains des médicaments que je prenais à l'époque sont maintenant interdits. Tout ça était assez difficile à vivre quand on a une vingtaine d'années", exprime-t-elle.
Onze chirurgies en 26 ans
Yasmine Candau a eu de multiples récidives. Non seulement elle fait partie de cette "génération préambule" avec aucune information sur l'endométriose, mais elle est passée 11 fois sur la table d'opération, sûrement à cause de la méconnaissance autour de la maladie : "Lorsque j'ai réalisé en 2019 que je me suis fait opérer 11 fois, ça fait quelque chose. À chaque kyste, j'ai été opérée, mais il revenait parce qu'il n'était pas coupé au bon endroit" explique-t-elle.
Autant de chirurgie a des conséquences difficiles pour l'organisme, pour qu'il s'en remette. Il y a aussi les douleurs associées qui sont difficiles à vivre.
Yasmine Candau
La Réunionnaise quinquagénaire dit avoir "appris à vivre avec [s]es douleurs". "Je sais qu'elles vont rester quotidiennement", accepte-t-elle.
Depuis 2012, celle qui est atteinte d'endométriose depuis 20 ans préside EndoFrance, une association de lutte et de sensibilisation autour de la maladie gynécologique qui agit avec les pouvoirs publics et les professionnels de santé. EndoFrance finance également la recherche médicale sur l'endométriose : "Depuis 2016, l'association a pu verser 308.000 euros aux équipes médicales pour la recherche", annonce la présidente.
Une femme sur 10 diagnostiquée
Selon les données de l'Assurance Maladie, l'endométriose touche 1,5 à 2,5 millions de femmes en France, soit une femme sur dix. "C'est une femme diagnostiquée sur dix. On serait plus à deux ou trois femmes sur dix atteintes par la maladie", précise la Réunionnaise. L'endométriose reste une maladie difficile à identifier, en moyenne les femmes qui en sont atteintes passent par sept ans d'errance médicale avant d'être diagnostiquées, tout comme Yasmine Candau à l'époque.
En Outre-mer, la détection peut être encore plus faible, en raison du manque de moyens et d'informations : "Être en Outre-mer peut avoir une incidence dans la détection. Néanmoins, je sais que La Réunion possède une équipe bien structurée et que les praticiens des quatre coins de l'île sont capables de prendre en charge l'endométriose", affirme la présidente d'EndoFrance. "Des médecins de l'Hexagone vont régulièrement en Martinique pour former les chirurgiens locaux", ajoute-t-elle.
Un médicament à l'étude
En septembre 2020, un décret permet l'intégration de l'endométriose dans les études médicales du second cycle. "Le premier cours a eu lieu en 2021. Il faudra attendre une dizaine d'années avant que ces nouveaux médecins terminent leur cursus", réalise Yasmine Candau.
De fait, l'errance médicale tend à diminuer progressivement.
Yasmine Candau
En attendant, il n'existe pas de médicament pour soigner l'endométriose. "La prise en charge se concentre sur une alliance thérapeutique entre un traitement qui bloque les hormones, la chirurgie et les soins complémentaires", détaille-t-elle. Cela va peut-être changer, des chercheurs britanniques et écossais vont commencer un essai clinique dès l'automne prochain, pour tenter de trouver une cure efficace.
"Le traitement à l'étude sera similaire aux injections qui provoquent une ménopause artificielle", argumente la Réunionnaise. "Le dosage sera différent, mais il y a un risque. Le seul moyen viable aujourd'hui reste le traitement de mise en aménorrhée [absence de règles, ndlr]."
Malgré les progrès de la médecine et les recherches, une part d'ombre subsiste sur l'origine de l'affection. "Est-ce qu'elle est génétique ? Environnementale ? Ou héréditaire ?", se questionne-t-elle. La présidente d'EndoFrance a eu l'occasion d'en discuter ce vendredi avec la ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Sylvie Retailleau. "Il va y avoir plus de financements dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose et un plan de financement de la recherche", finit Yasmine Candau.