[SERIE] "Ultramarins du métro" 3/3 - Nikerson Eveillard, d'Haïti à "l'Olympia de Saint-Michel"

Nikerson joue dans le métro et devant la fontaine Saint-Michel
Musicien dans les couloirs de la station de métro parisienne depuis 2007, l'Haïtien raconte en chansons l'histoire de son île. Celui qui a appris la musique en autodidacte rêve aujourd'hui de retourner au pays pour aider les siens.
Dans le quartier, Nikerson ne peut pas faire trois pas sans se faire apostropher. "Hé, l'artiste", l'interpelle le serveur du Rive Gauche, un café situé à côté de la fontaine Saint-Michel, en plein cœur du Ve arrondissement de Paris. Échange de sourires, les deux hommes se connaissent bien. C'est le repère de Nikerson qui s'y arrête toujours quelques minutes avant de plonger dans le métro, son lieu de travail.

Cela fait des années que le musicien haïtien de 41 ans se produit dans les couloirs du métro. "Ici, c'est mon Olympia de Saint-Michel", sourit-il. Pour rien au monde, il ne songerait à quitter cette scène qui lui a tout donné. "La musique m'a permis de transformer cet endroit en un lieu de rencontre, un laboratoire de vie", sourit-il. C'est à force d'abnégation, de travail et "de chance" que ce sensible de nature a réussi à faire de sa passion son métier sans jamais baisser les bras.

Musicien autodidacte

Nikerson est encore étudiant lorsqu'il débarque à Paris en 1997 pour suivre un cursus de médiation culturelle. C'est à ce moment qu'il découvre la musique, le début d'une belle histoire d'amour. "J'ai appris la guitare tout seul. À la fac, je demandais qu'on me montre comment faire un 'do'", raconte l'Haïtien.

Autodidacte, Nikerson joue sans relâche, "pour tuer ma solitude parisienne. Cela m'aidait à m'évader". Puis, comme dans un conte, "la musique lui fait rencontrer les gens", enfin. Avec ses nouveaux amis d'université, il monte son premier groupe, 'Sty'. Expérience enrichissante bien qu'éphémère, l'homme décidant de faire cavalier seul. Pour Nikerson, "nostalgique des douces sérénades donnée lors des soirées étoilées sur son île", c'est un rêve qui se réalise, il maîtrise cet instrument qui le fascine depuis toujours. "Petit, j'aurais voulu faire de la musique. Ma famille n'avait pas d'argent pour m'inscrire à des cours", dit-il.

Alpha Blondy et Bob Marley comme influences

En 2007, après avoir joué quelque temps sur les marches de Montmartre, il se lance dans le métro "pour s'amuser". Pas très à l'aise au début, il prend rapidement ses marques à la station Saint-Michel qui deviendra sa "petite scène permanente". De fil en aiguille, "des personnes m'ont invité à jouer dans les bars, lors de mariages". Nikerson vit enfin de sa passion et arrête les petits boulots. "J'ai eu une chance énorme", concède-t-il. Il commence à voyager dans le monde entier, d'Australie en Suède et se produit dans de grandes salles parisiennes comme La Bellevilloise. "La guitare m'a permis de faire des choses que je n'aurais jamais imaginées", reconnaît-il.

Nikerson dans le métro parisien :


Malgré tout, Nikerson revient toujours jouer dans le métro qui lui a tant donné. Ses rythmes haïtiens "influencés par Alpha Blondy et Bob Marley" bercent les voyageurs anonymes qui parfois, s'arrêtent le temps d'un instant pousser la chansonnette avec lui. Des moments privilégiés et simples qui lui procurent un bonheur inouï. "La musique est ma clef pour pénétrer le monde des autres. C'est mon Pari(s) humain", glisse-t-il dans un subtil jeu de mot.

Ses paroles délivrent "un message de fraternité" et se veulent résolument engagées. Ses chansons racontent les difficultés de son pays, la misère sociale et la lente reconstruction après le séisme de 2010. Deux à trois fois par an, il rentre en Haïti pour visiter sa famille aux Cayes, dans le sud. Il y a fondé une association qui permet aux jeunes d'apprendre la musique gratuitement, "pour partager sa chance". Peut-être, un jour, les retrouvera-t-on également dans les couloirs du ventre de Paris.