Peut-on faire plus accrocheur que le titre de la dernière pièce de Soeuf Elbadawi (*prononcer Seuf) ? "Ça n’est pas moi mais l’un des personnages de la pièce qui le dit !", se defend-t-il. Je suis blanc et je vous merde raconte l’incarcération en terre comorienne, dans une boîte de nuit, d’un homme, un Blanc, en provenance de Mayotte, soupçonné par la police de conspirer contre l’État.
S’en suit une confrontation psychologique, quasi en huis-clos, entre différents personnages situés de part et d’autre du pouvoir et de l’autorité. À fleuret moucheté dans les dialogues, en filigranes dans le texte, on peut entendre les conséquences de la "rencontre" entre la France et les Comores. Un sujet primordial pour celui qui se targue "seulement" d’être Comorien.
L’ancien journaliste à RFI a en effet du mal avec les étiquettes : il ne se revendique ni auteur, ni comédien (il écrit et joue, pourtant !), ni même musicien (il mène pourtant un groupe baptisé Mwezi WaQ. !) et ne se reconnaît donc qu'en tant qu'originaire de son archipel.
À propos de toutes ces apparentes contradictions - mais sincères convictions -, Soeuf Elbadawi se livre dans le podcast L’Oreille est hardie :
Question d'identités
Soeuf Elbadawi ne se dit pas auteur et ne se considère pas œuvrant dans la littérature : il a pourtant déjà commis nombre de pièces de théâtre et son dernier texte Je suis blanc et je vous merde sera mis en scène et présenté aux prochaines Zébrures d’automne à Limoges puis peut-être aux Antilles… Il ne se dit pas musicien : pourtant avec son groupe Mwezi WaQ., il a déjà commis deux albums de belle facture (dont vous pouvez entendre deux extraits dans L’Oreille…). Bref, il ne se dit même pas artiste…
Peut-être alors, si l’on souhaite cerner qui il est, faudrait-il rapprocher Soeuf Elbadawi du métier qu’il a pratiqué à RFI : journaliste... Il serait peut-être plus sage et prudent de le qualifier de témoin ou d’observateur, cela lui conviendrait peut-être bien ? Lui-même coupera court à tous les qualificatifs que nous chercherons à lui accoler : il est Comorien, il est des Comores, assène-t-il. Et ne cherchez pas à lui demander dans quelle île se nichent ses origines : c’est l’archipel tout entier qui fait les racines de Soeuf Elbadawi.
Écrire pour l'archipel
Et c’est aussi pour l’archipel qu’il écrit, finit-il par lâcher après un temps de réflexion suite à la question que nous lui posons. S’il écrit, c’est pour faire entendre dans ses textes de théâtre ou dans ses chansons toutes les complexités posées aujourd’hui par la relation historique entre la France et son archipel. Mais Soeuf Elbadawi en dit aussi les beautés, les traditions, les croyances qui mettent les Comores à part des autres terres dont l’histoire à croiser celle de la France coloniale.
Mêmes causes, pas mêmes effets
Si Soeuf Elbadawi admet des références à Césaire ou Glissant qu’il a lus, c’est aussi paradoxalement pour mieux réaffirmer les différences avec - par exemple - les Outre-mer français, notamment dans la relation entre les différentes composantes des peuples. Le point commun de la colonisation ne constitue pas un grand ensemble, un grand sac, où l’on pourrait mettre tout le monde pêle-mêle, selon le point de vue de Soeuf Elbadawi.
Écoutez L'Oreille est hardie...
Des points de vue à écouter qui vous remettent - très gentiment - à votre place et ouvrent, en écoutant Soeuf Elbadawi, des perspectives sur ce que l’on fait aujourd’hui du poids du passé. En attendant de voir bientôt sur scène le produit de ses réflexions, espérances, sentiments avec sa pièce Je suis blanc et je vous merde, retrouvez et découvrez Soeuf Elbadawi dans L’Oreille est hardie, c’est par ICI !
"Je suis blanc et je vous merde", pièce de théâtre de Soeuf Elbadawi sera jouée au festival Zébrures d’automne à Limoges.
"Le blues des sourds-muets" et "Chants de lune et d’espérance", albums du groupe Mwezi WaQ. (mené par Soeuf Elbadawi).