Sommet climat à Paris : quels périls pèsent sur les Outre-mer avec le changement climatique?

Érosion de la plage des Salines à Sainte-Anne
Une quarantaine de chefs d’Etat participe ce mardi à Paris au sommet sur le climat. Les Outre-mer seront les premières victimes du changement climatique. Par quels périls sont-elles menacées ? La1ère a interrogé plusieurs scientifiques.  

La hausse du niveau des mers

C’est le meilleur indicateur du réchauffement climatique. Et malheureusement les nouvelles ne sont pas bonnes. Selon Anny Cazenave, chercheure au Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS) à Toulouse, "la hausse du niveau des mers s’accélère et on s’attend à une amplification du phénomène de 30% supérieur dans les zones tropicales".

Hausse du niveau des mers

Pourquoi la hausse du niveau des mers s’accélère ?

"Des études récentes portant sur l’évolution future des calottes polaires et leur comportement potentiellement instable suggèrent en effet que l’Antarctique à elle seule pourrait produire +1 m d’élévation du niveau de la mer en 2100 !" précise Anny Cazenave à La1ère.

Après avoir connu une hausse globale de 17 cm au 20ème siècle, la hausse au 21ème siècle pourrait se monter à 1 m voire à 1 m 50 selon de nombreux scientifiques.

Erosion du littoral à Ponérihouen.

Variabilité régionale

La hausse du niveau des mers n’est pas uniforme à travers la planète. On sait par exemple qu’en Nouvelle-Calédonie, cette hausse est deux fois plus élevée que la moyenne. La Polynésie se situe légérement aussi au-dessus de la moyenne mondiale. La Réunion, Mayotte, la Guadeloupe et la Martinique sont au même niveau que la moyenne mondiale.


Zone tropicale particulièrement concernée

A cette variabilité régionale se superpose un autre phénomène très inquiétant pour la zone tropicale. "On s’attend à une hausse de 30% en plus de la hausse du niveau des mers dans cette zone", affirme la chercheure au Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS), Anny Cazenave.

L’explication est à la fois simple et surprenante. "Le globe terrestre est déformable, explique la scientifique. Pour l’instant, les calottes glaciaires exercent un poids sur les pôles. Mais quand on enlève ce poids, la terre ou plutôt la croûte terrestre remonte. L’eau des calottes polaires se répartit dans les océans et va provoquer un bourrelet dans les Tropiques car la Terre réagit comme une balle en caoutchouc".

Anny Cazenave au Collège de France


L’acidification des océans

A ce phénomène déjà inquiétant s’ajoute l’acidification des océans. Un quart de nos émissions de gaz à effet de serre sont absorbés par la mer. Ceci nous permet de mieux respirer. Mais en ingurgitant tout ce CO2, la chimie des océans est transformée et cela a des effets sur les coraux qui auront de plus en plus de mal à fabriquer leur carcasse.

Poisson nageant dans les coraux

"Aujourd’hui on a augmenté l’acidité de l’eau de mer de 30% depuis les années 1800, précise Jean-Pierre Gattuso directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l'acidification des océans, et on estime qu’elle va doubler ou tripler d’ici à 2100 en fonction des émissions de CO2 que l’on effectuera" 

Cette combinaison de l’acidification, de la hausse de la température et du l’élévation de l’océan va avoir des impacts dramatiques par exemple sur les récifs coralliens qui sont une source de nourriture essentielle pour les populations locales.


Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au CNRS

"Les récifs coralliens servent aussi de protection des rivages face aux tempêtes, aux houles et à l’érosion, poursuit Jean-Pierre Gattuso. Et donc cette fragilisation des récifs risque d’être dramatique pour le Pacifique sud, la caraïbe et l’océan Indien. Regardez ci-dessous le reportage de France Ô / Outremer 1ère sur les périls qui menacent les Outre-mer avec le réchauffement climatique : 

©la1ere


Perte de biodiversité

Pour Bruno David, président du Muséum national d’histoire naturelle, les menaces qui pèsent sur les coraux sont aussi très inquiétantes. D’autant plus que les coraux comme les arbres ne se déplacent pas. "Quand on se trouve dans des zones déjà très chaudes, des espèces migrent vers le nord, mais elles ne sont pas remplacées par d’autres espèces, explique Bruno David. Simplement parce qu’il n’y a pas d’espèces qui soient dans des environnements plus chauds.

Donc certaines vont être en capacité de s’adapter, certaines vont disparaître.


Bruno David, président du Muséum national d'histoire naturelle

De nombreux scientifiques parlent aujourd’hui de 6e extinction de biodiversité. Des espèces disparaissent, mais pire encore au sein de certaines espèces la population s’amenuise de manière inquiétante.

Cyclones intenses

En septembre, la Caraïbe a vue passer deux ouragans Irma puis Maria d’une intensité inégalée. Des îles telles que Saint-Martin et la Dominique ont été complètement dévastées. Les scientifiques ne sont pas encore certains d’un lien direct entre intensité des cyclones et changement climatique, même s’il existe de fortes présomptions. 

Faut-il désespérer ?

Pour Alexandre Magnan, géographe et chercheur à L’Iddri, certes il faut être conscient de la situation, mais il ne faut pas désespérer. "Face à la hausse du niveau des mers, il faut penser en trajectoire d’adaptation : construire des murs, restaurer des récifs coralliens, replanter des mangroves, reculer les bâtiments pour qu’ils ne soient pas trop près de la mer. On a une combinaison de pleins d’options possibles qui vont à un moment donné faire effet boule de neige et permettre une adaptation sur le long terme".
Alexandre Magnan, chercheur à l'IDDRI

Le géographe précise que "les murs de défense qui sont bien pratiques dans certaines îles, mais ils ont des effets pervers". "On a mis quelques décennies pour mettre en place des solutions robustes et intelligentes. Mais il faut s’en occuper maintenant car on ne transforme pas un territoire en 5 minutes", ajoute-t-il.

Transition énergétique

"Le tableau est apocalyptique, poursuit Jean-Pierre Gattuso, mais si l’on réduit nos émissions de CO2 et que l’on effectue cette transition énergétique qui est route, qui démarre certes difficilement, on peut limiter les impacts, malheureusement pour les récifs coralliens, c’est plus difficile", conclut le scientifique.