Non, les Polynésiens ne sont pas tous tatoués et ne font pas tous du surf. Non, le monoï n’est pas une fleur. Non, Tahiti n’est pas un archipel, mais une île !
Tous ces clichés, Steve Tumg les entend régulièrement en métropole. Ce Tahitien originaire de Punaauia est allé une première fois dans l’Hexagone pour ses études de graphiste à Bordeaux. Puis il est revenu en novembre 2018, cette fois pour trouver un travail à Paris.
A l’époque, il réfléchissait à la façon de se démarquer sur son CV. Il avait alors eu l’idée de créer un compte Instagram pour montrer ses talents, ainsi qu’un emoji qui symbolise son identité polynésienne : il reprend les traits du tiki, avec un sourire où est inscrit 'Ata 'Ata, sourire en tahitien.
"Tout le monde avait les mêmes stéréotypes"
Deux ans plus tard, devenu graphiste pour un cabinet d’audit, il se trouve comme beaucoup confiné chez lui, à chercher des passe-temps à cause du Covid-19. C’est là qu’il a l’idée de reprendre son compte Instagram pour parler des clichés sur la Polynésie française.
Steve se met alors à lister les absurdités ou les questions qu’on lui pose. "Quand on sort des îles, il faut se présenter, raconter son histoire, et tout le monde avait les mêmes stéréotypes, explique-t-il. Certains clichés me faisaient rire, d’autres étaient vexants."
Mais hors de question pour lui de "répondre par la violence ou les insultes, ce n’est pas du tout constructif". Quoi de mieux alors que des infographies, de courts textes illustrés parfois avec humour ?
On ne dit pas tongs mais savates !
En s’inspirant de photos ou de scènes qu’il connaît, il dessine alors sur son ordinateur pour casser un à un les clichés, en réutilisant son emoji 'Ata 'Ata.
Parmi les publications qui attirent le plus de réactions, celles sur la danse tahitienne et les tongs… ou plutôt les savates qui, rappelle-t-il avec humour, se portent partout et peuvent servir de "freezbee", "contre les nuisibles" ou "à faire tomber les mangues" !
Le mythe de la vahiné
Au fur et à mesure, Steve décide de trouver les explications factuelles ou historiques à certains clichés, pour essayer au maximum "d’être objectif" : "Tout est acté dans ce que je dis, avec par exemple un fait historique qui explique d’où vient le stéréotype". C’est le cas du mythe de la vahiné qui ressemblerait à Miss Tahiti et "qui remonte à Bougainville et aux écrits de Pierre Loti", écrit-il.
Idem pour la façon de de saluer : Aloha, c’est juste pour Hawaï. "J’ai interrogé des gens de chaque archipel que je connaissais pour vérifier comment ils disaient bonjour. J’ai fait un peu un travail de journaliste", dit-il en souriant, heureux d’apprendre lui-même "plein de choses" en achetant de plus en plus de livres et en cherchant sur Internet.
"Le ukulélé, si on cherche bien, ça vient des Portugais, révèle-t-il. Quand ils sont arrivés en Polynésie, on a aimé leur instrument et on l’a fait avec le matériel sur place, les fils de pêche, etc."
Ouvrir la porte au débat
C’est donc un peu une quête d’identité dans laquelle s’est lancé Steve, tout en entrouvrant "la porte à des débats que des personnes n’osent pas ouvrir". Car il n’aborde pas que des thèmes légers : "J’essaye d’alterner avec des sujets plus durs comme la pauvreté ou la pollution."
S’il casse à la fois les clichés et l’image d’Epinal de la Polynésie française, Steve ne souhaite donner en tout cas de leçon à personne : "Nous aussi, on a des stéréotypes par rapport aux autres cultures qu’on ne connaît pas." L’essentiel est de savoir échanger et partager "sans partir dans la violence"... et avec le sourire !