Syndicat des eaux de Mayotte : deux entrepreneurs condamnés à Paris pour recel de favoritisme

Le syndicat en charge de l'eau et de l'assainissement est dans une situation difficile. La Chambre régionale des comptes pointe de nombreux dysfonctionnements.
Deux personnes ont été condamnées mardi à une amende et à de la prison avec sursis pour recel de favoritisme pour avoir bénéficié de contrats, entre 2017 et 2021, avec le syndicat des eaux de Mayotte sans respecter les règles des marchés publics.

Deux chefs d'entreprise ont été condamnés mardi à Paris à une amende et à de la prison avec sursis pour recel de favoritisme pour avoir bénéficié de contrats, entre 2017 et 2021, avec le syndicat des eaux de Mayotte sans respecter les règles des marchés publics.

Lors d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) à Paris, ces deux entrepreneurs, en visioconférence depuis Mamoudzou, ont reconnu avoir réalisé des prestations pour le Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte (SIEAM), qui a saucissonné les contrats afin de ne pas dépasser le seuil de mise en concurrence de 90.000 euros.

Ces CRPC "s'inscrivent dans un dossier plus vaste qui a mis en lumière la gestion particulièrement frauduleuse du SIEAM" et "la mise en coupe réglée par l'ancienne équipe dirigeante" de 2014 à 2020, a souligné le procureur du Parquet national financier (PNF), rappelant "l'enjeu d'ordre public" de cette affaire face à la "grave pénurie de la ressource en eau, toujours d'actualité". Dans ce département de l'océan Indien, l'accès à l'eau potable est perturbé et il y sévit actuellement une importante épidémie de choléra.

Deux premières condamnations

Selon l'accusation, cette absence de mise en concurrence a entrainé un surcoût pour la collectivité, abaissé la qualité des travaux et amputé la capacité d'investissement du syndicat, pour les réseaux de distribution d'eau notamment.

Le premier prévenu à passer, âgé de 53 ans, a vendu et loué en 2017 au syndicat des écrans publicitaires. Le président de la 32e chambre du tribunal correctionnel a homologué la peine négociée avec le PNF, qui comprend notamment six mois de prison avec sursis, 4.000 euros d'amende et deux ans avec sursis d'exclusion des marchés publics.

Le second, gérant d'une entreprise de BTP, âgé 47 ans, a réalisé divers travaux autour de réservoirs ou de forages, pour un total de 322.000 euros. Il a notamment été condamné à huit mois de prison avec sursis, 5.000 euros d'amende et trois ans d'exclusion avec sursis des marchés publics.

Selon son avocat, Me Sébastien Rideau-Valentini, il a été "confronté à la technicité du droit des marchés publics", mais il n'y a pas eu d'"enrichissement personnel" ni "d'abus de biens sociaux". Leurs deux sociétés ont été principalement condamnées à payer respectivement 31.000 et 32.000 euros d'amende.

Un procès en 2025

L'enquête du PNF avait débuté après des signalements de la chambre régionale des comptes en 2018 et 2019. Avec les gendarmes de la section de recherches de Paris, et de celle de Mamoudzou, des perquisitions et des gardes à vue ont eu lieu fin 2021 sur l'île. Les investigations ont mis au jour des "défaillances dans les règles de la commande publique" et dans le "respect des règles de probité de manière générale", selon le ministère public.

Un procès correctionnel doit avoir lieu en 2025, peut-être à Mayotte, pour 27 autres prévenus, personnes morales et physiques, dont des membres de l'ancienne équipe dirigeante du syndicat des eaux. Certains prévenus seront jugés pour favoritisme, mais aussi détournements de fonds publics, corruption ou pantouflage.

"Je ne sous-estime pas le caractère dramatique de cette situation, parce qu'elle touche les besoins fondamentaux de la population française sur place", a insisté le président du tribunal, Pierre Jeanjean. Le syndicat des eaux, partie civile, a demandé et obtenu un euro symbolique pour le préjudice moral.