Taubira candidate à la présidentielle ? C’est oui pour les électeurs de gauche, non pour les candidats

Christiane Taubira à Bruxelles, en avril 2018.
Mardi soir France 2 dévoilait un sondage sur les intentions de vote pour les candidats de gauche en vue de l’élection présidentielle. Le nom de Christiane Taubira arrive en deuxième position chez les sympathisants de gauche alors qu’elle n’est pas candidate.

Le sondage Ipsos/Sopra Steria réalisé les 10 et 11 décembre derniers relance la question d’une candidature de Christiane Taubira à l’élection présidentielle. Les répondants devaient choisir entre différents candidats de gauche, déclarés ou non. Le sondage place Jean-Luc Mélenchon en tête : 21% des Français seraient prêts à voter pour lui, ils seraient 47% chez les sympathisants de gauche. En deuxième place arrive l’ancienne Garde des Sceaux, qui n’est pas officiellement candidate. 

Source : Sondage IPSOS/SOPRA STERIA réalisé les 10 et 11 décembre, sur un échantillon de 1000 personnes.

Un de ses anciens conseillers confie : “C’est une femme politique qui a des valeurs de gauche bien ancrées. Aujourd’hui, vu la position des extrêmes, elle a ses chances de proposer quelque chose qui peut rassembler, de différent et un gouvernement moins violent socialement, physiquement et sanitairement.

Cette position n’est pas partagée par un certain nombre d’élus interrogés. “Nous ne nous intéressons pas à cette potentielle candidature. Jean-Luc Mélenchon est le seul candidat à pouvoir faire gagner la gauche. C’est une histoire de convictions et nous sommes déjà unis derrière lui”, commente Yann Jezequel, conseiller municipal France Insoumise à Niort.

Chez les communistes même son de cloche : "Fabien Roussel ira jusqu'au bout, nous avons un programme et des convictions. Malgré tout le respect que j'ai pour Christiane Taubira, et qu'elle ait porté magistralement le mariage pour tous, sur les questions qui taraudent les Français comme le pouvoir d'achat, on ne l'a pas entendue. Sa candidature présente des limites", évoque Ian Brossat, porte-parole du parti.

Au sein d’Europe écologie les verts, cette possible candidature ne fédère pas non plus. Stéphane Baudry, maire d’une commune des Deux-Sèvres, explique que “le rassemblement, ce n’est pas une question de personne. La seule candidature qui puisse ancrer l’écologie dans le vingt-et-unième siècle est celle de Yannick Jadot.

Une icône de la gauche

Les élus saluent cette personnalité, figure de la gauche, et ses combats, notamment celui du mariage pour tous. Ils restent cependant sceptiques dans sa capacité à rassembler autour d’un projet.

Thomas Kekenbosch, élu Génération.s dans le Val-de-Marne, rejoint l’édile deux-sévriens. “Le travail de rassemblement à déjà été fait par les écologistes, une main a déjà été tendue il y a un an à tous les partis. Nous avons co-organisé la primaire avec eux et nous respectons le vote en faveur de la candidature de Yannick Jadot. On ne fait pas l’unité au JT de 20 heures. On appelle les gens. Malgré tout le respect que j’ai pour Christiane Taubira, quel est son projet ? Si elle en a un, il sera utile au débat à gauche. Hormis son caractère iconique, je ne l’ai pas entendue parler d’écologie depuis dix ans. Ce n’est pas un point central de son programme pour l’avenir du pays. Aller chercher une femme providentielle pour rassembler à trois mois de la présidentielle, c’est en réalité pour sauver la candidate socialiste et cela ne résout pas les problèmes de fond.

"Face à cette extrême droite décomplexée et dont les idées prospèrent, il faut donner à la sociale écologie les moyens de gagner, peu importe la méthode : primaire, union, etc... Nous devons faire campagne et parler du fond. Les Français méritent mieux. Quant à la potentielle candidature de Christiane Taubira, il faut se demander quel est son but. Une nouvelle candidate parmi d'autre ? Quel projet ?", soulève Aurore Lalucq, députée européenne de Place publique.

Pourtant, “C’est Anne Hidalgo notre candidate, affirme Baptiste Ménard, adjoint au maire à Mons-en-Baroeul (Nord) et membre du Bureau National du Parti socialiste, il faut se poser la question du projet et non des personnes. La politique, c'est un débat d’idée. Certes, Christiane Taubira est une icône mais on ne prend pas le problème dans le bon sens. D’abord quel est le projet politique que l’on propose contre le camaïeu de droite d’Eric Zemmour à Emmanuel Macron proposé aujourd’hui. La gauche doit arrêter de se parler et doit parler aux Français. Pour des gens qui ont des difficultés au quotidien la question de l’incarnation ne suffit pas. Est-ce que l’on veut leur offrir un nouveau quinquennat de droite ? C’est cela qui doit nous mobiliser.

Parfois à gauche on se bat pour savoir qui aura la meilleure place dans le cimetière. On oublie le plus important : savoir qui sera le mieux placé pour la faire gagner

Baptiste Menard, membre du bureau national du PS 

La question du projet est également évoquée par les proches de l’équipe d’Arnaud Montebourg, candidat à la présidentielle. “Pour Arnaud, une des seules candidatures pouvant rassembler la gauche est celle de Christiane Taubira. Elle pourrait porter cette candidature d’union autour d’un projet commun et éviter la catastrophe. Il a été capable de discuter, c’est aux autres candidats d’être responsables à leur tour”, évoque un proche de l’ancien ministre du Redressement productif.

La personnalité de Christiane Taubira a souvent été jugée clivante, mais selon un ancien conseiller de l’ex-ministre de la Justice, ce serait un atout : “Elle est debout derrière ses positions. Elle a des principes auxquels elle ne transige pas. Elle est ouverte au débat, sait écouter, ce qui est important, lorsque de nombreux candidats ne savent pas le faire.” A cela s’ajoute la symbolique d’une première femme noire présidente en France. “Ce serait démontrer que les Français ne sont pas plus extrêmes qu’un autre pays. Ils veulent un programme, des propositions et s’attachent ni aux couleurs ni au sexe du candidat”, poursuit-il.

Elle fait également partie des dix candidats plébiscités par les 130 000 votants de la primaire populaire, mouvement citoyen né en mars 2021, proposant un programme autour de dix propositions baptisé “socle commun”. L’objectif : rassembler la gauche en 2022.

Chez les sympathisants de gauche cette candidature divise également. “C’est la seule à avoir de l’expérience de l’exercice du pouvoir dans un ministère régalien. Ce n’est pas négligeable. Par sa longue carrière et les combats qu’elle a pu mener, je la trouve au-dessus des autres candidats”, évoque Adrien, 19 ans. “Je ne vois pas comment faire campagne autour de Christiane Taubira”, avoue d’une voix pessimiste au bout du fil, un ancien militant PS. “Si c’est la seule à pouvoir rassembler dans ce climat délétère, alors pourquoi pas”, s’interroge Marine, 24 ans, sympathisante.

Je l'aime beaucoup, mais elle est trop clivante. J'en rêve qu'elle soit la candidate qui rassemble de Jean-Luc Mélenchon à Anne Hidalgo. Pourtant, même à gauche je ne pense pas qu'une femme noire rassemble

Mélina, 25 ans, sympathisante de gauche.

Christiane Taubira a annoncé en début de semaine écrire “une lettre aux Français pour Noël”, laissant planer le doute sur une éventuelle candidature. En attendant sa lettre, certains élus confient : “Il paraît qu’elle passe beaucoup de coups de fils en ce moment…” Prend-elle la température avant de se lancer ? À quatre mois du premier tour de l’élection présidentielle, Christiane Taubira laisse encore planer le doute.