TÉMOIGNAGE. Je n'imaginais pas que la culture de la perle de Polynésie polluait autant

Perles
Et si c’était trop beau pour être vrai ? La perle, joyau du Pacifique, est responsable d’une pollution plastique importante. Jason, la vigie “En 1ère ligne” de la Polynésie française, raconte l’envers de la perliculture et les dégâts qu’elle cause à l’environnement. Voici son témoignage.

La perle c’est le bijou du Pacifique, une petite bille de calcaire nacrée qui fait rêver le monde entier, c’est l’emblème et le pilier économique de la Polynésie française. Mon territoire fait partie des principaux producteurs mondiaux de perles, il y a des centaines de fermes perlières réparties sur plusieurs dizaines d'îles. La perle a une forte présence dans les préoccupations économiques du pays et dans la culture.

Plus jeune, je voyais la perle comme une fierté nationale, un véritable cadeau de la nature. C’était pour moi un objet avec une certaine noblesse, je me rappelle avoir offert des perles à des gens importants pour moi. Cependant, derrière tout cela, derrière ce beau bijou existent une réalité plus sombre et des conséquences importantes qui mettent en danger la planète. La perliculture, comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous, génère des tonnes de déchets. Des cordages et des filets sont abandonnés dans l’eau, où la perliculture a cessé, et polluent les écosystèmes.

Les déchets engendrés par la perliculture

Je me suis rendu compte de cette pollution il y a trois ans, environ. J’entamais des missions de sensibilisation dans les îles aux Tuamotu, où il y a beaucoup de fermes perlières et où nous réalisions des ramassages de déchets sur les plages. Je me revois très bien attraper des poignées entières de fil de nylon. Il fallait aussi creuser de longues minutes pour extraire des gros débris noirs - des collecteurs qui servent à collecter les larves d'huître - à moitié enfouis dans le sable. C’est un moment qui m’a énormément marqué. 

Les déchets plastiques ramassés sur une plage

Pour l’élevage des huîtres perlières, énormément de plastique est utilisé (paniers et collecteurs en propylène, bouées, fils de nylon, sacs de sable…). Par conséquent, les fermes produisent énormément de déchets et beaucoup sont laissés en mer et finissent dans les lagons, avant de s’échouer sur les plages.

Une étude de l’Ifremer, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, publiée en août 2021, démontre que les lagons où des huîtres perlières sont élevées, qui sont pourtant peu peuplés et soumis à une faible pression touristique, sont contaminés, de façon significative, aux microplastiques. Parmi les plastiques identifiés, celui qui compose notamment les collecteurs de naissains et les cordes qui fixent les stations d’élevage.

Ce problème n’est malheureusement pas récent, la pollution plastique dûe à la perliculture perdure depuis une soixantaine d’années, date à laquelle l’activité est apparue en Polynésie française. Tout ceci m’affecte, m'attriste et j’aimerais que la population, ainsi que les consommateurs, connaissent l’impact de la production des perles et mesurent à quel point elle pollue nos lagons. 

Un mythe polluant et cruel

Et ce que les consommateurs ignorent également, c’est que la perliculture n’est pas naturelle. Pour produire ces perles, il faut introduire un objet irritant dans leur corps, ce qui implique une ouverture forcée de leur coquille et une incision chirurgicale. L’irritant peut être un grain de sable, une bille de plastique ou un morceau d’une autre huître. Ce processus délicat appelé « greffage » tue ou blesse gravement de nombreuses huîtres si des complications surviennent ou si une erreur est commise en cours de route. Une fois que la perle atteint la taille désirée, l’huître est ouverte à nouveau et la perle est extraite par une autre procédure chirurgicale d’incision des tissus mous. Certaines des huîtres sont greffées à nouveau, tandis que d’autres sont jetées ou tuées. La perle telle que présentée aux touristes est, selon moi, un mythe polluant et cruel envers les huîtres. 

Mais après le Conseil de la perliculture, qui s’est tenu en juin dernier, une partie des acteurs de la filière s’est dite prête à “s’engager dans une démarche éco-responsable”. En complément d’actions de nettoyage, via la mise en place d’une filière de collecte des déchets perlicoles, des mesures réglementaires vont être prises pour contraindre les perliculteurs à s’engager dans des actions de recyclage. Ce sont des avancées qui sont absolument nécessaires et qui vont dans le bon sens : il est très important que la filière prenne conscience de son impact sur l'environnement - et le réduise.  

Jason, vigie “En 1ère ligne” de Polynésie française