C’est sur la plage de N’Gouja que j’ai vu une tortue pour la première fois de ma vie. J’étais très jeune et au collège, en 3e. Je me souviens avoir été très impressionnée. Elle semblait énorme. Cette plage au sud de Mayotte est un peu comme une réserve naturelle pour les tortues, tant elles s’y sentent en sécurité et viennent y manger tranquillement. On pourrait dire que c’est “leur” plage. Depuis, je n’ai cessé d’y retourner et d’en apercevoir. À chaque fois que je m’y rends, je nage à leurs côtés. Elles ne sont vraiment pas farouches !
C’est d’ailleurs peut-être ce qui les met en danger. Les tortues sont extrêmement vulnérables et victimes de braconnage. Il n’est malheureusement pas rare de croiser des carcasses sur les plages, comme le montre la photo ci-dessous.
Elles ne sont pas braconnées pour être vendues, mais pour que certains consomment leur chair et leurs œufs. C’est une pratique qui fait partie de la culture mahoraise.
Il n’y a pour autant pas de mythes ou de légendes derrière cette viande. Elle représente simplement - pour une partie de la population de Mayotte - une viande comme une autre. Un collègue, qui en a déjà mangé, me confiait qu’effectivement “c’est juste bon, c’est tout”.
Jusqu’à deux ans de prison pour les braconniers
Quoiqu’il en soit, voir ces carcasses de tortues sur les plages me touche énormément. C’est très triste. Et plus largement, je ne supporte pas qu’on puisse leur faire du mal, les stresser ou les gêner. Je me rappelle d’une sortie avec mes amis, à la fameuse plage de N’Gouja, où ils voulaient absolument se prendre en photo avec une tortue et la toucher. Moi, je bouillais à l’intérieur. Je ne voulais qu’une seule chose : qu’ils la laissent tranquille. Elle venait peut-être de pondre, elle était peut-être fatiguée… C’était horrible. Cette journée avec mes amis m’a vraiment marquée.
Il faut savoir qu’une tortue vient toujours pondre sur son lieu de naissance. Si ce lieu est rendu inhospitalier au fur et à mesure de ses aller-retours, elles finissent par ne plus y revenir. Il y a donc un vrai danger que les tortues ne pondent plus à Mayotte.
Ce qui est frustrant, également, c’est que j’ai l’impression que la société mahoraise ne comprend pas les interdictions concernant la consommation de la viande de tortue. Cette culture est tellement ancrée dans les mœurs qu’une grande partie des gens, y compris mes proches, en mangent et ne voient pas le problème. Grâce aux actions des associations, les braconniers se font prendre et reçoivent des amendes ou sont condamnés, mais ça ne fait pas l’unanimité à Mayotte. La peine maximale encourue est de deux ans de prison et de 150 000 euros d'amende.
Qui vient en aide aux tortues ?
Une association, Oulanga Na Nyamba, fait un très gros travail dans la protection des tortues. Elle réalise de nombreuses actions de sensibilisation dans les écoles, les mairies, sur les plages… C’est grâce à cela que les comportements et les mentalités peuvent évoluer. Mais l’association ne s'arrête pas là, elle mène également des opérations de dissuasion contre les braconniers et effectue des rondes sur les plages - en y dormant - afin de s’assurer que tout se passe bien et que les tortues ne sont pas attaquées.
De son côté, une autre association, celle des Naturalistes de Mayotte, œuvre à la protection de la plage de Sazilé. Ce site de ponte très réputé est assez difficile d’accès (on ne peut s’y rendre qu’en bateau) et cela le rend propice au braconnage. Mais des membres de l’association y sont présents quasiment tout le temps afin de dissuader les éventuels braconniers. Et puis, il y a ce monsieur aussi, très engagé et souvent sur ce lieu, qui est assez intransigeant. Il intervient dès qu’il relève un comportement inapproprié et redouble de vigilance avec les touristes. Quitte à se montrer menaçant. Mais je pense que c’est un mal pour un bien. C’est grâce à tous ces engagements que la population de tortues pourra se stabiliser à Mayotte.
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