Derrière ses lunettes de soleil et sa tenue décontractée, Kévin Reza n'est pourtant pas en vacances sur le Tour de France, connu aussi sous l'expression "la Grande Boucle" : depuis 9h30 ce mardi, il est au village départ pour s'occuper des invités de la marque Rexel, un fournisseur de matériel électrique et nouveau partenaire de l'événement sportif.
Sur chaque étape, son rôle est de les piloter en avant-course, entre la caravane et le peloton, avec une pause-déjeuner sur le parcours. Il les dépose ensuite dans les espaces VIP près de la ligne d'arrivée.
"On n'est pas spectateur de la course, on est vraiment spectateur de l'ambiance du Tour de France. On leur fait vivre cette joie de vivre, cette grande fête", explique le Guadeloupéen. Il n'est cependant pas frustré de ne pas être au milieu des coureurs : "Je n'ai pas de regret de ne plus être sur le vélo donc je n'ai pas cette rancœur de me dire 'j'ai envie d'être à leur place, de ressentir la douleur qu'ils ressentent'."
Fan de padel
Il faut dire que le cyclisme a représenté en tout 31 ans de son existence, dont 11 chez les pros. Dans son palmarès, des victoires d'étape au Tour de Martinique 2009, une place de 3e du championnat de France sur route en 2014, et un titre de champion de France du scratch en cyclisme sur piste en 2015.
Kévin Reza a aussi participé aux trois grands Tours de France, d'Espagne et d'Italie, dont trois fois à la Grande Boucle en 2013, 2014 et 2020.
Cependant, les contraintes étaient telles qu'elles ont fini par lui peser au point qu'il a pris sa retraite à 33 ans. Aujourd'hui, l'ancien coureur professionnel sort le vélo pour des sorties entre amis, mais avoue préférer désormais la raquette du padel, un sport qu'il n'hésite pas à pratiquer même pendant les jours de repos du Tour.
"Le Tour de France m'a tout apporté"
Il n'est cependant pas fâché avec le cyclisme, loin de là. "Le vélo, le Tour de France m'a tout apporté. C'est une course qui m'a toujours réussi, même si je n'ai pas eu de victoire d'étape. Mais j'ai vraiment ressenti du plaisir à y participer", reconnaît-il en évoquant "ce que le Tour peut apporter comme euphorie à chaque coureur".
Surtout, participer à cet événement comme chauffeur pour des invités VIP lui "permet de côtoyer les anciennes gloires du Tour de France", des ex-collègues et amis. "Ça fait toujours plaisir de les voir parce qu'on est vraiment dispatchés dans toute la France, et le Tour de France nous permet de nous réunir durant un mois et de recenser les anciens souvenirs qu'on a pu partager ensemble sur le vélo", se réjouit-il.
Ces souvenirs, ce sont "les douleurs, les petites conneries qu'on a pu faire ensemble, les joies qu'on a pu partager sur le vélo, les moments aussi de peine, ça nous fait grandir aussi, confie-t-il. C'est vraiment une petite famille et le vélo nous apporte vraiment beaucoup."
"On me reconnaît difficilement"
Parmi ceux avec qui il aime partager ces moments, il y a "des copains comme Pierre". Pierre, c'est Pierre Rolland, maillot blanc du meilleur jeune sur le Tour de France 2011, 13 participations à la Grande Boucle. "On a fait sept ans équipe ensemble", rappelle Kévin, entre les équipes Europcar et B&B Hotels.
Le binôme est reconstitué sur ce Tour de France 2023, car ils sont tous deux pilotes pour la même marque. " Forcément, ça nous fait plaisir de nous retrouver. C'est naturel, souffle Pierre Rolland. Cela nous permet de passer un super moment et de passer cette étape - parce que c'est une étape, de passer de coureur à de l'autre côté de la barrière - vraiment dans la simplicité." Et d'ajouter : "Franchement, on passe de bons moments et on ne voit pas les jours passer. Donc quand on ne voit pas les jours passer, c'est que tout va bien."
Le temps file d'ailleurs, et les deux acolytes doivent faire visiter le site du départ aux invités. En quittant le village, deux personnes viennent saluer Kévin, qui assure pourtant ne pas être une star, loin de là. "On me reconnaît difficilement, on devine un peu, on vient vers moi pour me demander si je suis bien Kévin Reza. C'était plus facile avec le casque et les lunettes de reconnaître les coureurs, mais en civil c'est un petit peu plus compliqué", s'amuse-t-il.
"On se complète très bien"
Une fois le petit groupe arrivé aux paddocks, c'est-à-dire le lieu où stationnent les bus des équipes cyclistes avant le départ, Pierre le guide vers le car d'UAE, la formation de Tadej Pogačar. Il décrit les deux-roues de secours déjà installés sur le toit des voitures : "Ça, c'est vraiment des vélos qui sont faits pour aller très vite avec des dérailleurs bluetooth avec des petites batteries."
Un peu en retrait, Kévin répond à d'autres questions comme le prix d'un vélo. "Entre 15.000 et 20.000 [euros]", estime le Guadeloupéen. "C'est plus cher qu'une voiture !", réagit un invité. Un autre s'interroge sur le budget d'un Tour de France moyen des grosses équipes. "Celle-ci [UAE] n'a pas communiqué, mais on peut partir sur 50 millions", calcule Kévin. "Non !" s'étonne son interlocuteur estomaqué.
Pierre laisse le groupe quelques minutes visiter le site avant de repartir direction la ligne de départ, Kévin à ses côtés. " C'est vrai qu'on se complète très bien, analyse-t-il. La partie mécanique, technique, c'est la mienne. Lui va gérer d'autres points et c'est vrai qu'on a vraiment un bon duo qui fonctionne très bien."
Répondre aux questions fait en effet partie de leur travail, avant et pendant l'étape, car les partenaires "invitent vraiment des passionnés de vélo", assure Kévin.
"Ils sont vraiment contents et curieux de savoir comment ça se passe sur le Tour de France, donc durant une épreuve de 200 bornes qui dure 4-5 heures, on est bombardé de questions et on est là pour ça, ça nous fait vraiment plaisir", abonde le Guadeloupéen.
Une micro-crèche début 2024
Après des milliers de questions et plus de 3.400 km sur les routes de France, Kévin Reza retournera chez lui en Vendée où l'attend un nouveau défi : gérer une micro-crèche.
"J'ai eu un nourrisson récemment, mes neveux et nièces ont galéré pour trouver un moyen de garde et c'est une idée qui m'est venue fin 2021, explique-t-il. Le projet va ouvrir début d'année prochaine et ça me permettra aussi de me dégager un peu de temps pour venir aussi de temps en temps sur le Tour." L'histoire entre la Grande Boucle et Kévin Reza n'est donc pas prête de s'arrêter.