TPS : les Haïtiens de Floride inquiets pour leur avenir

Le compte à rebours a commencé pour les 58.000 Haïtiens vivants aux Etats-Unis qui jusqu'à présent bénéficiaient d'un statut de protection temporaire. Les Haïtiens ont 18 mois pour quitter le pays. En Floride, où vit la plus importante communauté haïtienne, l'inquiétude grandit. Reportage.
Ils sont 30.000 Haïtiens en Floride à être touchés par la suppression du statut de protection temporaire (TPS). Ce dispositif mis en place par Barack Obama et abrogé en novembre 2017 par l’Administration Trump, a bénéficié aux victimes du séisme de  2010 mais aussi aux Haïtiens déjà présents sur le territoire. Tous ont  jusqu'au 22 septembre 2019 pour quitter le pays. Passé ce délai, tout Haïtien sans papier sera susceptible d'emprisonnement et d'expulsion.

Stupéfaction et colère

Une vision cauchemardesque à laquelle Rony Ponthieux refuse de croire. Ce père de famille, originaire de Port-au-Prince, a fui Haïti en 1999 pour des raisons politiques. Il vit aux Etats-Unis depuis 19 ans. Aujourd’hui, il est infirmier à l'hôpital Jackson Memorial de Miami. Il est propriétaire de sa maison et  ses deux enfants sont américains.

On me dit que je vais rentrer à Haïti mais mes enfants sont américains ; ils ont besoin de moi ; Et à Haïti, on ne m’attend pas, je n’ai pas de travail. Le pays est toujours en crise !  
 
- Rony Ponthieux


Loin de vouloir baisser les bras, la famille Ponthieux a adressé un message vidéo au Président Trump en novembre dernier par la voie de leur Fille de 10 ans. D'un ton assuré, Christina demande au Président américain de revenir sur sa décision.

Plusieurs mois après l’enregistrement de cette vidéo, la jeune fille,  inquiète, éprouve un sentiment d’injustice :

Trump est un fils d'immigrants et sa femme aussi je pense,  alors il devrait savoir de quoi on parle et ça devrait l'inciter à changer d'avis. C'est la bonne chose à faire. Il a dit qu'il voulait rendre de nouveau sa grandeur à l'Amérique, ce n'est pas la bonne méthode. Faire grandir l'Amérique c'est permettre à mon peuple de rester.

-Christina Ponthieux, 10 ans


Sur les 58.000 bénéficiaires du TPS originaires d’Haïti, 25.000 sont des enfants qui, comme Christina, sont nés aux Etats-Unis.


"Ce que j'ai construit ici"

Farah Larrieux  elle aussi, est concernée par le TPS. Cette ex-présentatrice du journal de la diaspora Haiti Journal à Miami est arrivée aux Etats-Unis en 2005, elle n'a jamais pu obtenir son statut de résidente. La mise en place du TPS lui a évité l'expulsion. Elle se voit mal tout recommencer :

 Je ne veux pas laisser tomber ce que j’ai construit, ce que j’ai bâti ici 

- Farah Larrieux

 

Une migration réussie

Aujourd’hui, la diaspora haïtienne incarne une migration réussie qui contribue au développement des Etats-Unis : on évalue la perte à 23.2 milliards de dollars dans le PIB US sur 10 ans. L’économie haïtienne pourrait en souffrir aussi : les transferts d'argent de la communauté haïtienne contribuent à hauteur de 25% au PIB de l'île.

Conscients de ce qu'ils représentent économiquement, les Haïtiens refusent de se laisser faire. Marleine Bastien qui dirige l’organisation des Femmes haïtiennes de Miami appelle régulièrement les Haïtiens à ne pas céder à la panique. Pour elle, non seulement Trump n’a pas respecté ses promesses de campagnes, mais cela fait partie de sa politique globale contre les migrants et les réfugiés d’où qu’ils viennent.

Quand il a fait campagne, il a dit aux Haïtiens, "je serai votre meilleur champion". C'est de cette façon qu'il veut être notre meilleur champion ? En mettant fin au TPS, en insultant Haïti ? Une nation qui a contribué et qui contribue encore à ce qu'est l'Amérique d'aujourd'hui. 

-  Marleine Bastien



L’organisation des femmes haïtiennes de Miami envisage de porter plainte contre l'administration Trump. Elle demande au Congrès de voter une loi pour naturaliser tous les bénéficiaires du programme TPS.

Reportage vidéo

©la1ere