"La Tragédie du roi Christophe", la fresque haïtienne d'Aimé Césaire au théâtre à Villeurbanne

Le comédien Marc Zinga (au centre) dans le rôle du roi Christophe au TNP de Villeurbanne.
Le théâtre d'Aimé Césaire retrouve actuellement la scène avec "La Tragédie du roi Christophe" à l'affiche à Villeurbanne, puis à Sceaux. Une fresque aussi dramatique que comique qui pose la question de la réinvention du modèle politique. 
La pièce, d’une durée de trois heures, s'ouvre sur un combat de coqs en Haïti, allégorie de la lutte politique. Sur scène, quatre musiciens et plus de vingt comédiens, beaucoup venant du collectif burkinabé Béneeré. Il est rare de voir autant de monde sur scène au théâtre, et des ambiances de rues aussi bien restituées, la clameur populaire, les vendeuses à la sauvette...
           
Christian Schiaretti, directeur du Théâtre national Populaire (TNP) de Villeurbanne, a pris du plaisir à mettre tout ce monde en branle, bien aidé par les costumes du jeune Mathieu Trappler. "En 2013, c'était l'anniversaire de la naissance d'Aimé Césaire", l'écrivain et homme politique martiniquais. "J'ai choisi alors de monter 'Une saison au Congo' en réponse au discours de Dakar pour donner une leçon d'histoire aux Blancs", explique à l'AFP Christian Schiaretti. Il fait référence ici à la fameuse phrase de l'ex-président Nicolas Sarkozy, prononcée en 2007 à Dakar, un an avant la mort de Césaire : "Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire".
 

Histoire vraie 

Après cette première confrontation avec l'oeuvre de l’écrivain antillais, Christian Schiaretti s'attaque ici à l'histoire "du Noir caribéen", avec cette pièce publiée en 1963. Elle relate l'histoire vraie d'Henri Christophe, roi autoproclamé en 1811 dans le nord d'Haïti, quelques années seulement après la révolution et la proclamation de la première République noire du monde, devenue aujourd'hui l’un des pays les plus pauvres de la planète.

REGARDEZ la présentation du cycle Aimé Césaire au TNP de Villeurbanne 

 
"C'est un oignon, cette pièce. Il y a le rapport aux ambiguïtés de la révolution car l'acte révolutionnaire est facile. La tragédie commence dans l'acte II", analyse le metteur en scène, y voyant un parallèle prémonitoire avec les révolutions dans le monde arabe en 2011. Au final, les anciens colonisés tenteront ridiculement d'imiter la cour de Versailles.
                       
Le roi, incarné par le comédien Marc Zinga qui s'est illustré notamment au cinéma dans "Bienvenue à Marly-Gomont" de Julien Rambaldi, est admirablement entouré d'une dizaine de comédiens du collectif Béneeré, qui oeuvre pour la professionnalisation des artistes africains.
           

Terrain politique 

"Le collectif Béneeré m'a ramené à une façon essentielle de faire du théâtre, sans rien", explique Christian Schiaretti. Après avoir dénoncé l'argent roi et les magouilles dans "Bettencourt Boulevard" la saison dernière, Christian Schiaretti poursuit sur le terrain politique à quelques mois de la présidentielle. La pièce se joue du 19 janvier au 12 février au TNP de Villeurbanne, puis sera présentée fin février et début mars au Théâtre Les Gémeaux, à Sceaux, près de Paris. Ensuite, Christian Schiaretti offrira la mise en scène au collectif burkinabé pour que la pièce parte en tournée de façon autonome sur le continent africain.
 
"La Tragédie du roi Christophe" clos le cycle Aimé Césaire qui avait commencé au TNP de Villeurbanne le 2 décembre 2016 avec les représentations successives d’ « Une Saison au Congo » et du « Cahier d’un retour au pays natal ».