Tyler Vilus, un "émir" du groupe Etat Islamique, jugé aux assises à Paris

Le jihadiste d'origine antillaise Tyler Vilus comparaît devant la Cour d'assises spéciale de Paris, qui siège au Palais de justice de l'Ile de la Cité
Le jihadiste français d’origine guadeloupéenne Tyler Vilus est jugé à partir de ce jeudi aux assises de Paris pour des crimes commis en Syrie entre 2013 et 2015. Celui qui est monté en grade au sein du groupe Etat islamique jusqu'à devenir "émir", encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
L'ombre du 13 Novembre planera sur le procès de Tyler Vilus : le Français d’origine guadeloupéenne a reconnu avoir été en contact avec Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des tueries du Bataclan et des terrasses parisiennes du 13 Novembre 2015. Le jihadiste a néanmoins nié tout projet d'attaque en Europe, et n'a pas été mis en examen dans ce dossier.

C'est donc pour son appartenance à une entreprise terroriste, pour avoir dirigé un groupe de combattants et pour "meurtre aggravé" que ce Français de 30 ans est renvoyé devant la cour d'assises spécialement composée ( c'est-à-dire uniquement de magistrats). Tyler Vilus, alias Abu Hafs, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
 

Contexte familial

Né d'un père Guadeloupéen évangéliste, et ayant grandi à Troyes ( dans l’Aube ), Tyler Vilus est arrêté quatre mois avant les attentats du 13 novembre, le 2 juillet 2015, à l'aéroport d'Istanbul muni d'un passeport suédois. Expulsé vers la France le 21 juillet, son arrestation est une énorme prise pour la justice et les services antiterroristes français. Tyler Vilus est alors mis en examen pour "direction d'une organisation terroriste". Ce pionnier du jihad était incarcéré à Fleury-Merogis depuis 2015. Il fait partie des premières vagues de départ vers la zone irako-syrienne. Converti à l'islam à 21 ans au contact d'un imam, il est très vite fanatisé.
 
Sa mère, Christine Rivière, surnommée "mamie jihad", a, quant à elle, été jugée à Paris pour association de malfaiteurs terroristes en 2017. La mère et le fils entretenaient une relation fusionnelle : par amour pour son fils, elle s’était convertie à l’Islam, avant de rejoindre la Syrie à trois reprises pour le voir. Elle est condamnée à dix de prison en 2017 (peine confirmée en appel).
 


Proche du cerveau présumé des attentats du 13 novembre

Quand il est arrêté en 2015, l’accusé a fréquenté toute la galaxie jihadiste francophone de Syrie, d'Omar Diaby, recruteur d'une vaste filière notamment dans la région niçoise, au Toulousain Rodrigue Quenum, pris en photo tenant par les cheveux une tête fraîchement coupée, à son "frère" Rached Riahi, membre de la filière dite de Cannes-Torcy, condamné par défaut à 20 ans de réclusion, le maximum alors encouru, en juin 2017.

Après son arrestation, Tyler Vilus, qui a réussi à conserver quelques jours son téléphone, envoie un message à Abaaoud pour lui dire:

"sa change rien.quand je sort jagis"

"je te recontact quand je sort si je sort" (sic)

Aux enquêteurs, il affirmera avoir fait croire à Abaaoud qu'il voulait commettre un attentat alors qu'il cherchait seulement à quitter l'EI pour gagner la Mauritanie.


 La réalité, c'est que je ne projetais rien et, surtout, je ne voulais pas être tenu pour responsable de faits commis par d'autres. Je n'ai jamais été missionné pour frapper l'Europe.
Tyler Vilus au juge d'instruction


Génèse : de la Tunisie à la Syrie

C'est en Tunisie que Tyler Vilus se frotte une première fois au radicalisme salafiste: fin août 2011, il gagne ce pays où les mouvements islamistes refleurissent après les printemps arabes et, selon les enquêteurs, participe en septembre 2012 au saccage de l'ambassade des Etats-Unis.

Déçu par la "tiédeur" des salafistes tunisiens, aux dires de sa mère, Tyler Vilus part en Syrie: après un premier séjour d'octobre à décembre 2012, il s'y installe en mars 2013. Dès l'été 2013, il écrit à sa mère: "En plus d'être flic, je suis devenu émir d'un groupe de Français". D'abord installé dans la région d'Alep (ouest), il s'établira en 2014 à Shaddadi (est), qui fut l'un des bastions de l'EI, près de la frontière irakienne. 
 

Figure de l’Etat islamique

Les enquêteurs décrivent les multiples casquettes de Tyler Vilus: à la fois "recruteur", "combattant" et "membre de la police" de l'EI. Il évoque lui-même des combats violents et "cette odeur de musc que seul un frère tombé peut dégager". Posté à Hraytan, dans la périphérie d'Alep, le Français est soupçonné d'être membre de la brigade "Al-Muhajireen" (des "immigrés"), un escadron responsable de tortures et d'exécutions sommaires, ce qu'il conteste. Sont aussi membres de ce commando Riahi, Abaaoud et deux futurs kamikazes du Bataclan: Samy Amimour et Ismaël Mostefai.

A Shaddadi, où se sont retrouvés de nombreux combattants français et belges, Tyler Vilus occupe un poste dans la police islamique chargée de l'application de la charia, des interpellations et exécutions, selon des témoins.

Le Français d’origine antillaise apparaît dans une vidéo diffusée en 2015 par le bureau médiatique de l'EI: deux prisonniers, l'un appartenant à l'Armée syrienne libre et l'autre aux troupes de Bachar Al-Assad, agenouillés et yeux bandés, sont exécutés d'une balle dans la tête. Visage découvert, Tyler Vilus se tient debout, sur la même ligne que les bourreaux. Tyler Vilus n'est pas soupçonné d'être l'un des bourreaux cagoulés mais il contient la foule, levant le bras lorsque les prisonniers sont assassinés. "Je n'ai eu aucun rôle dans cette exécution. Je sortais de la mosquée (…) J'ai été rameuté comme les civils qui sont présents sur ce carrefour", se défend-il devant le juge qui l'interroge au cours de l'instruction, d'après Franceinfo.

Le procès est prévu à Paris jusqu'au 3 juillet.