Il y a trois semaines, Hans reçoit un appel non masqué sur son téléphone : "Cette personne lui dit de laisser tomber l’affaire, sinon, la prochaine fois qu’il se rend chez le psychologue, il doit faire attention à lui", raconte Aurélie, la sœur de Hans, qui, depuis la Guadeloupe, suit de près le drame de son frère. "[Cet appel] sous-entend qu’ils savent que mon frère est suivi (par un psychologue), et ils savent où il est suivi", s’inquiète la jeune femme, qui regrette beaucoup ne pas pouvoir assister, pour raisons personnelles, au procès des trois agresseurs présumés de Hans à Carcassonne, le 2 juin prochain.
Le jeune homme a porté plainte à la gendarmerie, contre cette menace dont il n’a pas identifié l’auteur.
Les faits
Devant la justice, comparaissent trois hommes, dont le deuxième adjoint au maire, à l'époque, de Verzeille, le village où Hans et l’un de ses amis mahorais ont été passés à tabac en marge d’une fête le 24 juillet dernier. Les deux garçons étaient venus s’amuser avec d’autres amis. Mais, dans la soirée, un groupe d’une quinzaine de personnes les accuse d’avoir piqué deux convives, victimes d'un malaise, avec une seringue (une rumeur, a conclu une enquête réalisée par Mediapart), et attaque les deux jeunes. L’agression de Hans est filmée en vidéo, ce qui permet par la suite aux gendarmes d’identifier les trois personnes qui s’en sont prises physiquement à lui. Les blessures reçues au visage et sur le corps ont valu au Guadeloupéen de 23 ans 6 jours d’ITT.
Attaque raciste ?
Circonstance aggravante, selon Hans et sa famille, la dimension raciste de l’attaque.
Ils étaient [un groupe d’amis de] huit ou dix, dont deux Noirs, et ce sont les deux seuls Noirs qui se font tabasser, les deux seuls Noirs qui sont accusés.
Aurélie Aubry
Pour Aurélie, même si la justice ne poursuit pas les trois agresseurs présumés pour cettre raison, le caractère raciste de l’agression ne fait aucun doute. "J’ai vraiment du mal à me dire que ça existe encore en 2023. Mais pourtant, c’est la réalité", constate la jeune femme, qui par ailleurs assure que sa mère, sa sœur et ses deux frères, installés à Carcassonne depuis une dizaine d’années, y étaient totalement intégrés.
Les séquelles psychiques
De son côté, Hans, qui ne souhaite pas s’exprimer, continue d’être hanté par son agression. Il a récemment retrouvé un travail en tant que chauffeur-livreur, mais sa crainte est que son métier l’oblige un jour à faire une livraison à Verzeille, et qu'il se retrouve en face de l’un de ses agresseurs, témoigne sa sœur. Pour le reste, l’attaque l’a beaucoup isolé. "C’était déjà quelqu’un de pas très sociable, mais aujourd’hui il s’est même coupé de ses amis", explique Aurélie, qui rajoute : "Quand on le voit physiquement, ça colle pas au personnage, parce qu'il est assez grand - presque deux mètres - et très costaud, mais dans la famille, on l’appelle 'le nounours'. Il est très câlin. C’est pour ça que je ne cesserai de dire : pas lui, en fait !”
Procès renvoyé ?
Maître Koné, l’avocat de Hans et de l'association de lutte contre les discriminations "La maison des potes", a demandé à la procureure de la République un renvoi de l’affaire. Il présentera ses motivations à l'ouverture de l'audience, avec trois arguments : les menaces subies par son client, l’absence de prise en compte de la motivation raciste de l’agression, et le fait que, selon lui, le nombre de personnes impliquées dans l'attaque est supérieur aux trois prévenus cités. Si le juge décide de maintenir l'audience, Aurélie redoute un procès où sa famille se retrouverait en minorité, face à un village qui pourrait venir en nombre soutenir ses trois habitants.
Quitter Carcassonne
Toute cette histoire a durablement ébranlé Hans et sa famille, au point qu’ils envisagent aujourd’hui de quitter Carcassonne. "Si ces personnes sont condamnées, ma sœur pense fortement qu’il ne sera pas possible de continuer de vivre là", confie Aurélie depuis la Guadeloupe, où elle attend de ce procès "que les faits soient reconnus : que Hans a été agressé à cause d’une rumeur."