"Je suis très heureuse de retrouver votre stand Monsieur. Vous m’avez vraiment manqué depuis 2019 où je vous découvrais. J’ai traversé tout le Salon de l’agriculture pour voir si vous étiez-là cette année. Je suis tellement contente. Je recherchais votre moringa et ma mère pour réguler sa tension en a besoin. Mais elle ne jure que par celui de Mayotte", explique Karine, une majestueuse agricultrice ivoirienne, vêtue d’une belle robe en tissu wax et bogolan, venue tout droit de la ville de Bouaké.
Chadhuli Soulaimana, le président et co-fondateur de l’Association Senteurs et Saveurs de Mayotte, qui compte 26 producteurs en son sein, accueille sa visiteuse avec un grand sourire timide mais beaucoup de bienveillance. C’est que les affaires reprennent pour les producteurs mahorais. Ce déplacement à Paris est important, pour ne pas dire vital. "Etre ici aujourd’hui est un soulagement pour notre activité. Cela fait 10 ans que l’Association Senteurs et Saveurs de Mayotte participe au Salon de l’agriculture. Le but est de valoriser la production locale et de trouver des contacts pour pouvoir écouler nos produits transformés. Ce Salon répond à nos attentes dans le sens où on parvient à vendre nos produits. On arrive à se retrouver dans nos comptes. On était là en 2019. On voit bien que les gens sont contents de nous voir, de goûter, d’acheter nos produits et c’est pareil pour nous évidemment. Ce qui est bien, c’est qu’au Salon on a le contact direct avec les clients", se réjouit Chadhuli Soulaimana.
Une Vanille de Mayotte royale
Mayotte essaie depuis maintenant deux ans d’organiser et de développer la filière de la vanille et cela marche plutôt bien. L’Association Saveurs et Senteurs de Mayotte qui a présenté six lots de gousses de vanille provenant de 26 producteurs dans la catégorie "Fragrans Plafonifolia" a remporté la médaille d’argent Concours général agricole du SIA. Pour Fundi Madi, producteur de vanille de Tsingoni : "Ce prix est magnifique. Cela veut dire qu’avec l’association on fait de belles choses. Cela veut dire que Mayotte progresse. C’est une fierté. Le travail commencé par nos parents et qu’on poursuit commence à payer. Notre vanille est reconnue comme l’une des meilleures au monde. Il faut qu’on continue et faire en sorte que les jeunes s’intéressent à l’agriculture".
Pour Maxime Bergonso, coordinateur général de la Chambre d’Agriculture, de Pêche et d’Aquaculture de Mayotte, "c’était un gros challenge d’organiser ce Salon avec les producteurs de Mayotte. En même temps c’était le Salon des retrouvailles avec le public et les professionnels de l’agriculture. L’objectif, c’est à la fois de plaider la cause de Mayotte et la cause des agriculteurs auprès des personnalités politiques qui passent au Salon, entre autres Valérie Pécresse et le Premier ministre Castex qui sont passés. On a pu mettre en avant les problématiques du monde agricole à Mayotte. Le deuxième objectif, c’est de faire connaître l’excellence des produits mahorais et cette année la Vanille était le thème à l’honneur du Salon de l’Agriculture. Je crois qu’on ne peut pas faire mieux qu’une médaille au Concours général agricole."
Mayotte, destination attirante
Le pavillon de Mayotte est un véritable kaléidoscope de couleurs mais surtout de senteurs. Que n’y a t-il pas sur les stands ? De la cannelle, du poivre, des clous de girofle ou des achards, de la confiture. Île au Parfums, Mayotte n’a pas usurpé son nom. Le public effectue un mouvement de circonvolution régulier autour du pavillon mahorais. C’est que la destination intrigue et les senteurs et effluves d’épices interpellent. "Je ne connais pas Mayotte. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai été attiré. Toutes ces épices, ces confitures ça donne envie de goûter et même de voyager", explique Madeleine, une petite mamie d’une soixantaine d’année originaire Toulouse.
Myrlande, la trentaine, vit en banlieue parisienne. "Je viens de goûter une confiture au baobab. C’était délicieux mais ma préférence va aux piments. Les piments et achards mahorais sont excellents", poursuit-elle. Créée par Bousry Payet, l’entreprise Les Vergers de Mayotte, dont les produits agricoles produits proviennent de l’exploitation de Songoro-M’Bili à Tsararano, est représentée au Salon de l’Agriculture par Sabrina Payet et sa sœur. "C’est la troisième fois que nous venons ici. On n’était vraiment pas sûr que le Salon se tienne cette année. Heureusement, finalement c’est le cas. On peut donc présenter tous nos produits, nos nouveautés et surtout essayer de trouver des contacts qui pourront vendre nos produits agricoles à des clients présents ici qui n’auront pas à se déplacer à Mayotte", explique Sabrina.
Bibi travaille pour la Délégation de Mayotte. Très discrète et efficace, elle guide professionnels et grand public vers les personnes ressources présentes sur le stand mahorais. C’est sans surprise qu’elle présente l’espace où Hakim Nouridine expose. Cet agriculteur mahorais 2.0 est visible à plusieurs kilomètres tout comme son magnifique stand. Toujours coiffé de son jacaru, son chapeau australien à la Crocodile Dundee, le patron de la société agricole Green Fish déclare qu’"on avait besoin de ça, nous agriculteurs. Sans le Salon de l’Agriculture, on n’a pas de perspective, de projection. Pour ma part en tant qu’agriculteur mahorais, je vise l’excellence. Je souhaite faire de l’agriculture mahoraise un domaine qui s’exporte avec un savoir-faire reconnu afin de nous ouvrir les marchés extérieurs, notamment celui de l’Hexagone et du marché européen. On se doit de donner envie à ces mêmes visiteurs et professionnels de découvrir nos valeurs, de voir ce que Mayotte peu apporter à la France. Compte-tenu du contexte économique très compliqué, c’est à nous agriculteurs mahorais d’exister dans l’Hexagone donc d’adapter nos produits pour prendre des parts de marchés ici. J’ai changé mon modèle de telle sorte que maintenant je suis venu avec l’idée de venir aider l’agriculture traditionnelle de Mayotte mais avec des standards européens."
Mais le charme du monde agricole de Mayotte, c’est justement de parvenir à allier tradition et modernité. Un peu à la manière de Madame Taambati Moussa, représentante de la beauté mahoraise et gardienne de la tradition et de l’artisanat de Mayotte, qui au pavillon électrise le grand public par ses doigts de fée, comme lorsqu’elle fabrique un sublime masque de beauté traditionnel appelé "M’sinzanu" avec du bois de santal. Le pavillon de Mayotte, un hymne au voyage culinaire, en senteurs, en chants et aussi en danses.