Une nouvelle commission lance un appel à l’action contre la drépanocytose

Jenny Hippocrate (à gauche), présidente de l’Association pour l'information et la prévention de la Drépanocytose, lutte contre cette maladie génétique touchant les globules rouges.
La commission internationale Lancet Haematology a publié une étude sur la drépanocytose qui alerte sur son ascension galopante. Le groupe d’experts a émis des recommandations pour lutter contre la maladie génétique, ce que suit de très près la Martiniquaise Jenny Hippocrate, présidente de l’APIPD (l’association pour l’information et la prévention de la drépanocytose).

Une maladie d’ampleur mondiale, des traitements encore inexistants ou émergents, peu de dépistage à la naissance… La drépanocytose est encore méconnue des populations, parfois même du corps médical. Pourtant, cette maladie génétique grave est la plus fréquente dans le monde et figure parmi les 50 causes de mortalités les plus courantes.

Ce mardi 12 juillet, la commission The Lancet Haematology a publié une étude qui alerte sur le nombre de décès liés à la drépanocytose dans le monde. Selon la commission, 376 000 décès liés à la maladie ont été recensés à l’échelle mondiale en 2021.

"Cette commission a été créée car cela fait plusieurs années que l'on se dit qu’il faut attirer l’œil du grand public sur la drépanocytose et accélérer les choses au niveau de la prise en charge des gouvernements des pays pauvres, notamment africains", explique la professeure Brigitte Ranque, membre du Lancet Haematology.

Depuis la Martinique, la présidente de l’APIPD Jenny Hippocrate se bat aussi pour que la drépanocytose soit mieux considérée par les pouvoirs publics : "Cela fait plus de 20 ans que j’essaie de sensibiliser à cette maladie. Cet appel mondial est une bonne chose dans la mesure où plus de 500 000 enfants dans le monde naissent avec cette maladie chaque année et plus de la moitié n’atteignent pas l’âge de cinq ans. C’est une catastrophe et maintenant tout le monde commence à avoir peur. Il ne nous restera plus que nos yeux pour pleurer, car la maladie est galopante par rapport au brassage des populations et au métissage", dénonce-t-elle.

Une meilleure collecte des données

Au début de son rapport, la commission Lancet Haematology rappelle que la plupart des gouvernements n’ont pas de "quantification précise du nombre de drépanocytaires sous leur responsabilité". En France, le dépistage néonatal n’est pas généralisé, malgré la volonté de l’État de le réaliser sur tout le territoire "de façon obligatoire et systématique".

"On parle de rentabilité par rapport à une maladie et je trouve cela aberrant. Je me bats aussi pour que la drépanocytose sorte du ciblage ethnique, ce qui ne devrait pas être fait avant 2024, cela veut dire que les patients qui patientent vont encore devoir patienter !", fustige Jenny Hippocrate.

Le groupe d’experts du Lancet Haematology préconise que tous les pays collectent un minimum de données épidémiologiques sur la drépanocytose, pour permettre de quantifier son impact d'ici à 2025.

Douleurs aiguës et traitements encore émergents

"J'ai entendu mon fils être appelé 'le petit drépanocytaire drogué à la morphine'",  rapporte Jenny Hippocrate. Les personnes atteintes de drépanocytose sont sujettes à des crises de douleurs aiguës, dont la morphine est souvent la seule solution d'urgence. "On les stigmatise beaucoup comme des gens accros à la morphine, comme s'ils étaient toxicomanes, explique Brigitte Ranque. Alors que la plupart, c'est juste qu'ils ont des crises atrocement douloureuses et qu'ils en ont besoin. C'est un des préjugés qu'il faut casser parce qu'il est extrêmement délétère pour les patients et que ça peut entrainer un retard de prise en charge majeur."

Il existe très peu de traitements curatifs contre la drépanocytose. Cependant, la thérapie génique -une greffe de moelle osseuse- semble se démarquer pour certains spécialistes, mais elle n’est pas accessible à tous. Dans les pays en développement, même l’antibiotique qui permet de réduire la mortalité causée par la maladie, la pénicilline, n’est pas disponible.

"En France et dans les pays riches, des traitements sont en cours d’expérimentation et l'on a beaucoup amélioré les conditions de survie des patients. Même si les Antilles sont bien moins loties que l’Hexagone, la maladie est quand même mieux prise en charge que dans les pays d’Afrique sub-saharienne", affirme la professeure Brigitte Ranque.

Plus de formation et d’éducation sur la drépanocytose

Le manque de personnel qualifié forme l’une des barrières principales pour l’amélioration des soins des drépanocytaires. Cette pénurie de spécialistes touche principalement l’Afrique et l’Inde, où très peu de programmes concernent la pathologie. La commission Lancet Haematology demande à ce que la drépanocytose devienne une priorité dans tous les pays au niveau de l’éducation et de la formation. Également, elle estime que plus de financement doivent être alloués pour encourager les recherches sur la drépanocytose.

"La drépanocytose n’est pas étudiée dans les facs de médecines, ni dans les écoles d’infirmières. Notre association essaie d’éduquer là-dessus en allant sur le terrain, c’est une aberration", dénonce Jenny Hippocrate.

Aux Antilles, selon les chiffres communiqués par Jenny Hippocrate, il y aurait entre 2 500 et 4 000 drépanocytaires et 80 000 porteurs sains, soit 10 à 15% de la population.