VIDÉO. "L'élu du peuple, Pouvanaa te metua", prix du public au FIFO 2012 : le premier homme politique polynésien militant pour son peuple, le Fenua et sa culture

Pouvanaa a Oopa est le premier politique de Polynésie à s'opposer à l'administration française. Son combat primordial consiste à rendre "Tahiti aux Tahitiens". Mais le général de Gaulle a d'autres ambitions pour le territoire. Découvrez ce documentaire, primé par le public lors du FIFO 2012, qui retrace le destin hors normes de celui que les Polynésiens surnomment "te metua" (le père en tahitien).

Diffusé pour la première fois au Festival international du film documentaire océanien (FIFO) en 2012, "L’élu du Peuple – Pouvana’a Te Metua" avait soulevé les foules de spectateurs et reçu le Prix du Public. C’était la première fois qu’un documentaire retraçait, à partir d’archives et de témoignages importants, le destin politique de Pouvana’a a Oopa. 

Un homme aux origines modestes

Pouvana'a a Oopa naît à Huahine, aux Îles-Sous-le-Vent, en 1895, l'année de l'annexion de l'île à la France. Il reçoit une instruction sommaire mais a une très bonne connaissance de la Bible liée à son éducation protestante. Engagé volontaire, il intègre le bataillon mixte du Pacifique. Sur le front de la première Guerre mondiale, Pouvanaa est l'un des poilus tahitiens de la Bataille de la Marne. Il exerce plusieurs métiers à son retour au Fenua, notamment ceux spécialisés dans le bois, charpentier et menuisier. Il joue un rôle important lors du ralliement de la Polynésie à la France libre pendant la seconde Guerre mondiale.

Figure emblématique du mouvement anticolonialiste

Premier congrès du RDPT (Rassemblement Démocratique des Populations Tahitiennes), Pouvanaa a Oopa est assis au premier rang, le 3e à partir de la gauche

À la fin des années 40 apparaît dans les établissements français d’Océanie (la Polynésie française aujourd’hui) une vie politique locale. Pouvanaa a Oopa, premier Tahitien élu député en 1949, est aussi le leader charismatique du premier parti politique, le RDPT (Rassemblement démocratique des populations tahitiennes). Le Polynésien s’oppose avec force à l’administration coloniale française. Il est réélu député en 1951 et 1956. Fin, Pouvana'a est élu vice-président du Conseil de gouvernement grâce à une modification du statut du territoire. Il occupe la deuxième place, juste après le gouverneur, dans la pyramide du pouvoir local.

Un opposant devenu gênant pour raison d'État 

En septembre 1958, Pouvanaa fait campagne pour le NON au référendum du général De Gaulle, revenu au pouvoir en mai. Le OUI sort majoritaire de la consultation. De Gaulle a déjà pour projet d'implanter le Centre d'expérimentation du Pacifique avec comme sites de tirs pour les essais nucléaires, les atolls de Mururoa et de Fangataufa.

Pouvanaa a Oopa représente un obstacle à la politique nucléaire française. Localement, il s'est fait des ennemis, son parti milite pour la mise en place d'un impôt sur le revenu. Le gouvernement français aidé des adversaires locaux monte une véritable machination contre le leader polynésien. Accusé d'avoir donné l'ordre d'incendier la ville de Papeete, il est arrêté en octobre 1958. Son procès ne se tient pas dans des conditions normales. Les archives montrent l'intervention du pouvoir dans le déroulement de la justice. Il est condamné à huit ans de réclusion criminelle (à effectuer en métropole) et quinze ans d’interdiction de séjour.

Pouvanaa a Oopa, menotté et encadré de gendarmes lors de son arrestation, le 11 octobre 1959 à Papeete

Retour au Fenua après des années d'exil

Pouvanaa défile en fauteuil roulant au premier rang de la grande manifestation anti nucléaire en juin 1973 à Papeete (Tahiti, Polynésie)

Après avoir bénéficié de différentes mesures de clémence, Pouvanaa est autorisé à rentrer en Polynésie le 30 novembre 1968. L’année suivante, il obtient l’amnistie de sa condamnation, mais il souhaite que son innocence soit reconnue après une révision de son procès. Il devient sénateur de 1971 à 1977 mais n'obtient pas sa réhabilitation. Il meurt en 1977, année du premier statut d'autonomie de gestion de la Polynésie française.

NB : L'annulation de la condamnation de 1959 par la Cour de révision des condamnations pénales est obtenue en octobre 2018. Pouvanaa a Oopa est totalement réhabilité quarante ans après sa mort et 6 ans après la réalisation de ce documentaire. 

Retrouvez sur le portail des Outre-mer deux autres films primés au FIFO

Écriture et réalisation : Marie-Hélène Villierme
Production : Tuatau Production
Durée : 90 minutes2012