VIDÉO : Transition énergétique, l’horizon 2030 est-il réaliste ? [Outre-mer et si on bougeait les lignes ?]

Pour limiter les émissions de gaz à effet de serre dans les Outre-mer, il faut abandonner les combustibles fossiles au profit des énergies renouvelables. En Outre-mer, l’objectif du gouvernement est d’atteindre la transition et l’autonomie énergétiques à l’horizon 2030. Cet objectif est-il réaliste ? C’est la nouvelle thématique débattue dans "Outre-mer, et si on bougeait les lignes ?"

La lutte contre le réchauffement climatique passe par un nouveau modèle énergétique. Il s’agit de transformer toutes les facettes du secteur de l’énergie, de la production à la consommation. Les Outre-mer, encore très dépendants d’une énergie carbonée, doivent concilier transition et autonomie énergétiques. Pour Jean-François Mauro, directeur de l’ADEME Martinique, "ce processus de transition énergétique implique des leviers techniques, organisationnels et économiques". 9 ans après le vote de la loi sur la transition énergétique et l’énergie verte (2015), "la situation est différente selon les territoires". Et pour Jean-François Mauro, "le délai de 2030 sera difficile à atteindre".

L’importance des PPE


Deux rapports portent sur cet objectif de transition et d’autonomie énergétiques ; l’un est porté par les parlementaires Davy Rimane et Jean-Hugues Ratenon, l’autre émane du CESE. Par transition énergétique, on entend notamment conversion des centrales existantes dans les territoires à la bio masse solide ou bio liquide. À La Réunion par exemple, la centrale installée à la ville du Port a abandonné le fioul pour la biomasse liquide, du colza importé notamment de l’Hexagone. La centrale produit 40% de l’énergie annuelle du département. Le député Jean-Hugues-Ratenon d’insister sur "les choix faits au moment de l’élaboration des programmations pluriannuelles de l’énergie – PPE dans les régions". Chaque territoire doit à travers la planification pluriannuelle de l’énergie expliquer le choix des énergies renouvelables souhaitées, les moyens d’y arriver et les considérations budgétaires. Pour Antoine Jourdain, directeur EDF SEI (systèmes énergétiques insulaires), "les PPE indiquent la marche à suivre et orientent les projets dans ce domaine".

La centrale centrale bioénergie de Port-Est

Énergies renouvelables : potentiel riche et diversifié dans les Outre-mer


Le potentiel des énergies renouvelables dans les Outre-mer est souligné dans le rapport du Conseil économique social et environnemental – CESE publié début mars. Pour Nadine Hafidou, coauteur du rapport, "les territoires doivent concilier les objectifs de transition et d’autonomie, ensemble et de manière complémentaire".

Ferme photovoltaïque en Nouvelle-Calédonie

Trois filières d’énergie renouvelable sont matures, le solaire, l’éolien et la géothermie ; la géothermie qui existe déjà à Bouillante en Guadeloupe. D’autres moyens sont soit à l’étude soit déjà mis en place dans les territoires, l’agrivoltaïsme (technique consistant à maintenir des cultures qui supportent l’ombre des panneaux photovoltaïques), le développement solaire, les éoliens terrestres, l’hydroélectricité, une filière qui est notamment développée en Guyane à Petit-Saut ou encore le SWAC, une nouvelle technologie qui utilise l’eau de mer des profondeurs pour faire fonctionner la climatisation. Une piste supplémentaire pour Antoine Jourdain et Nadine Hafidou, d’autant que la Polynésie française l’utilise déjà pour alimenter le principal hôpital de l’archipel et un hôtel. Pour Jean-François Mauro, "tout est possible, tout peut être étudié" ; c’est dans ce sens que l’Ademe Martinique, l’organisme public chargé de la transition écologique, tout comme les autres antennes dans les territoires ultramarins mènent des politiques de prospections pour chaque région. Toutefois, la piste du "petit nucléaire" relevé par le CESE ne fait pas l’unanimité notamment auprès du parlementaire réunionnais Jean-Hugues Ratenon. Mais pour Nadine Hafidou, "c’est une piste qui pourrait être étudiée notamment pour La Réunion".

Problématique du foncier et acceptation sociale

Une éolienne en Outre-mer


En matière de nouvelles technologies, le secteur des énergies renouvelables n’en manque pas. Mais se pose souvent la question des freins ; le foncier est un obstacle de poids. L’éolien offshore ou flottant peut être une solution. Ce nouveau dispositif permet d’installer des turbines à plusieurs kilomètres des côtes ; un premier parc (coût du dispositif : 200 millions d’euros), a été inauguré il y a quelques semaines dans le golfe de Fos en Provence en Méditerranée près de Marseille. Une possibilité qui serait à étudier selon Jean-Hugues Ratenon, qui ne serait pas opposé à un tel projet sur son territoire, où un projet est à l’étude à La Réunion. "Il faudrait étudier l’ensemble d’un tel projet pour en connaître les impacts notamment environnementaux" selon le parlementaire.


Le développement du photovoltaïque, de l’éolien trouve des oppositions sur le terrain. La population n’est pas forcément d’accord avec l’implantation des éoliennes. Exemple à Dadoud Petit-Canal en Guadeloupe avec les agriculteurs vents debout contre le parc d’une dizaine d’éoliennes. Ils revendiquent la propriété des terres agricoles dans la zone. À Prospérité, un petit village guyanais, les Kali'na (l'un des six peuples amérindiens de Guyane) s'oppose à un projet d’une centrale photovoltaïque qui doit approvisionner près de 10.000 foyers en électricité. L’acceptation sociale peut s’avérer être un frein dans ce domaine des énergies renouvelables. Pour Jean-François Mauro, un travail en amont, doit être fait pour expliquer l’ensemble des projets à exploiter. "Un travail mené en partie au sein du CESE" souligne Nadine Hafidou.

Que faire des déchets ?


Les énergies renouvelables sont également productrices de déchets. Que faire par exemple des panneaux photovoltaïques hors d’usage ? Une fois démontés, ils sont exportés vers l’Hexagone, dans le seul centre de recyclage de ce genre de panneaux à Bordeaux. L’autonomie énergétique sous-entend une production locale à 100% sans aucune importation, or ce n’est pas le cas. On importe presque tout, les panneaux photovoltaïques, les batteries, la biomasse, bio liquide, pour le CESE, "il faut limiter les importations lointaines, et mettre l’accent sur la valorisation des ressources de biomasse disponibles localement". "Il faut développer les filières locales" insiste Nadine Hafidou. Un paradoxe est à relever, la Guyane a choisi pour ses 4 centrales en plein essor, la biomasse solide. Ce qui nécessite leur fonctionnement, plusieurs milliers de tonnes de bois chaque année. Mais il s’avère que le département n’en produit pas suffisamment et est obligé d’importer du bois énergie.

La centrale biomasse de Montsinéry en construction

Nouvelle fiscalité ?


Les changements énergétiques à venir nécessitent également une évolution des régulations du réseau et un accompagnement dans la durée. Cela demande aussi une profonde réforme de la fiscalité des territoires ultramarins ; en effet, 50% des recettes des collectivités locales viennent de la taxe sur les carburants. L’arrêt de leur utilisation dans les centrales ou dans les transports collectifs aura des conséquences dans les finances des collectivités qui devront dès lors trouver une autre source d’entrée d’argent.

Les invités de Siti Daroussi :

De gauche à droite : Jean-Hugues Ratenon, Siti Daroussi, Nadine Hafidou et Antoine Jourdain.


Jean-Hugues Ratenon, député LFI de La Réunion, coauteur d’un rapport sur l’autonomie énergétique des outre-mer publié en 2023.


Nadine Hafidou, cheffe d’entreprise, vice-présidente de la délégation OM du Conseil économique social et environnemental, coauteur d’un rapport sur la transition énergétique des Outre-mer publié il y a quelque semaine.


Antoine Jourdain, Directeur d’EDF Systèmes Electriques Insulaires


En duplex depuis la Martinique :

Jean-François Mauro, directeur de l’ADEME Martinique, en duplex depuis la Martinique.


Jean-François Mauro, directeur de l’ADEME Martinique

Retrouvez tous les thèmes évoqués dans l'émission Outre-mer, et si on bougeait les lignes ?

Une émission présentée par Siti Daroussi
Rédacteur en chef : Didier Givodan
Production : Pôle Outre-mer de France Télévisions
Durée : 52 minutes - © 2024