Violences conjugales : un rapport parlementaire propose 59 mesures pour endiguer ce fléau

Hémicycle de l'Assemblée nationale
À la demande de la Première ministre Elisabeth Borne, la députée Émilie Chandler et la sénatrice Dominique Vérien ont rédigé un rapport à destination du ministre de la Justice et de la ministre déléguée en charge de l'égalité entre les femmes et les hommes. Elles proposent 59 propositions pour lutter contre les violences au sein du couple.

Ces 59 propositions arrivent au bon moment pour donner une force supplémentaire à la lutte contre les violences intrafamiliales. Elles serviront de feuille de route pour la justice et le gouvernement, mais ne pourront être toutes appliquées en l’état.

Coécrit par Émilie Chandler, députée Renaissance de l’Oise, et Dominique Vérien, sénatrice UDI de l’Yonne, ce rapport répond à une volonté forte des deux quinquennats d’Emmanuel Macron : la lutte contre les violences conjugales. Le président avait même décrété cette bataille comme "grande cause nationale " le 25 novembre 2017.

42 féminicides

Ce recueil de proposition répond à l’urgence d’agir face à l’importance des féminicides dans le pays. Depuis le 1er janvier 2023, 42 femmes sont mortes sous les coups de leur compagnon ou ex-conjoint.

Les départements d’Outre-mer, particulièrement sujets à ce type de violence, sont concernés à juste titre par ce rapport, mais n’ont pas fait l’objet d’une attention particulière des auteurs. "Nous n’avons pas fait de recommandation spécifique pour les territoires ultramarins, car la problématique des violences intrafamiliales use des mêmes ressorts qu’à l’échelle nationale. Notre dispositif a pour vocation d’être appliqué à l’ensemble du territoire", affirme Émilie Chandler, jointe par téléphone par Outre-mer la 1ère.

Parmi les 59 préconisations, les deux parlementaires ont la volonté de ne pas retenir l’idée de la création d’un délit de "violence conjugale "dans le code pénal, car "elles sont déjà réprimées par les législateurs", déclare la députée de l'Oise. "On ne le préconise pas, mais il faut aller plus loin. Nos travaux et la lutte ne s’arrêtent pas au moment où on remet notre rapport", ajoute-t-elle.

L’une de leurs préconisations fortes en revanche, c'est la création d’une ordonnance d’éviction immédiate du conjoint violent qui sera prise par le procureur de la République en lien avec le juge aux affaires familiales.

Étendre le dispositif "téléphone grand danger"

Les deux parlementaires préconisent aussi la libération de la parole via plusieurs canaux, en utilisant notamment dans un premier temps le dispositif de "téléphone grave danger" (TGD).

Elles voudraient ainsi offrir la possibilité aux victimes de solliciter la remise d’un téléphone auprès des caisses départementales d’allocations familiales ou des associations de victimes agréées par le tribunal judiciaire.

Cet outil a été généralisé il y a huit ans, mais son nombre d’attributions en France "est presque trois fois plus faible que celui du dispositif espagnol " selon les conclusions du rapport. En France, à l’inverse de notre voisin ibérique, le TGD est délivré sur décision du procureur de la République, alors qu’en Espagne ce sont les services sociaux et certains services dédiés des mairies qui le délivrent, nous apprend le rapport.

Émilie Chandler précise : "Il faut que ce dispositif [le téléphone grave danger] soit étendu. S’il y a plus de violence, il faut plus d’utilisation, mais ça, ça reste à l’appréciation de la justice."

Accompagner les enfants 

Par ailleurs, les deux parlementaires proposent également de mettre en place dans les lieux publics, tels que les centres commerciaux, places de villages et centres sportifs, des boîtes aux lettres VIF, dédiées au signalement des violences intrafamiliales.

L’utilisation de ces canaux vise en grande partie à libérer la parole des victimes. Les services postaux pourraient être mis à contribution. Leur vocation ne serait pas de recenser les situations d’urgence, mais de permettre la détection des situations de violence intrafamiliale.

Lors d’un féminicide ou de violences, les enfants des victimes sont souvent des victimes collatérales de ces actes. C’est pourquoi les deux élues se penchent dans leurs 59 préconisations sur le sort des enfants. Elles proposent de leur attribuer "la qualité de pupilles de la République", en se basant sur le modèle de ce qui est déjà mis en place pour les enfants victimes de terrorisme.

L’idée est d’accompagner cet enfant qui n’a rien demandé à personne. […] Cet accompagnement vise à l’emmener vers des formations d’excellence, et favoriser son intégration dans la société.

Émilie Chandler

Dans ce document, l’accent est aussi mis sur la nécessité de former les personnes qui interviennent à la suite d’un signalement de violence conjugale. Les deux rapporteuses estiment qu’il faut "renforcer la formation des professionnels du champ de la protection de l'enfance" et "mettre en place des formations inter-institutionnelles régulières afin de partager les pratiques et d'acquérir une connaissance commune".

Ce rapport étant remis au gouvernement, la députée et la sénatrice espèrent qu’une grande partie de leurs recommandations seront suivies.